Tout porte à croire que l'économie mondiale a pris un virage serré, glissant vers une récession presque inévitable. Les marchés pétroliers ont enregistré, jeudi dernier, une forte volatilité des prix. Le brut américain a connu sa plus forte hausse en un jour à New York. Le WTI, la référence américaine, a en effet marqué une hausse de 24,99%, la plus forte depuis le début des échanges en… 1983. Cela est déroutant ! Quant au Brent, il s'est approché de la barre des 30 dollars. Néanmoins, les prix demeurent encore faibles et la majorité des producteurs, Américains compris, ne peuvent s'en accommoder. Avec des coûts de production de 4 à 5 dollars par baril, les pays du Golfe, l'Arabie Saoudite en tête, peuvent tenir le coup pendant le présent ralentissement économique et la baisse de la demande pétrolière. En revanche, l'extraction du pétrole de schiste américain, qui coûte relativement cher, devient impossible. Mais personne ne peut prédire quand les cours vont se stabiliser et devenir plus raisonnables pour tous les producteurs. La crise pourrait s'avérer plus longue, plus profonde et plus étendue que certains experts le supposent actuellement. Et, à ce stade, personne ne peut prédire comment tout cela va se terminer. À l'heure qu'il est, en tout cas, tout porte à croire que l'économie mondiale a pris un virage serré (avec peu de marge de manœuvre), glissant vers une récession presque inévitable, et qu'il y a des raisons d'être pessimiste. "On est à la veille d'une récession mondiale et tous les indicateurs le suggèrent", estime Khaled Boukhelifa, ancien cadre supérieur et expert en énergie. La situation est critique et difficile ; elle a fait réagir de hauts responsables politiques et économiques qui ne semblent pas avoir peur des mots. Ainsi, et à des journalistes qui l'interrogeaient sur l'effondrement des Bourses (Dow Jones - 2 700 points), Donald Trump a répondu qu'on "se dirige vers une récession aux Etats-Unis". De son côté, Christine Lagarde, directrice générale de la BCE, s'attend, elle, à une "récession sévère" en Europe. Khaled Boukhelifa rappelle que la crise financière de 2008, dite des "supprimes", qui avait entraîné une crise économique mondiale, s'est traduite par un recul de la croissance économique mondiale, causant une chute des cours du pétrole qui étaient passés de 120 dollars en 2014 à 42 dollars en 2016. Arbitrages nécessaires L'expert ajoute que la récession annoncée "touchera bien entendu les économies des pays producteurs-exportateurs de pétrole et de gaz et en particulier les plus vulnérables d'entre eux comme le Venezuela, le Nigeria, l'Iran et l'Algérie, pour ne citer que ceux là". Selon lui, l'impact sur l'Algérie sera "d'autant plus important que notre pays, dépendant à 98% des énergies fossiles, était déjà confronté à une grave crise économique (épuisement des ressources en devises, déficit de la balance des paiements et déséquilibre de la balance commerciale)". Notre interlocuteur note, par ailleurs, que le secteur pétrolier et gazier algérien sera "probablement dans l'obligation de réexaminer son enveloppe de projets, que ce soit dans le domaine de l'activité amont (exploration/production) que dans celui de l'aval et notamment de la pétrochimie". "En effet, poursuit-il, le développement de ces activités nécessite la mise en place de partenariat avec des sociétés étrangères détentrices de capitaux et de technologie, en plus d'un marché pour le cas de la pétrochimie." "Cependant, dit-il, l'effondrement des actions des sociétés pétrolières ces dernières semaines risque de rendre cette tâche très difficile dans le très court terme." "Toutefois, explique-t-il, l'étendue du report de projets ou l'annulation d'opérations d'investissement se feront en fonction de l'évolution de la situation. Aux dernières nouvelles, les producteurs américains affirment envisager de réduire leur production pour la première fois depuis les années 1970. Cela est bien entendu inédit pour le marché pétrolier, sachant que le producteur américain a toujours choisi de travailler en solo. Cette stratégie des Américains s'appuie sur des concertations avec les parties prenantes du marché (Opep+) et sur une évaluation des répercussions de l'épidémie du coronavirus sur les cours. Le Financial Time a annoncé qu'il y a avait des "contacts entre l'Opep+ et les producteurs américains", souligne Khaled Boukhelifa.