Accusé de possession de devises étrangères et de corruption et de trafic d'influence, l'ancien président soudanais, déchu, est apparu dans une cage en métal, mal rasé et vêtu d'une robe blanche traditionnelle. Le procès de l'ex-président soudanais déchu, Omar al-Béchir, promet d'être riche en révélations. Déféré devant le tribunal de Khartoum dès les premières heures de la matinée d'hier, l'ancien chef d'Etat, poursuivi pour corruption, a reconnu avoir perçu 90 millions de dollars en espèces de la part de l'Arabie Saoudite. Le brigadier de la police soudanaise Ahmed Ali a déclaré à l'ouverture du procès que l'ancien président lui avait dit que l'argent avait été "livré par certains des envoyés de Mohammed ben Salmane, le prince héritier saoudien". M. Ali a rappelé en outre que de vastes sommes avaient été retrouvées dans la résidence de M. Béchir, après sa destitution. "L'accusé nous a dit (...) qu'une somme de 25 millions de dollars lui avait été envoyée par le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane hors budget de l'Etat", a affirmé l'enquêteur. Il a également indiqué qu'Omar al-Béchir avait reconnu avoir reçu deux paiements de 30 et de 35 millions de dollars du roi Abdallah d'Arabie Saoudite, décédé en 2015. Selon cet enquêteur, M. Béchir a admis qu'il décidait de l'utilisation de ces sommes, qu'elles avaient effectivement été dépensées, mais qu'il ne se rappelait pas précisément comment et ne disposait d'aucun document. Tout au long des trois heures d'audience, l'ancien président soudanais est apparu calme, selon des médias présents sur place. Destitué par l'armée le 11 avril en réponse à des manifestations massives, après 30 ans à la tête d'un régime militaire, M. Béchir est arrivé devant le tribunal escorté par un imposant convoi militaire. À l'intérieur de la salle d'audience, il était assis dans une cage en métal, mal rasé et vêtu d'une robe blanche traditionnelle. L'ancien homme fort du Soudan fait face à des accusations de "possession de devises étrangères, de corruption et trafic d'influence". Le procès de M. Béchir s'est ouvert alors que le processus de transition vers un pouvoir civil attend toujours son premier acte concret avec la désignation des membres du Conseil souverain. Le procès doit désormais reprendre le 24 août. Fin avril, le chef du Conseil militaire de transition, le général Abdel Fattah al-Burhane, avait déjà affirmé que l'équivalent de plus de 113 millions de dollars avaient été saisis en liquide dans la résidence de l'ex-président à Khartoum. En mai, le procureur général avait par ailleurs déclaré que M. Béchir avait été inculpé pour des meurtres commis lors des manifestations anti-régime ayant conduit à son éviction. Les protestations contre le régime Béchir avaient éclaté le 19 décembre, après un triplement du prix du pain. Elles se sont poursuivies après sa chute afin d'obtenir un transfert du pouvoir aux civils, et ont abouti samedi à la signature d'un accord entre généraux au pouvoir et contestation. Des milliers de Soudanais ont célébré cet accord historique, mais la désignation attendue dimanche du Conseil souverain censé piloter cette transition a été retardée, l'une des cinq personnes choisies par la contestation ayant décliné l'offre. Une fois constitué, le Conseil souverain composé de six civils et cinq militaires, devra superviser la formation d'une administration civile de transition, et notamment du gouvernement. La cérémonie de signature samedi a eu lieu en présence de nombreux dignitaires étrangers, signe que le Soudan pourrait tourner la page de son isolement sous le régime Béchir.