Les magistrats, en grève depuis dimanche, ont organisé plusieurs rassemblements et prises de parole dans les différents tribunaux du pays. C'est ainsi qu'ils ont fait leur apparition sur le perron du siège de la cour de Tizi Ouzou vers 10h30, brisant le black-out que leur a imposé le procureur général lors des deux premiers rassemblements. Les magistrats ont fait montre de courage en intervenant eux-mêmes pour permettre aux journalistes présents d'accéder à l'enceinte de la cour. "Âadala hourra moustakila", ont-ils scandé, brandissant chacun une pancarte sur laquelle revenait le même slogan, à savoir "L'indépendance de la justice est une revendication des magistrats et du peuple". Après avoir repris pendant une dizaine de minutes ce seul et unique slogan réclamant l'indépendance de la justice, Mohamed Bouaziz, le représentant des magistrats, entame la lecture de la déclaration. Le magistrat explique d'emblée que "le suivi massif de cette grève n'est que l'expression du profond malaise subi par les magistrats", qu'"elle est loin d'être une œuvre d'improvisation ou de précipitation" et que ses motivations sont "concrètes" et ses revendications "légitimes". Abordant ensuite ces revendications, Mohamed Bouaziz explique qu'elles sont au nombre de deux et que la principale d'entre elles est celle relative à l'indépendance de la justice. "L'indépendance de la justice est une exigence fondamentale et urgente qui doit être réellement consacrée sur le terrain, loin des slogans creux", a-t-il déclaré, ajoutant sur un ton martial qu'"aucun prétexte n'est accepté pour justifier les atteintes aux droits et aux libertés fondamentales du citoyen ou l'atteinte à la société sans raison légitime ou avec des motifs non cohérents avec les textes de lois". Concernant la seconde revendication qui est, ainsi, reléguée à une position secondaire, l'orateur a expliqué qu'il s'agit de "la dignité du magistrat que la société se doit de lui offrir en toutes circonstances afin de pouvoir fermer la porte devant tout dépassement et toute déviation". À Constantine, plus d'une quarantaine de magistrats de la cour et des quatre tribunaux relevant de sa juridiction ont tenu, hier matin, un sit-in devant le palais de justice situé en plein centre-ville. Un mouvement qui n'a été décidé que dans la même matinée et à travers lequel ils ont réaffirmé leur attachement et leur détermination à faire aboutir toutes leurs revendications, notamment celle relative à l'indépendance de la justice. En effet, les grévistes se sont rassemblés à partir de 9h30 dans le hall de la cour de justice. Ils ont ensuite tenu un sit-in d'une trentaine de minutes devant le siège de la cour. Ils ont brandi des pancartes appelant à une réelle indépendance de la justice vis-à-vis du pouvoir exécutif et à la préservation de la dignité des magistrats. "Âadala hourra moustakila, matlab echaâb wal qoudhat" (Une justice indépendante et libre, une exigence du peuple et des juges), et "Je suis juge, je ne suis pas corrompu", pouvait-on lire sur certaines pancartes. "Ce mouvement inédit dans les annales de la justice algérienne vise à rendre la justice forte, libre et indépendante afin de préserver les droits des citoyens algériens. Un Etat de droit ne peut être construit avec une justice asservie", confie un magistrat qui a pris part à ce sit-in. Et d'enchaîner : "L'indépendance de la justice est une exigence pour laquelle nous devrons lutter notamment dans une conjoncture pareille." Le même magistrat confirme que la grève à la juridiction de Constantine est suivie à 100%. Les magistrats des cours et des tribunaux de Bordj Bou-Arréridj et de M'sila ont également organisé, hier matin, un sit-in devant le siège de ces cours de justice. Les magistrats protestataires, drapés dans l'emblème national, ont scandé : "Une justice indépendante et libre, une exigence du peuple et des juges", "Nous ne sommes pas des corrompus, nous combattons la corruption". Dans son allocution, le représentant des magistrats de la wilaya de Bordj Bou-Arréridj, Righa Foudil, a insisté sur les motivations de la grève qu'observent les magistrats depuis dimanche dernier. "L'indépendance de la justice est une exigence fondamentale que nous devons concrétiser sur le terrain, loin des slogans creux", a-t-il déclaré, en ajoutant : "La principale revendication des juges est l'instauration de l'indépendance réelle de la justice, en réponse à la volonté populaire, loin de tout populisme et de tout autoritarisme." De son côté, le représentant des magistrats de la wilaya de M'sila a précisé qu'"il est inconcevable de profiter d'un quelconque événement ou conjoncture pour toucher aux droits et aux libertés essentielles des citoyens". Détermination à poursuivre le mouvement Les magistrats des différentes juridictions de Sidi Bel-Abbès ont observé, hier un sit-in devant le siège de la cour de justice de cette wilaya pour réclamer l'indépendance de la justice qui est, selon eux, "une exigence fondamentale et urgente et (qui) doit être inscrite dans la pratique du terrain, loin des slogans creux". En effet, les magistrats protestataires, arborant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire "Oui à l'indépendance de la justice", "L'indépendance du pouvoir judiciaire est : pensée, textes et pratique", "L'indépendance de la justice est l'exigence des juges et du peuple", ont estimé que la grève était une expression de l'état de conscience des juges et de l'état de détérioration du pouvoir judiciaire en Algérie. La même action de protestation a été observée à Annaba. Une centaine de magistrats s'est rassemblée devant la cour de justice. Au cours de ce rassemblement, le délégué du Syndicat national des magistrats a réitéré la volonté des membres de la corporation à faire aboutir leurs revendications de dignité et d'indépendance. Dans les wilayas de Bouira et de Chlef, les magistrats ont également débrayé pour le troisième jour consécutif. Une grève ponctuée par des sit-in au niveau des tribunaux et des cours. Le même leitmotiv est revenu dans la bouche des grévistes : l'indépendance de la justice.