Cet ouvrage, qui offre un regard "du dehors" par opposition à la documentation des institutions algéro-ottomanes ou même françaises, pourrait "ouvrir la voie à de nouvelles formulations, d'autres perspectives, et servir à corriger et à compléter les sources déjà connues", note l'auteur. L'histoire de l'Algérie sous la régence ottomane et ses relations avec le royaume dano-norvégien est le sujet du livre de Torbjorn Oderbaard intitulé Une paix et amitié perpétuelles (éditions Enag), retraçant, avec détails et sur la base d'archives, les relations politiques entre la régence d'Alger et le royaume dano-norvégien. Ce regard "du dehors", comme le dit l'auteur, par opposition à cette documentation faite par les anciennes institutions algéro-ottomanes ou même françaises, pourrait "ouvrir la voie à de nouvelles formulations, d'autres perspectives, et servir à corriger et à compléter les sources déjà connues". Forte de son hégémonie sur le bassin méditerranéen, la régence d'Alger faisait la pluie et le beau temps dans la région. Elle était en effet considérée comme "une grande puissance maritime, respectée par les petites et grandes nations européennes". Les puissances locales étaient soumises aux taxes imposées par les Algériens, pour lesquels la Méditerranée "servait de plateforme économique", tout en "garantissant une navigation libre et sûre pour les Européens". Et c'est sur ce terrain qu'était la Méditerranée que les relations dano-norvégiennes et algériennes allaient prendre forme. Le 10 août 1746, un traité de paix est signé au palais d'Alger par le dey Ibrahim Bacha et le jeune chef de l'escadre Ulrich Adolf Danneskiold Samsoe, suivi du capitaine-lieutenant Gerhard Sivers, et enfin le nouveau consul dano-norvégien Ludolf Hammeken. Le première frégate arrive à Alger le 18 novembre 1747, remplie de cadeaux pour le dey actuellement au pouvoir. Même si l'accord de paix est de mise, les relations entre la régence et le royaume restent tout de même compliquées. Un défilé de consuls et secrétaires de consuls a lieu à partir de 1751, avec le rappel de Hammeken, pour cause de conflit avec le dey qui n'appréciait pas sa gestion de l'affaire dite "Woodforth". Cette dernière, rappelle l'auteur, impliquait le capitaine du navire Jacob Andersen Dischingtun qui "au lieu de retourner à Livourne comme il l'avait promis, à cause de la non-validité de son passeport maritime avait continué son voyage avec navire et chargement". 1766, un changement de pouvoir a lieu à Alger, note l'auteur. "Selon les comptes rendus du consul Aereboe, le dey devient de plus en plus exigeant. Le gouvernement dano-norvégien craint une rupture de la paix à tel point qu'il n'envoie pas seulement les cadeaux réglementaires, mais aussi des bijoux précieux." L'escalade entre les deux forces maritimes se poursuit en 1770 avec le bombardement d'Alger par un escadron dano-norvégien. En 1830, date de l'invasion française, le consulat danois quitte Alger. L'auteur se pose aussi cette question : ce traité impliquait-il vraiment une perspective nouvelle et plus positive sur les provinces turques en Afrique du Nord ? Certes, poursuit-il, "l'amitié fut réglée par le traité, mais une amitié réelle, profonde, authentique était-elle possible ?". "Probablement pas", assène-t-il. Par ailleurs, des écrits sur la situation sociale en Algérie à cette période de Reftelius, Bogh ou encore Levsen, secrétaire au consulat dano-norvégien, rendent compte de ce climat. Levsen publie une série de livres sur la régence ; un premier consacré à la géographie, le deuxième à l'histoire et à la religion et le troisième à l'art et la science. Il y décrit notamment que la société algérienne à cette époque "était le despotisme, un régime arbitraire, les deys qui ne sont jamais destitués, une société qui semble anachronique et une croissance économique, artistique et culturelle inexistante".
Yasmine AZZOUZ "Une paix et amitié perpétuelles", de Tobjorn Odegaard, éditions Enag, 2018. 850 DA.