L'ouvrage du regretté Abderrezak Hellal, publié aux éditions Rafar en 2011, est un acte testamentaire pour en finir avec l'image fallacieuse et fourbe du cinéma colonial sur l'Algérie. Il arrive que les portes du placard grincent de leurs gonds. Non qu'ils soient rouillés par l'usure du temps mais par la hantise des fantômes qui y sont séquestrés dans la loggia du passé où loge ce qui hante les consciences. Donc, s'il est sordide de mettre le passé aux oubliettes de l'ère coloniale, le passé rejaillira tôt ou tard à la face de ses geôliers. Pour autant, l'éphémère bonheur que procure l'instant présent de l'oubli s'en trouvera frelaté à cause des spectres de l'histoire qui tourmentent l'esprit oublieux. C'est le cas de l'histoire de notre guerre de libération qui est fichée de la sordide consigne : "Cachez-moi ces vérités que je ne saurais voir" et que le regretté Abderrezak Hellal (1951-2014) évoque dans son livre intitulé Histoire du cinéma ou Le refus d'une mise en image (éditions Rafar, 2011) de notre guerre de libération. Donc, si l'écrivain et lauréat du prix Pulitzer (1969) Norman Kingsley Mailer (1923-2007) a osé la phrase qui fâche: "Pourquoi sommes-nous au Vietnam" et qui s'ajoute à l'Apocalypse now (1979) de Francis Ford Coppola, en revanche, la France s'emmure dans un "silence hautain" et feignant d'ignorer ses exactions en Algérie, a écrit Ahmed Bedjaoui en guise de préface. Certes qu'il y a eu l'œuvre américano-gaulliste Centurions (1966) de Marc Robson (1913-1978) mais en hommage sélectif et à sens unique pour la soldatesque sanguinaire du général Jacques Massu (1908-2002). D'où la félonie de l'ordre des bien-pensants d'outre-mer qui se refusent d'adopter "l'Algérien sur les écrans français". À l'évidence, l'œuvre de l'auteur, 1830 (éditions Enal), escompte l'exhumation de l'histoire et écrire les non-dits qui ont motivé l'envoi du corps expéditionnaire de l'armée d'Afrique qu'avait conduit au sabre infâme, le maréchal Louis Auguste Victor de Ghaisne et comte de Bourmont (1773-1846) sur les rives de Sidi-Fredj : "Une louche affaire menée par les tout-puissants négociants juifs d'Alger avec la complicité de politiciens tarés de Paris ; un incident provoqué par un diplomate suspect, une expédition conduite par un général discrédité ; une victoire accueillie avec indifférence ou hostilité par l'opinion publique et suivie de la chute de la dynastie qui en revendiquait le mérite, tels furent les débuts singuliers de la conquête de l'Algérie par la France." Autre irrévérence perpétrée par l'occupant, l'image noircie de Pépé le Moko (1937) de Julien Duvivier (1896-1967) qui a avili la Casbah lors de l'amère évocation du centenaire du joug colonial. En ce sens, la préface d'Ahmed Bedjaoui est un avant-goût de ce qu'évoque l'auteur du recueil de nouvelles Entre l'olivier et la rocaille au sujet de ce "cancre" de colonialisme qui n'apprend pas ses leçons. À ce propos, Abderrezak Hellal feuillette la mémoire, d'où il a extrait l'atrocité perpétrée depuis le heurt de Sidi-Fredj jusqu'à l'horrible ligne Morice en longeant les 500 km de barbelés de l'enfer. Et soucieux de vêtir l'Algérie de l'estampille de l'exotisme, l'œuvre filmique de l'occupant n'a eue de cesse de galvauder l'image erronée de l'Algérie où l'Orient et ses bazars tenait le haut du générique. Du reste, le livre de Abderrezak Hellal tinte le tocsin pour que les auteurs et cinéastes se coalisent autour de l'idée de désaliéner notre histoire que l'occupant se refuse de porter à l'écran. Pour conclure, le livre de Abderrezak Hellal est un acte testamentaire pour en finir avec l'image fallacieuse et fourbe du cinéma colonial sur l'Algérie. L'appel sera-t-il entendu ?