Cette mobilisation qui ne cesse de se réaffirmer est un signe d'endurance et de résistance face à un pouvoir qui souffle le chaud et le froid en jouant à la fois sur le registre du dialogue et sur celui de la poursuite des arrestations. Le mouvement populaire ne s'essouffle pas. La mobilisation d'avant-hier, 48e vendredi de manifestations populaires, a montré que rien ne peut venir à bout du soulèvement citoyen contre le système en place. Les déferlantes humaines qui ont investi les rues des villes du pays est une réponse cinglante à ceux qui misaient sur la mort d'un mouvement spontané né d'une colère citoyenne longtemps camouflée. La dernière mobilisation, au-delà du nombre, est la preuve que la rue n'est pas près de renoncer à son combat. Les milliers, voire les millions de citoyennes et de citoyens qui ont occupé la rue ce vendredi, sont la preuve de l'échec des manœuvres du pouvoir, de ses anciens et de ses nouveaux affidés. Le cap maintenu et la force renouvelée, le mouvement populaire, outre les doutes qui peuvent s'emparer de certains, reste inébranlable dans ses positions, intraitable sur ses exigences et immuable dans sa capacité de mobilisation. Cette mobilisation qui ne cesse de se réaffirmer comme une constante du mouvement n'est surtout pas l'expression d'un rejet velléitaire opposé à une quelconque proposition de règlement de la crise, mais plutôt un signe d'endurance et de résistance face à un pouvoir qui semble souffler le chaud et le froid en jouant à la fois sur le registre du dialogue et sur celui de la poursuite des arrestations de manifestants et de militants. Ni la libération de quelques détenus d'opinion, dont la plupart ont purgé les peines pour lesquelles ils avaient été condamnés, ni les appels à un "dialogue" et encore moins les assurances transmises via les personnalités reçues et consultées par le chef de l'Etat n'ont pu dévier la trajectoire du mouvement populaire qui bouclera bientôt un an depuis son éclosion. Le black-out total persistant des médias, notamment ceux du secteur public, la pression sur les médias privés, les barrages filtrants, la répression et les arrestations, rien de tout cela n'a pu faire fléchir un mouvement dont la raison d'être est justement de mettre fin à ces pratiques et à d'autres. Les péripéties traversées par le mouvement populaire depuis le 22 février de l'an dernier sont aussi là comme une preuve supplémentaire de la ténacité du soulèvement et son engagement sans faille en faveur de l'instauration d'un Etat de droit. Les arrestations, les interdictions faites aux citoyens de rejoindre la capitale, les difficultés du mois de carême, celles de l'été…, ont été traversées sans encombre. D'une culture politique très élevée, la rue a, de tout temps, répliqué d'une manière sereine et intelligente aux manigances et combines du pouvoir. Pour mieux donner de la rigueur et de la clarté aux revendications de la rue, l'histoire du pays est systématiquement appelée en renfort. L'identité amazighe de l'Afrique du Nord, l'histoire de la Révolution de Novembre 1954, les résolutions du Congrès de la Soummam sont toujours rappelées comme attestations irréfutables de l'existence d'un socle sociétal et historique au projet défendu par le mouvement. Face à toute manœuvre du pouvoir, la rue réplique par un référent historique qui met le régime hors jeu. Les figures historiques, longtemps effacées de l'historiographie officielle sont réhabilitées comme référence du mouvement. Abane Ramdane, Mohamed Boudiaf, Didouche Mourad, Hocine Aït Ahmed, Larbi Ben M'hidi, Ali La Pointe et tant d'autres encore ont retrouvé leur place au cœur même du mouvement populaire. La justesse du combat de la rue est l'essence même de ce soulèvement, de sa légitimité. C'est aussi sa raison d'être… et de durer.