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"Les supporters vont certainement boycotter le derby algérois"
SEbastien Louis, Chercheur spécialisé sur le supportérisme radical en Europe et au Maghreb, à "Liberté"
Publié dans Liberté le 17 - 02 - 2020

Rencontré en marge de la conférence "Le stade, une société à part", qu'il a donnée samedi dernier à l'Institut français d'Oran, en compagnie de Giovanni Ambrosio, photographe ayant dédié plusieurs séries au supportérisme à travers le monde, Sébastien Louis, docteur en histoire contemporaine, chercheur spécialisé sur le supportérisme radical en Europe et au Maghreb et ancien ultra, revient pour "Liberté" sur le derby algérois à l'aune de l'an I du hirak en décortiquant le phénomène ultras, particulièrement en Algérie et au Maghreb en général.

Liberté : Dans quelques jours se profile le derby entre le MCA et l'USMA qui met en scène deux groupes d'ultras parmi les plus chauds du football algérien. Pensez-vous que la date choisie soit délibérée ou ce n'est que pure coïncidence, puisqu'elle tombe avec le premier anniversaire du hirak ?
Sebastien Louis : La date a été réfléchie, le 21 février est la date de la manifestation du vendredi et on a annoncé que le 22, il y aura un hirak, le samedi pour la première fois. Bien évidemment, l'idée c'est du pain et du jeu, c'est-à-dire qu'on détourne l'attention du peuple. Je pense que les autorités n'ont pas choisi par hasard cette date, surtout qu'en Algérie, on connaît les difficultés de la Ligue d'avoir un calendrier régulier, les dates sont changées au dernier moment et, donc, si on a fixé il y a quelques jours, le 22, c'est vraiment une manière de dire que ce jour-là on va occuper les masses par le spectacle.
Ensuite, il va falloir voir la réaction des autres protagonistes du football pour reprendre le titre de mon livre (Ultras, les autres protagonistes du football, édité en 2017, ndlr) en boycottant peut-être l'événement comme on l'a déjà vu, ce qui est fort possible. Donc, en ce moment, je le sais parce que j'en ai parlé et les débats entre certains groupes au sein du Mouloudia notamment s'orientent pour le boycott. Ou alors s'il n'y a pas de boycott, on sait qu'au stade, on aura sûrement des chants contestataires. Cela va être un derby extrêmement intéressant d'un point de vue politique.
Le dessein du pouvoir n'est peut-être pas de faire dans la diversion en interférant dans la marche du 22, mais justement de créer des tensions quand on connaît la rivalité entre les deux kops.
Mais les tensions ne sont pas forcément entre Chnaoua et Usmistes, elles sont même au sein des Chnaoua. Je le sais parce qu'en parlant, il y a des groupes qui disent que nous on ne veut pas y aller, il y en a d'autres qui disent le contraire. Les tensions existent déjà.
On a évoqué des groupes de supporters liés à Ghrib, l'ancien président du MCA, qui a des accointances avec l'ancien régime…
Mais là, non, les groupes n'ont pas d'accointances, il y a des… je ne peux pas le dire, il y a des trucs que je ne peux pas dire… Il y a très rarement des accointances, ce qui est sûr et certain, c'est qu'ils n'ont pas d'agendas politiques. Au contraire, ils rejettent la politique et ont souvent un slogan ultras no politica. Par contre, ils vivent le quotidien d'un jeune Algérien fait de frustrations, de manque de désir d'intégration et forcément dans les chants, ça se retrouve au stade, mais c'est très rare les liens ou les gens qui manipulent. Il y a des tentatives qui ont existé clairement avec des gens qui ont essayé de voir avec des leaders ultras, mais il est impossible, vu la configuration interne des groupes ultras, qu'un membre influent se fasse corrompre et arrive à influencer l'ensemble du groupe.
Est-ce que les stades sont à l'origine de la contestation populaire en Algérie et surtout au Maroc où le phénomène a pris de l'importance ces dernières années avec le Raja ?
Pas uniquement parce qu'on a d'autres exemples à Tétouan après la mort de Hayat, une jeune étudiante marocaine qui a tenté de franchir la frontière, on a une manifestation non autorisée des supporters et des ultras pour commémorer sa mémoire. On a eu des drapeaux espagnols levés pendant l'hymne marocain. Ce sont des gens qui font de la politique mais pas au sens partisan, c'est-à-dire de la politique de base, c'est même le fait de se regrouper, de faire un groupe ultras, c'est politique, le fait d'être ensemble, il y a quelque chose de politique, mais derrière il n'y a pas forcément une idéologie. Par contre, ils sont le reflet des tensions de la société et on les perçoit notamment dans les stades à travers ces chants ou les banderoles.
Pour revenir à la genèse du hirak algérien, la contestation populaire est née pratiquement dans les stades…
Tout à fait, on l'a vu, et j'ai un exemple extraordinaire qui s'est passé en Algérie, dans un stade de deuxième division à Aïn M'lila (en décembre 2017, les supporters locaux ont dressé une banderole représentant un portrait composé d'une moitié du visage du président américain et de celle du roi de l'Arabie Saoudite, avec l'inscription "two faces of the same coin", suite au transfert de l'ambassade américaine à El-Qods, ndlr), et c'est extraordinairement politique. Et donc, les ultras sont comme les Algériens en général et ne sont pas dupes de leur société. Ce jour-là, on a eu quelque chose de fondamental : la cause palestinienne est une ligne rouge qu'il ne faut pas franchir. Vous avez toujours des chants et des banderoles se rapportant à El-Qods ou la Palestine.
Quel petit groupe de cette petite ville, sans mépris pour ses habitants, pourrait se faire valoir au niveau international ? C'est ce qu'ils ont réussi, c'est extraordinaire, et c'est ça la force des ultras : c'est savoir utiliser le stade comme un mégaphone.
Vous avez évoqué la violence chez les ultras européens qui sont plus violents. Hormis cette différence, quels sont les parallèles qu'on peut faire entre eux et les ultras algériens en particulier ?
Il n'y a quasiment aucune différence. Ce sont tous des passionnés, ils ont le même code vestimentaire, les mêmes codes culturels, la religion mise à part. Aller au-delà de la question religieuse qui n'est même pas importante parce que là elle est au second plan, il n'y a quasiment aucune différence. Il y a peut-être le bien-être économique parce qu'il est plus facile d'être ultras de l'autre côté de la Méditerranée qu'ici, mais ils sont capables, et j'en connais, qui viennent de quartiers à la limite du bidonville, de voyager dans toute l'Afrique pour suivre leur club. Il y a vraiment cette passion extrême qui les unit. Et c'est intéressant parce que j'ai parlé avec des ultras d'extrême droite en Europe, du Maroc, de l'Algérie et de la Tunisie, et ils me disent "wow ! Quelle ambiance là-bas" en oubliant qu'ils sont capables de créer des slogans racistes aux stades et par contre ils voient les ultras maghrébins et, notamment marocains, comme des références.
Pour vous, est-ce qu'il existe un tifo qui a changé le visage d'un pays, ou amorcé un début de changement ?
Non, je ne crois pas, parce que changer le visage d'un pays serait trop fort mais on a le chant du Raja (Fi bladi dalmouni, ndlr), il a marqué les consciences. Il a été au-delà des barrières des supporters rajaouis. Comme je vous le dis, des gens qui n'ont rien à voir avec le foot m'en ont parlé. Il y a des chants qui ont permis de changer le regard sur cette jeunesse, de même que le spectacle permet de changer le regard sur eux.
Il existe un cas particulier en Algérie avec les ultras de la JSK et la revendication identitaire…
Bien sûr mais, en même temps, il faut faire attention. Au sein des Kabylie boys, qui est le groupe le plus important de la JSK, on a de tout. On accepte tout le monde, on chante souvent en darija pas qu'en kabyle uniquement et il y a des banderoles en arabe. Contrairement à l'image qu'on veut donner de Kabyles férocement attachés à la cause kabyle et qui oublient tout. Et c'est intéressant parce que je les ai rencontrés, on a des gens qui se déclarent athées, chrétiens, musulmans ou des gens profondément conservateurs, ils n'ont aucun souci et ce qui compte c'est d'abord l'amour de la JSK. Après, vient évidemment la cause kabyle parce que la JSK est un club qui va au-delà du sportif, un peu comme le Barça.
Quel avenir prédisez-vous aux ultras maghrébins, algériens en particulier ?
Je prédis un bel avenir, bien qu'il y aura une répression d'une manière ou d'une autre, mais le pouvoir préfère les cantonner au stade et je pense qu'il y a des gens qui comprennent qu'ils ne sont intéressés que par leurs équipes et pas par le politique, même si on a des chants de contestation. Et il vaut mieux les avoir dans les stades que dans les rues. En Algérie, il est moins fort qu'au Maroc parce que tout simplement l'Algérien est un peu plus fermé, mais on a des groupes qui sont de belles références et qui restent un modèle au-delà des frontières algériennes.



Interview réalisée par : Saïd OUSSAD


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