Le président Hassan Rohani a appelé hier, lors d'un discours, à l'apaisement et à la réconciliation nationale, dans une tentative d'absorber la colère latente des Iraniens contre la classe dirigeante. Le président iranien Hassan Rohani a appelé hier, lors d'un discours, à des "changements profonds" dans la politique intérieure du pays, dans un contexte de retour de la contestation populaire et d'accentuation de la pression américaine sur le régime de Téhéran. Rohani a même invité la classe politique à se mettre au diapason des aspirations de la population. Il a appelé en outre à l'"unité nationale" et même à la "réconciliation nationale", après avoir reconnu que les autorités ont bel et bien pris du retard à reconnaître leur responsabilité dans le drame du crash du Boeing ukrainien abattu la semaine dernière "par erreur" par l'armée iranienne, faisant 176 morts. L'appel du président iranien intervient à un moment où les rues de la capitale Téhéran et des autres villes du pays connaissent une effervescence singulière à cause de l'indignation qui a suivi la catastrophe aérienne. Les rassemblements organisés le week-end dernier en hommage aux victimes du crash se sont rapidement transformés en révolte populaire dirigée contre la classe dirigeante et les plus hautes autorités religieuses du pays. Ces manifestations se sont propagées à d'autres grandes villes du pays pour remettre en cause le régime iranien, "étouffant" et "liberticide", selon les protestataires, qui ont appelé jusqu'à la démission du président Hassan Rohani et le départ de toute la classe politique. Même si le président a reconnu l'erreur de l'armée iranienne en abattant l'avion ukrainien, la colère des manifestants ne semble pas pour autant retomber. Le changement de ton des autorités iraniennes appelant à l'apaisement et à l'unité nationale dévoile, de ce point de vue, la panique du régime islamique devant la révolte grandissante de la population. Les manifestations de plus en plus récurrentes, si au départ elles sont provoquées par des mesures restrictives sociales et économiques, comme ce fut le cas en novembre 2019, après la hausse de 50% du prix de l'essence, virent rapidement à la remise en cause de tout le système de gouvernance, de ses représentants et de ses fondements mêmes. Le régime des ayatollahs doit mesurer parfaitement cette donnée, et l'apaisement auquel appelle le président Rohani est une tentative claire d'absorber une révolte déjà latente. Un discours qui intervient, en sus, à une période où l'Iran s'est exposé comme jamais sur la scène internationale en se lançant dans une escalade avec son ennemi juré, les Etats-Unis, et qui ne manque pas de dangers. Le dernier épisode de confrontation presque directe avec Washington sur le sol irakien va sans doute affaiblir Téhéran à cause du nouveau train de sanctions promis par Washington et qui sera, il ne faut pas se leurrer, applaudi et appuyé par plusieurs puissances mondiales alliées des Etats-Unis. Exposé à l'extérieur, sous la pression populaire à l'intérieur, il va sans dire que les décideurs iraniens devront doubler d'ingéniosité pour sauver la peau du régime et lui éviter un effondrement.