L'impasse politique que connaît l'Algérie est-elle en train d'amplifier la crise économique ? En tous cas, l'impact sur l'entreprise est palpable. C'est le cas de NCA Rouiba, une des entreprises les plus dynamiques du secteur agroalimentaire en Algérie. "La situation est très délicate", relève le président du conseil d'administration de l'entreprise, Slim Othmani. "Nous sommes impactés par la crise", nous a-t-il indiqué. Cependant, précise-t-il, la crise économique ne date pas du 22 février 2019. La situation économique du pays était déjà dégradée. "Nous avons commencé à sentir, d'une façon très marquée, la crise à partir du premier trimestre 2017", indique-t-il. Par la suite, le temps économique s'est aligné sur le temps politique. "La crise politique a accentué la crise économique", constate le patron de NCA Rouiba. "Le facteur de confiance n'est plus au rendez-vous", regrette-t-il, évoquant la croissance "exponentielle" des impayés de la part des clients. Cette hausse des impayés impacte évidemment la trésorerie de l'entreprise et donc son fonctionnement. Ce qui se répercute sur la capacité de NCA Rouiba à honorer ses dettes fournisseurs et sur sa capacité d'endettement. "Du fait de l'absence de confiance, les gens cachent leur argent, parce qu'ils ont peur de la situation politique", révèle Slim Othmani, qui avertit sur le risque de dégradation de l'image de l'Algérie, à cause des difficultés d'honorer les dettes des fournisseurs étrangers. Sur le plan local, le patron de NCA Rouiba évoque un effet boule de neige. Par ailleurs, il affirme que les banques publiques sont extrêmement frileuses. Selon lui, "elles ont du mal à se prononcer sur certains crédits. Elles sont dans une logique d'expédier les affaires courantes, sans augmenter les risques auxquels elles sont exposées". Les banques internationales, constate-t-il, "sont un peu plus actives, mais très vigilantes et très à l'écoute de ce qui se passe". "Elles sentent que les entreprises sont dans une situation de risque. Elles le perçoivent clairement", souligne-t-il. Pour atténuer les effets de la crise, la société s'est engagée "immanquablement" dans un programme de réduction des charges. Un plan de recouvrement très actif de créances a été entrepris, "avec les risques que cela représente", relève notre interlocuteur, en s'interrogeant sur l'absence de réactions des décideurs. "Veulent-ils laisser pourrir la situation économique pour mettre la pression sur le citoyen algérien et le faire fléchir sur ses revendications politiques ?", s'interroge-t-il. "Ou bien ils ne savent pas résoudre les problèmes par manque de concertation et par manque d'attention qu'ils accordent à la sphère économique", estime-t-il. Pour notre interlocuteur, les mesures qu'il faudrait entreprendre exigeront beaucoup de sacrifices et, à l'évidence, seul un pouvoir légitime pourrait convaincre les citoyens du bien-fondé des réformes à opérer, "avec beaucoup de transparence et de communication". M. R.