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Les retrouvailles différées
TAHAR DJAOUT
Publié dans Liberté le 30 - 05 - 2019

Un l'hommage a été rendu à Tahar, presque à la sauvette certes, mais dans une salle pleine à craquer, une salle où l'émotion était quasiment tangible ; où se lisait dans les yeux la flamme inextinguible de la survie, de la vie. Et n'est-ce pas cette flamme, reprise par nos jeunes aujourd'hui qui nous incite à rassurer Tahar : "Oui, le printemps est revenu ! Et il n'en sera que plus beau !" de Rachid Mimouni.

Je revenais du Qatar après une année académique effectuée en qualité de visiting professor à l'université de Doha. On était à la mi-juin. À l'escale du Caire j'appris par la presse distribuée dans l'avion d'Air Algérie que Mahfoud Boucebci avait été assassiné l'avant-veille et que Tahar Djaout avait succombé à ses blessures le 2 juin. Quel choc ce fut ! Pour le cas particulier de Djaout, je savais déjà qu'un attentat avait été perpétré contre lui le 26 mai. Mais j'espérais qu'il allait en réchapper. Espoir sans fondement, hélas ! La nouvelle me bouleversa à tel point que je m'enfermai dans le silence pendant toute la durée du voyage Le Caire-Tunis, puis Tunis-Alger.
Mais pendant ce temps-là, mon esprit travaillait fiévreusement. Je composais en fait, ce qui allait devenir ce poème. Et je me remémorais les moments que nous avions partagés. Notre dernière rencontre remontait à fin avril 1992. Je luis rendis visite dans les nouveaux locaux de l'hebdomadaire Algérie-Actualité. Le Président Boudiaf venait de prendre en main les destinées du pays et nous nous sentions, un tant soit peu, rassurés malgré l'atmosphère inquiétante qui régnait à Alger. Djaout, lui, semblait serein. Me montrant un texte qu'il venait de rédiger – c'était un poème, je crois, il me dit : "Je continue à faire ce que je sais le mieux faire : écrire." Il me dit cela avec son accent légèrement traînant. Derrière ses lunettes, ses yeux pétillaient d'intelligence ; et son sourire juvénile contrastait singulièrement avec sa moustache en bataille. Je lui appris que j'allais faire une communication* sur son roman L'Invention du désert. Il me promit qu'il allait venir couvrir l'événement en tant que journaliste.Cela devait avoir lieu en mai à Ghardaïa, à l'occasion d'un colloque organisé par l'Université euro-arabe. Il suggéra aussi la possibilité de nous retrouver, en juillet sur la plage d'Azaghar, en contre-bas d'Oulkhou, son village natal.
Je ne savais pas que c'était là notre dernière rencontre. Je l'attendis vainement à Ghardaïa. Il ne vint pas. Avait-il eu un contre-temps ? Ou vint-il après que j'eus quitté les lieux ? Je ne sais. Au moment où j'écris ces lignes, je ne puis m'empêcher de penser à trois autres participants à ce colloque qui allaient tous périr assassinés : Djilali Liabès, alors ministre de l'Enseignement supérieur, le poète et enseignant à l'INA, Youcef Sebti, et Salah Djebaïli, recteur de l'USTHB. Je reviendrai plus loin sur le cas de ce dernier. Refermons cette parenthèse douloureuse – mais n'oublions pas ! En juillet 1992, je plantai ma tente à Azaghar. Mais de Tahar, point. Par contre, j'y rencontrai un de ses proches cousins qui s'occupait d'un arpent de vignes coincé entre une rangée de pins maritimes et la Méditerranée. Il me parla longuement de Tahar, de son amour partagé entre la mer et la montagne, de son attachement à cette terre. Et me voilà reparti "à la recherche du temps perdu" (Proust). La première fois que je le rencontrai, ce fut à l'occasion de la parution, fin 82-début 83 de mon livre, Politics and the Novel in Africa. Il l'avait lu et voulait m'interviewer à ce sujet. Il était alors journaliste à Algérie-Actualité, rue de la Liberté. L'interview se passa dans une franche camaraderie – qui n'excluait pas cependant un pointillisme certain dans le jeu des questions-réponses. Il fut ravi d'apprendre que j'étais natif d'Azeffoun et m'invita à déjeuner. Notre discussion se continua dans un restaurant de la rue de Tanger fréquenté par des journalistes. En le quittant dans ce brouhaha convivial et enfumé, j'étais certain que nous allions nous retrouver. Je suivais déjà assidûment ses articles consacrés aux poètes, romanciers, cinéastes, peintres et autres artistes – particulièrement ceux qui n'étaient pas en odeur de sainteté chez les "Gardiens du Temple" de l'unanimisme. Je me mis aussitôt à lire ses poèmes et ses premières œuvres romanesques. Et je m'y reconnus. Nous nous rencontrâmes une deuxième fois à Ben-Aknoun dans un café. Il était accompagné de Nabil Fares, qui était à l'époque mon collègue à l'Institut des langues étrangères. Je sentais comme des ‘atomes crochus' entre ces deux-là. Ils avaient la même virtuosité verbale, la même tendance à tourner en bourrique les bien-pensants ; mais sans animosité aucune. Cependant, derrière leur masque de ‘potaches', on sentait le même attrait pour ‘la belle ouvrage'. J'en eus confirmation lorsque j'écoutai Tahar lire quelques extraits du roman qu'il était sur le point de terminer : c'était Les Chercheurs d'os. Cela se passait au cours d'une soirée littéraire organisée par l'attaché culturel de l'ambassade américaine. L'assistance en fut subjuguée.
La quatrième fois que je le vis, c'était dans les nouveaux locaux d'Algérie-Actualités dont j'ai parlé plus haut.
C'était dans une ruelle qui descendait du Boulevard Mohammed V vers la rue Didouche-Mourad. L'occasion en était la publication de ma nouvelle intitulée Lettre d'Australie. C'était juillet 1991. Ce fut lui-même qui m'en fournit l'illustration : un bateau perdu sous un ciel d'encre, comme englué dans une mer glauque, survolé par des mouettes qui ressemblaient à des rapaces. Avec le recul, j'y vois une symbolique du ‘navire Algérie' de l'époque. On vivait dans une espèce d'abattement suite à la déferlante ‘afghane' dans les rues d'Alger, un mois auparavant. Le pays retenait son souffle. Nous étions, en fait au bord de ce qu'on allait appeler pudiquement plus tard ‘la tragédie nationale' ! Une catastrophe naturelle, quoi !
La cinquième et dernière fois où nous nous rencontrâmes fut en avril 1992, comme je l'ai écrit plus haut. Boudiaf nous apportait une lueur d'espoir, lueur qui allait s'éteindre, fin juin, sous les rafales patricides … d'un ‘acte isolé'. L'odieux cynisme !
Mais revenons à ce poème ; car lui aussi à son histoire. Je le mis par écrit fin juin 1992 à Azeffoun précisément à la veille de l'assassinat de Boudiaf. Et j'en donnai lecture pour la première et dernière fois deux années plus tard, en juin 1994. C'était au campus de Bouzareah. Malgré la peur lancinante qui y régnait, les magistérants de l'ILE avaient, courageusement tenu à commémorer la disparition de Djaout. Nous devions être neuf communicants. Mais, la veille de l'évènement, Salah Djebaïli, qui revenait d'exil pour l'enterrement de son père, fut froidement assassiné dans le parking de l'UTSHB. Résultat : cinq communicants se désistèrent. Mais l'hommage fut quand même rendu à Tahar, presque à la sauvette certes, mais dans une salle pleine à craquer, une salle où l'émotion était quasiment tangible ; où se lisait dans les yeux la flamme inextinguible de la survie, de la Vie. Et n'est-ce pas cette flamme, reprise par nos jeunes aujourd'hui qui nous incite à rassurer Tahar : oui, le printemps est revenu ! Et il n'en sera que plus beau ! (Mimouni).
Abderrahmane arab
(*) Professeur honoraire, écrivain
Aït Oumalou, mai 2019


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