"Nous disons à ceux qui appellent au changement, faites de beaux rêves." C'était le 24 février dernier à Oran. Ce jour-là, le désormais ex-secrétaire général du FLN, Mouad Bouchareb, éphémère président du Parlement, défiait des millions d'Algériens qui avaient défilé deux jours plus tôt dans de nombreux endroits du pays pour réclamer un changement radical du régime. Sept mois après cette incartade passée dans la postérité et trente-deux vendredis de mobilisation, non seulement l'auteur des propos a disparu des écrans radar, incapable de s'afficher publiquement, mais deux des responsables qui ont occupé son poste avant et après lui se sont retrouvés, ironie de l'Histoire, sous les verrous. Parti du pouvoir et au pouvoir depuis l'indépendance du pays, le FLN ne s'est jamais retrouvé dans une situation aussi délicate que celle sous laquelle il ploie depuis l'irruption de la dynamique citoyenne en février dernier. Même lors du vote-sanction de 1991, dans la foulée de l'ouverture démocratique qui avait sonné le glas du parti unique, il n'avait pas connu pareille descente aux enfers. À deux mois de l'élection présidentielle fixée par le "pouvoir de fait", le FLN, un des rares partis de la défunte alliance présidentielle, ne sait toujours pas sur quel pied danser. Annoncée en grande pompe, il y a quelques semaines, la tenue du conseil national du parti, instance souveraine entre deux congrès, fait toujours l'objet d'un jeu de coulisses. Tout se passe comme si le parti, jadis véritable baromètre du sérail et des rapports de force claniques à l'intérieur du régime, peine à "capter" l'odeur de la "bonne soupe". Il faut dire que ce parti-Etat a vécu ces derniers mois les pires moments de son histoire. Au désaveu populaire que traduisent les slogans "FLN dégage", brandis par les manifestants, sont venus s'ajouter les ennuis judiciaires qui frappent ses dirigeants accusés de corruption. Alors que le parti peinait à tourner la page du fantasque Ould Abbes, voilà que son successeur est vite rattrapé lui aussi par de "sulfureuses" affaires. Il ne fera pas de vieux os à la tête du parti. Plombé par son soutien au président déchu, désigné comme son candidat, pour un cinquième mandat, miné par des luttes internes, le FLN se voit aussi ébranlé par la récente charge de la puissante Organisation nationale des moudjahidine. Pour une fois dans l'histoire, rompant avec une tradition établie et non écrite, l'ONM, par la voix de son secrétaire général par intérim, appelle publiquement à "protéger" le sigle FLN, patrimoine de tous les Algériens, souillé à ses yeux, et propose sa mise au musée. Une vieille requête du défunt Mohamed Boudiaf. Et alors que quasiment tous les partis se sont déjà prononcés sur le prochain scrutin, entre ceux qui le rejettent ou ceux qui ont décidé d'y prendre part, à l'image du RND, un de ses "alliés", qui a décidé de présenter son propre candidat, le FLN se complaît dans une posture qui trahit un désarroi, malgré la présence de nombre de ses militants au sein des institutions et autres démembrements de l'Etat. Faut-il présenter un candidat, dans un climat de grande incertitude et d'hostilité vis-à-vis du parti, ou opter pour le soutien d'une autre candidature ? Et quelle candidature ? Attend-il quelque visibilité maintenant que toutes les grilles de lecture sont brouillées et que les rapports de force ont changé ? C'est assurément la hantise d'une dislocation qui confine le parti dans cette position attentiste, synonyme de lendemains incertains pour un parti auquel les Algériens attribuent tous les échecs.