Alors que le logement social continue de provoquer des remous, Oran est dans l'attente de l'affichage des listes des bénéficiaires, que les élus locaux et autres responsables ont peur de rendre publiques. Dans ce climat de tension et de protestation cyclique, des centaines de familles vivent, tant bien que mal, loin des regards, dans l'attente d'un hypothétique relogement. Rue Mirauchau, boulevard Maâta, Derb, St-Pierre, impasse Marcel-Cerdan sont autant de lieux du centre-ville d'Oran où il faut lever les yeux vers le ciel, vers les toits, pour comprendre ce que la crise du logement, surtout dans son volet social, a provoqué comme rupture et comme débrouillardise chez les Oranais qui ont élu domicile sur les toits de la ville. L'on ne sait pas exactement combien de familles se retrouvent ainsi à vivre sur les toits et terrasses des immeubles, mais pour toutes celles que nous avons rencontrées, les histoires sont similaires et tristement banales : manque de moyens pour un marché de location aux tarifs plus qu'onéreux, promiscuité familiale, conflits avec la belle-famille engendrant des tensions : "Je vivais avec ma belle-mère, mais il n'y avait plus de place dans son appartement. Il y a déjà sa fille divorcée, de nombreux enfants. Alors, mon mari a décidé d'aménager la buanderie sur le toit, et nous nous y sommes installés avec nos deux enfants." Cette mère de famille nous montre ce qui ressemble à un réduit, avec une petite extension, agrémentée de pots de fleurs. De ce toit, où deux familles sont installées, le regard embrasse un panorama fait de terrasses occupées de constructions en tôles de zinc et de linge étendu. Dans un autre immeuble du centre-ville d'Oran, une femme seule s'est installée avec ses enfants dans la buanderie. Mais lorsqu'elle a voulu aménager une extension, les locataires s'y sont opposés, ce qui a entraîné l'intervention des autorités, qui ont démoli ce qui servait de lieu de vie de cette femme. À St-Pierre, nous avons également découvert la détresse d'un couple avec deux enfants vivant dans une buanderie "avec l'accord des voisins", un quotidien dur du fait de la promiscuité et du manque de la moindre commodité. Certes, certains opportunistes s'installent momentanément sur les toits juste pour figurer sur la liste des familles à reloger, mais cela n'enlève rien à l'incapacité des pouvoirs publics de résoudre une crise qui perdure depuis des années. Le sentiment d'exclusion, d'injustice sociale grandit chez ces familles, qui assistent sans aucun romantisme au lever du soleil entre ciel et terre...