Kamel Bencheikh a publié en 2019 aux éditions Frantz-Fanon La Reddition de l'hiver, un recueil de nouvelles. Dans cet entretien, l'auteur revient sur cet ouvrage et la littérature algérienne. Liberté : Voulez-vous présenter brièvement votre livre aux lecteurs de Liberté ? Kamel Bencheikh : La Reddition de l'hiver est un recueil de 16 nouvelles. Elles ont pour canevas les questions sempiternelles de l'amour, de la mort, du souvenir, de l'oubli, de la violence sectaire, de l'art, bref de tout ce qui constitue la vie et qui occupe chacun d'entre nous. De L'Enchantement, qui ouvre la narration d'un homme qui se remémore une rencontre qui s'est déroulée vingt ans plus tôt et qu'il a sacrifiée sur l'autel de la raison malgré la volupté dans laquelle il baignait, jusqu'à Et Dieu créa les monstres, qui nous replace dans cette décennie noire qui ne cessera jamais de nous tarauder, c'est tout un panorama mémoriel qui nous est imposé au fil des pages pour que le passé puisse laisser des traces dans notre cheminement présent. Le titre du livre est évocateur. Quel sens lui donnez-vous ? La Reddition de l'hiver est le double titre du recueil et d'une nouvelle. Avec le premier anniversaire de la révolution du sourire initiée par ce somptueux Hirak qui poursuit inlassablement, contre vents et marées, sa trajectoire, il est bon d'espérer que l'hiver va enfin capituler pour que bourgeonnent de nouvelles pousses d'une ère audacieuse. C'est tout un peuple debout qui attend d'entrer avec frénésie et bonne humeur dans ce renouveau espéré et tant attendu. Les critiques, qui l'ont bien reçu, parlent de beaucoup de poésie dans ce livre… Il a été effectivement bien reçu par la presse. Pour la poésie, c'est certain, elle est mon viatique principal. Mes premiers ouvrages publiés ont été soit des recueils de poésie, soit des anthologies sur la poésie. Vous êtes présenté comme étant un auteur engagé. Quels rôles assignez-vous à votre plume ? Dès lors qu'un écrivain prend la parole, il est forcément engagé. Il est un citoyen qui vit dans la cité à un moment donné de l'histoire. J'ai foi dans l'avènement d'une société qui permettra le libre épanouissement des facultés humaines par le règne de l'égalité et de la justice. Républicain, universaliste, je considère que la laïcité est le seul fondement sur lequel les sociétés peuvent vivre dans une concorde parfaite où les religions relèveraient uniquement de la sphère privée. Je crois à un partage équitable des richesses, à une responsabilisation des citoyens, à l'égalité femme/homme...
Quel est votre avis sur la littérature algérienne d'aujourd'hui ? La littérature algérienne a toujours eu non seulement des écrivains talentueux, mais aussi des lanceurs d'alerte, des vigies qui disent leurs espoirs et leurs inquiétudes. Le destin de l'Algérie ne leur a jamais été indifférent. Certains de mes amis y ont même laissé la vie pour avoir, coûte que coûte, voulu donner leur vision des choses sur ce que leur pays endurait. Je pense essentiellement à Tahar Djaout et à Youssef Sebti. Inutile de parler des grands écrivains qui ont dominé l'échiquier littéraire (Kateb Yacine, Mohammed Dib ou Mouloud Mammeri). Aujourd'hui, la littérature algérienne est aussi brillante, et les sentinelles sont toujours aux aguets. Mohamed Kacimi et Boualem Sansal sont à la fois de grands écrivains et des voltairiens avérés. D'autres écrivains sont également sur la brèche. Des projets ? Mon dernier roman, L'Impasse, sort ces jours-ci aux éditions Frantz-Fanon. L'histoire se passe à la fin de l'année 1958 en pleine guerre d'Algérie où un jeune combattant s'échappe du pénitencier de Lambèse. Un roman en écriture, Le Brasier, raconte la vie dans un village de la région de Sétif pendant les premières années de l'indépendance. Je suis invité au Salon international du livre de Casablanca (du 6 au 16 février 2020) où je donnerai une conférence sur la littérature maghrébine de langue française. Yasmina Khadra m'a invité au festival des Littératures itinérantes qui se déroulera à Fès le 6 juin 2020.
Entretien réalisé par : Ali Bedrici "La Reddition de l'hiver", de Kamel Bencheikh, éditions Frantz-Fanon, 134 pages, 2019.