Le roman raconte la soif de liberté totale et absolue d'un Syrien qui quitte son pays pour le Liban, puis pour la France où il demandera l'asile afin d'assouvir pleinement cette soif extrême de vie avec tous ses avantages. Une œuvre qui suscite maintes interrogations… L'auteur de ce roman, Omar Youssef Souleimane, est un Syrien réfugié en France depuis 2011. Poète et journaliste correspondant de la presse syrienne entre 2006 et 2010, il ressemble beaucoup au personnage principal du roman en question Le dernier Syrien, en ce sens que leur but semble le même : mettre fin au régime de l'Etat syrien actuel, et leur rêve aussi : vivre une liberté individuelle sans limites, ni politique ni sociale, et encore moins religieuse. L'histoire de ce roman se déroule en 2011, à l'aube des printemps arabes. Mais le décor est planté tout d'abord par "une vieille histoire" dont le personnage principal est un autre "Youssef" mais d'une autre époque. Par une anecdote que lui racontait souvent sa mère qui lui avait donné le prénom de ce prophète qui "faisait des miracles, pouvait connaître l'avenir à travers le rêve des gens, et finalement libéré, car il était honnête, patient et n'avait jamais abandonné ses principes". Mais l'univers du Youssef contemporain est tout autre. Il ne s'agit pas de patience ni d'honnêteté, mais de guerre, de violence et de soif de liberté. Une guerre sans merci où les gens ne savent plus distinguer l'ami de l'ennemi, le frère du traitre, la vérité du mensonge. Autour de Youssef vont graviter Joséphine, Mohammad, Khalil, Bilal, Rachid, Adel et avec eux des faits tragiques, des interrogations existentielles et des recherches de libertés sans demi-mesure aucune. Dans un Syrie sujette à toutes les folies, tous les coups sont permis, et l'auteur ne se gêne pas pour les dire dans toute leur nudité. Dans cette trame où l'amour semble parfois exister, il est cependant très vite balayé par une froideur dans le verbe, une cruauté dans le geste et une dureté dans le dialogue qui en disent long sur un vécu qui prend le dessus sur toute cette réalité racontée comme fiction. Ou est-ce une fiction qui se voudrait dépasser la réalité ? Et à quel dessein ? Mais où commence la fiction et où s'arrête la réalité ? L'auteur fera dire à Joséphine, ce cocon rassembleur, cette belle et courageuse jeune militante : "Mon père a passé sa vie dans l'armée. Impossible de le persuader qu'il faut se révolter contre le régime. Ma mère aussi. Ils ont peur des sunnites. Ils pensent que dès que le régime tombera, les sunnites vont les écraser comme des mouches" ; et à Rachid que l'alcool rend philosophe : "J'ai fait du mal à la terre, il faut marcher délicatement sur elle. C'est notre mère, et nous sommes ses enfants perdus." Les enfants perdus de la Syrie, ce sont ces personnages si simples et si complexes à la fois que décrit Omar Youssef Souleimane, noyés dans des décors de violence inouïe, de vérités travesties, oscillant entre Damas, Deraa, Al Khaldiya, Homs, Qalb… y mêlant scènes de tortures insoutenables dans les prisons du régime : "Lorsque les bourreaux rebranchent l'électricité, le corps de Khalil est pris de tremblements, ce qui fait rire les hommes…", extrémisme religieux chez les "groupes militaires islamistes" dans les rues : "Ils n'auront pas le droit de chanter ni de dire joyeux Noël. Seulement à cette condition, on leur permettra de manifester", et homosexualité accrue et totalement assumée : "Youssef sourit, le visage levé vers le ciel, comme si c'était là qu'il voyait le visage de Mohammad." Un roman qui raconte la soif de liberté totale et absolue d'un Youssef qui quitte sa Syrie pour le Liban, puis pour la France où il demandera l'asile afin d'assouvir pleinement cette soif extrême de vie avec tous ses avantages, face à un Mohammad qui lui répliquera : "Des mois que je t'attends à Damas, et toi, tu m'invites au Liban ! (…) Je crois qu'on finira tous, jusqu'au dernier Syrien, par se retrouver ailleurs, en dehors du pays." Un roman à plusieurs lectures suscitant maintes interrogations…
Samira BENDRIS-OULBSIR w Le dernier Syrien, de Omar Youssef Souleimane, 260 p., éditions Flammarion, 2020.