La première audience de la session criminelle de la cour d'Annaba, qui devait se tenir, hier, sous la présidence de trois juges nouvellement désignés et de deux assesseurs, a été empêchée par une centaine de magistrats grévistes, qui organisaient un sit-in devant l'entrée principale de cet édifice public. Cette action a donné lieu à un face-à-face qui a failli dégénérer en affrontement entre les magistrats en colère et les policiers en uniforme, présents en force sur les lieux sur réquisition expresse du procureur général, rapportent des témoins de la scène. Ces sources indiquent que la tension a été, en effet, à son paroxysme lorsque les agents de l'ordre ont bousculé certains magistrats qui tentaient de fermer la salle d'audience, où devaient avoir lieu les trois premiers procès enrôlés dans le cadre de ladite session criminelle. "Les procureurs et les juges en grève qui ont essayé de s'opposer à la tenue de cette audience ont été malmenés par les policiers et les gendarmes venus en renfort, notamment au moment où les magistrats, assistés cette fois par des avocats, ont voulu s'engouffrer dans le couloir menant vers les salles de justice. Un couloir étroit et mal éclairé où la confusion a régné durant plus d'une heure. Autant les hommes de loi grévistes que les éléments des services de sécurité, qui leur barraient le passage, se sont mis à crier et à se débattre, et on pouvait s'attendre au pire à n'importe quel moment, n'était l'intervention des plus âgés d'entre les magistrats, qui ont dû user de beaucoup de persuasion pour apaiser les esprits", affirme un avocat qui a assisté à la scène et qui a tenu à témoigner sous le couvert de l'anonymat. "Les grévistes ont en fin de compte réussi à faire reporter cette audience grâce aux avocats qui devaient plaider, hier, il faut le souligner. Ceux-ci ont demandé unanimement et solidairement un report d'audience pour soi-disant mieux préparer la défense de leurs clients ; cet argument a été pris en compte par la cour, se doit-on de le reconnaître", ajoute notre interlocuteur. L'un des juges concernés, que nous avons pu contacter en fin de journée, ne cache pas sa satisfaction devant l'attitude de ses confrères grévistes, qui ont prouvé leur détermination à poursuivre leur combat pour l'indépendance de la justice et pour le droit du citoyen. Ce magistrat déplore toutefois l'attitude des confrères qui ont accepté de siéger, hier, à contre-courant d'un mouvement de contestation qui aspire à un regain de dignité pour l'ensemble des hommes de loi algériens. "Nous ne reculerons pas et l'histoire retiendra les noms de ceux d'entre nous qui se seront battus pour l'honneur et la justice véritable en Algérie", conclura ce juge.