À l'appel d'un collectif de fonctionnaires du ministère de la Culture, un sit-in organisé au palais de la culture Moufdi-Zakaria (Alger) a regroupé une cinquantaine d'artistes, de cadres, d'étudiants et de travailleurs du domaine culturel, venus des quatre coins du pays. Les "Libres d'Algérie", puisque c'est ainsi qu'ils se nomment, ont occupé trois heures durant l'esplanade de ce haut-lieu de la culture de la capitale, munis de leurs slogans, pancartes et surtout de leurs revendications. Dire non au népotisme, à la marginalisation, à la corruption, à la nomination hasardeuse de certains responsables, dénoncer l'usage des budgets utilisés par certaines institutions relevant du ministère, étaient les quelques revendications des manifestants qui se sont présentés, tour à tour, devant la foule, pour exposer les problèmes rencontrés dans leurs domaines respectifs. La comédienne Fatiha Nesrine dira à ce propos : "Nous sommes mis à l'écart, on nous a marginalisés et manqué de respect, on a favorisé la médiocrité et on a laissé de côté tous les gens qui ont donné toute leur énergie à la culture, depuis leur jeune âge." Quant à cette situation, produit pour certains de la politique de l'ancien ministre de la Culture, Azzedine Mihoubi, ils exprimeront en leur ras-le-bol à travers des pancartes, affichées tout au long de ce rassemblement. "Mihoubi a été le pire ministre de la Culture depuis l'indépendance, nous demandons à ce qu'il rende des comptes", "La corruption gangrène l'administration, nous demandons une enquête en urgence", ou encore "Les dossiers d'aide aux associations…", "Par là est passée la corruption", "Des associations actives marginalisées, les associations fictives avalent des milliards". Un intervenant, qui s'est fait remarquer, réclame des assises artistiques, composées par des artistes, à même de comprendre et de résoudre les problèmes du secteur. L'autre obstacle qui a conduit au pourrissement est le népotisme, selon de nombreux intervenants. "Si on ne connaît personne on n'est pas programmé", dira l'un d'eux. "C'est comme ça que ça marche généralement. Récemment, des jeunes ont proposé une activité sur les harragas, leur projet a été rejeté." Et de poursuivre : "Nous n'avons rien apporté au patrimoine de l'humanité, en vingt ans. Les institutions culturelles sont maintenant réduites à exposer de la vaisselle ! C'est grave ce qui nous arrive." Pour une étudiante en 2e année à l'Institut supérieur des métiers des arts du spectacle et de l'audiovisuel d'Alger (Ismas), les étudiants se retrouvent démunis face aux obstacles rencontrés de toutes parts. Le problème des diplômes d'abord, qui n'ont, à ce jour, pas été délivrés pour certains étudiants, les empêchant de ce fait de trouver du travail. "Nous avons une plateforme de sept revendications, parmi lesquelles celle concernant nos diplômes. Pour le moment, nous n'avons que des certificats signés par notre actuelle directrice. Quand nous lui parlons de ce problème, elle nous dit avoir déposé les dossiers, et qu'il faut aller voir avec le ministère de la Culture. Ce qu'on ne peut pas faire, parce que nous ne reconnaissons pas les ministres illégitimes du gouvernement Bedoui." Par ailleurs, les initiateurs de ces rassemblements — qui ont commencé, pour rappel, le 10 avril dernier devant le siège du ministère de la Culture — se réuniront en assemblée générale suite au sit-in d'hier, pour dégager une plateforme de revendications prenant en compte tous les secteurs des arts. Yasmine Azzouz