Si dans leur majorité, les intervenants ont relevé la nécessité d'un nouveau cadre législatif, nombreux sont ceux qui ont rejeté l'empressement à adopter cette loi dans la conjoncture actuelle. Alors que le projet de loi sur les hydrocarbures était décrié par les manifestants qui participaient, hier, à la 37e marche des étudiants, les députés étaient, pour leur part, appelés à débattre de ce projet dans l'hémicycle. Dès le début de la séance, la présentation du projet de loi par le ministre de l'Energie, Mohamed Arkab, a été marquée par des protestations de la part de députés indépendants, qui ont dénoncé le projet de loi. Il s'agit en l'occurrence des députés Belkacem Benbelkacem, Braham Benaji et Zina Ikhlef qui ont brandi des pancartes par lesquelles ils ont accusé les législateurs de cette loi de "vendre le pays". Dans une déclaration remise à la presse, ces députés ont indiqué qu'"à quelques semaines du scrutin présidentiel hypothétique sur lequel misent fortement les tenants du pouvoir contre la volonté populaire, la promulgation de cette loi est ainsi perçue comme une décision qui vise à obtenir des garanties ou des contreparties politiques", ajoutant que "nul ne peut convaincre le citoyen qu'il ne s'agit pas de bradage de nos ressources et d'une atteinte à la souveraineté nationale". Face à cette protesta, le ministre de l'Energie est resté imperturbable développant son argumentaire. Selon le ministre, la situation à laquelle est arrivé le secteur, notamment Sonatrach, rend plus urgent le changement du cadre législatif encadrant l'investissement dans les hydrocarbures. Sonatrach, qui investissait entre 2000 et 2009 autour de 370 millions de dollars, est actuellement en train d'investir plus de 1,67 milliard de dollars. Ce qui est lourd à assumer pour la compagnie nationale. Mohamed Arkab a précisé que 60% des réserves sont déjà utilisées et que si on continue à ce rythme entre 2025 et 2030, l'Algérie connaîtra un déficit structurel sur le marché national. Partant de là, le ministre a plaidé pour cette loi qui, selon lui, va contribuer à développer le partenariat pour au final booster la production d'hydrocarbures et, par ricochet, assurer les ressources nécessaires au développement, répondre à la demande interne et surtout préserver les parts de marché de Sonatrach à l'international. Le ministre a, également, expliqué la flexibilité qu'offre ce projet de loi aux partenaires à travers les différentes formes de contrats et la fiscalité prévue. En conclusion, le ministre a précisé que l'Algérie dispose d'un fort potentiel et que cette loi vise justement la mise en valeur de ce fort potentiel. Malgré une présence pour le moins mitigée, la liste des députés devant intervenir était longue. Ils étaient 77 députés inscrits sur cette liste en majorité issus du FLN et du RND. Si dans leur majorité, les intervenants ont relevé la nécessité d'un nouveau cadre législatif, nombreux étaient ceux qui ont rejeté l'empressement à adopter cette loi dans la conjoncture actuelle. C'est le cas du premier intervenant, Hakim Berri (RND), qui a demandé le report de ce projet, arguant que ce qui provoque la réticence des partenaires, c'est plus le climat des affaires que la loi en elle-même. Nombreux sont aussi ceux qui ont reproché au ministère de l'Energie sa communication "désastreuse" sur ce dossier, ayant provoqué des incompréhensions chez le citoyen. Pour sa part, le député islamiste Lakhdar Benkhellaf n'y est pas allé avec le dos de la cuillère pour dénoncer ce projet qui, selon lui, émane d'un gouvernement illégitime. Il dénonce également le fait que les députés n'aient reçu le document que la veille de la séance. En outre, il a trouvé anormal que pour un projet aussi sensible, il n'est prévu qu'une journée de débats. Selon lui, c'est toujours la logique d'"el-îssaba" qui prime dans l'élaboration de cette loi, puisqu'elle s'articule toujours sur la rente et la dépendance aux hydrocarbures. À travers les différentes interventions des députés, qui soufflent le chaud et le froid, il n'est pas évident de savoir quel sera le verdict qui sera annoncé le jour du vote, soit le 14 novembre prochain. Mais à la lecture du rapport préliminaire de la commission des affaires économiques, la tendance semble se dessiner. En effet, la commission n'apporte que 17 amendements pour un projet contenant 238 articles. Ces amendements touchent, pour l'essentiel, plus la forme que le fond du texte.