Le Club des magistrats a conforté les craintes et appréhensions suscitées par le projet d'amendement du code pénal adopté, mercredi par l'Assemblée populaire nationale, de nombre d'observateurs et d'acteurs politiques et associatifs. Dans une déclaration publiée mercredi sur sa page Facebook, le président du Club des magistrats, Saâdedine Marzoug, a estimé que les dispositions de la nouvelle loi sont de nature à "renforcer l'emprise sécuritaire dans la société et l'adoption d'une méthode de dissuasion judiciaire avec des articles de loi élastiques en matière de liberté d'expression et du droit à la critique et à la différence". Pour lui, ces articles "menacent la sécurité juridique du citoyen et soumettent le pouvoir judiciaire à l'appréciation des services de sécurité, en matière de poursuites". Et M. Marzoug d'enfoncer le clou : "S'éloigner délibérément de la rigueur et de l'exactitude dans la préparation des textes juridiques en recourant à un style somptueux, élégant et fort, ne contribue pas à l'instauration de l'Etat de droit auquel ont aspiré et continuent d'aspirer les Algériens". Le président du Club des magistrats n'a pas caché sa déception, lui qui s'attendait à une révision de certaines dispositions de la loi criminalisant l'atteinte à la sécurité de l'Etat, à l'unité nationale mais aussi à l'ordre et à la sécurité publics, qui sont, à ses yeux, très élastiques et pas assez rigoureuses comme devaient l'être les textes de loi en général et le code pénal en particulier. "Malheureusement, en 2020, l'on a élaboré des textes dénués de toute qualité judiciaire et portant, en leur sein, les germes de la différence avant même le début de leur application". Toujours critique, le magistrat ne s'explique pas le fait de privilégier l'imam au détriment des autres fonctionnaires de l'Etat en le protégeant par un texte criminalisant les actes humiliants à son encontre ou son agression. Pour lui, l'imam comme tous les autres fonctionnaires sont protégés par l'article 144 du code pénal. Autre reproche qu'il fait aux promoteurs du projet de code pénal : le choix du timing. De son point de vue, on aurait dû temporiser dans l'élaboration du texte de loi comme dans sa soumission au vote des députés en attendant la fin de l'actuelle crise sanitaire afin de permettre un large débat public à ce sujet. Objectif, le président du Club des magistrats ne s'est pas contenté de mettre le doigt sur les limites du projet de loi mais a mis en exergue, aussi, les points positifs de celui-ci comme la "criminalisation d'actes portant atteinte à l'intégrité des élections et des concours" ou encore "la criminalisation de toute falsification pour obtenir des aides publiques et exemptions sociales". Concernant ce deuxième point, le magistrat a plaidé pour "la révision de la politique de distribution et d'obtention des aides publiques et du soutien social en général". "Avant toute criminalisation, il faut d'abord procéder à la modernisation de toutes les institutions publiques et en finir avec la politique populiste du soutien public en précisant avec exactitude le bénéficiaire tout en mettant en place une économie incitant aux valeurs du travail, de l'effort, de la concurrence (…)", explique-t-il. Arab C.