Cet apparent détachement traduit toute la difficulté pour de nombreux pays de se positionner vis-à-vis d'un pays dont on a décrété qu'il était définitivement anesthésié et où les enjeux, autant économiques que géostratégiques, sont considérables. Huit mois après l'irruption du mouvement populaire réclamant un changement radical de système, la communauté internationale affiche un regard, du moins formellement, détaché sur la situation du pays. Hormis le Canada qui, par la voix de son ambassadrice à Alger, a affiché, depuis juin dernier, son soutien au hirak et quelques ONG qui ont récemment dénoncé les arrestations d'activistes et de journalistes et la violation des libertés, très peu de capitales ont osé commenter les événements qui se déroulent en Algérie. Cet apparent détachement traduit toute la difficulté pour de nombreux pays de se positionner vis-à-vis d'un pays mastodonte dont on a décrété sans doute à tort, dans les salons, qu'il était définitivement anesthésié et où les enjeux, autant économiques que géostratégiques, sont considérables. Pour s'être laissé aller, en marge d'une récente conférence internationale à Tanger, à une digression sur l'Algérie, l'ancien ministre des Affaires étrangères marocain, Salaheddine Mezouar, a été sèchement rappelé à l'ordre par son gouvernement. Instruits de la sensibilité des rapports et de l'éventuelle exploitation du moindre vocable jugé inapproprié, Paris continue d'afficher un semblant de "neutralité". "Nous comptons sur le sens des responsabilités des Algériens. Nous pensons que la voie du dialogue doit s'imposer pour trouver les solutions. Il faut que les Algériens trouvent eux-mêmes les voies du dialogue. Ce n'est pas à la France de dire aux Algériens comment il faut faire. Nous sommes très attachés à l'Algérie et nous souhaitons que les voies du dialogue permettent une solution politique rapide", avait affirmé Le Drian. Quant à l'Espagne, à l'Italie, à la Chine, à certains pays arabes ou encore à la Russie, ils sont aux abonnés absents. Si toute forme d'ingérence est à rejeter, l'on est forcé de relever cette absence totale, et surtout inhabituelle, de réactions et de commentaires sur la situation en Algérie. Si à l'évidence, les intérêts économiques, particulièrement le volet énergétique pour le cas de l'Europe, la coopération sécuritaire et la hantise d'une déstabilisation d'un pays à moins de deux heures de vol de Marseille et la peur, en conséquence, d'un flux migratoire, peuvent expliquer la prudence, voire des "accommodements" avec un régime en mal de légitimité, la crainte du "péril vert" demeure un des éléments de la grille d'analyse de nombreux pays, si l'on se fie à certains observateurs. Echaudées par l'expérience égyptienne et vigilantes face à l'expérience tunisienne où le mouvement Ennahdha demeure une force non négligeable et rythme la vie politique locale, de nombreuses capitales redoutent l'émergence d'un régime islamiste dont elles considèrent la base en "embuscade", même si rien ne permet aujourd'hui d'évaluer avec exactitude son poids. Un argument dont, visiblement, se prévaut Alger. Mais aussi les accusations d'ingérence dont on connaît la susceptibilité des Algériens sur la question. Passons sur la peur de l'effet contagion qui tétanise de nombreux régimes despotiques, particulièrement arabes. Pour l'heure, seuls quelques rares médias, confrontés à de drastiques restrictions sur les visas, tentent, autant que faire se peut, de faire écho à la "révolution du sourire". Une "révolution à huis clos".