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"L'assassinat de Georges Floyd a fait bouger les lignes"
Benaouda Lebdaï, professeur des Universités au Mans
Publié dans Liberté le 22 - 06 - 2020

Spécialiste en littérature comparée africaine et africaine-américaine, Benaouda Lebdai décrypte les ressorts du racisme anti-Noir qui sévit encore un peu partout dans le monde. Pour lui, l'assassinat de George Floyd "a provoqué une onde de choc" qui "fait bouger les lignes". Il évoque également dans cette interview la nécessité de la liberté de circulation interafricaine pour créer un "sentiment d'appartenance africaine".
Liberté : Le meurtre de George Floyd a remis sur le devant de la scène internationale la gravité de la fracture raciale aux Etats-Unis mais aussi à travers la planète. Comment expliquez-vous cette résurgence des démons du racisme en 2020 ?
Benaouda Lebdaï : Ce qui s'est passé aux Etats-Unis est inadmissible, intolérable ! Ce fut le meurtre de trop et les bavures policières américaines sont régulières sans que cela soit sanctionné. La raison de l'embrasement et de la colère des Noirs américains qui ont crié haut et fort qu'une telle situation doit cesser, qui ont utilisé des slogans comme "Black lives matter" et "Laissez-moi respirer", les derniers mots de George Floyd, relèvent du fait que la scène du meurtre fut filmée et que ce fut un assassinat en direct, relayé par les réseaux sociaux.
La jeunesse de 2020 refuse avec force de toujours vivre dans la peur de mourir pour rien, à cause de la couleur de la peau.George Floyd fut tué suite à un simple contrôle d'identité et cela a bouleversé le monde entier. Pour répondre précisément à votre question, il n'y a pas de résurgence du racisme.
Le racisme est systémique aux USA au vu de l'histoire de l'esclavage. N'oublions pas que la ségrégation raciale a duré jusqu'aux années 1960 et depuis Martin Luther King, Malcolm X, Rosa Parks, James Baldwin, Angela Davis, pour ne citer que quelques figures emblématiques, la lutte des Noirs n'a jamais cessé car le racisme est toujours présent, de manière implicite et ouvertement. Les discours en direction de l'extrême droite du président Trump ont encouragé une nouvelle forme d'un racisme décomplexé.
La vague d'indignation contre cet assassinat a secoué les esprits et déferlé au-delà des Etats-Unis. Sommes-nous devant une prise de conscience planétaire ?
La prise de conscience de la part des Noirs remonte au temps de l'esclavage et le trauma de l'esclavage et de la colonisation est toujours présent. Ce qui est revigorant, c'est l'indignation observée à travers le monde. Le ralliement d'une jeunesse blanche aux côtés de ceux qui souffrent dans leur chair et leur inconscient est encourageant. Cette jeunesse n'a pas froid aux yeux, n'a plus peur.
Nous sommes dans une prise de conscience où les Blancs réalisent qu'ils doivent aussi agir, qu'ils doivent se sentir concernés. Mais il ne faut pas être naïf, il y a des Blancs qui rejettent l'Autre, qui sont dans un extrémisme dangereux. Etant Américains, Britanniques ou Français, les Noirs ont intégré leurs identités, leur place dans le monde occidental et ils ne veulent plus être marginalisés, maltraités, jugés au faciès.
En cela, ce vent de révolte est bénéfique. La mort de George Floyd incite à un travail à faire au niveau de l'éducation et des représentations afin de vivre dans un monde apaisé. Une utopie réalisable pour sortir du "brutalisme" dont parle mon ami Achille Mbembe dans son dernier ouvrage, Brutalisme, est aujourd'hui possible.
D'aucuns voient dans cette mobilisation historique une forme de remise en cause des systèmes actuels de gouvernance. Partagez-vous ce point de vue ?
Une cassure brutale avec le monde ancien me semble difficile à ce stade. Le système économique et politique néolibéral ne cédera pas aussi facilement. Beaucoup ont prédit qu'il y aurait un avant et un après-confinement, et en Europe, on voit bien que ce n'est pas le cas, le profit est toujours d'actualité même s'il y a une prise de conscience des inégalités sociales. Plus qu'une remise en cause des systèmes de gouvernance, je vois de possibles changements de systèmes de pensée et d'appréciation des choses.
Il y a une remise en question des symboles du colonialisme à l'instar des statues de Christophe Colomb aux USA, de l'esclavagiste Colston à Bristol, de Victor Schoelcher en Martinique, ou du général Bugeaud en France. Il y a une prise de conscience pour une autre histoire qui doit être racontée, celle d'hommes et de femmes esclaves ou colonisés qui ont combattu l'esclavage et le colonialisme comme l'ont fait aussi beaucoup de Blancs universalistes, défenseurs des droits de l'homme.
Patrick Chamoiseau revendique une telle présentation des symboles : "Dans ce monde nouveau où nous sommes tous un peu démunis, il nous faut a minima cette vigilance refondatrice." Des militants voulurent débaptiser la station de métro Gallieni à Paris le 18 juin, pour lui donner le nom de Josette et Maurice Audin qui ont combattu le colonialisme. Maurice Audin est mort pour une Algérie indépendante. L'histoire n'est jamais écrite de manière définitive et des gestes symboliques forts doivent être décidés pour une meilleure cohésion sociale postcoloniale.
Aux Etats-Unis des entreprises comme celle qui produit du riz a décidé de changer son logo "Uncle Ben" afin de ne plus stigmatiser les Noirs américains. La marque de pancake "Aunt Jemima" va changer la photo sur le packaging qui représente Jemima, une esclave libérée en 1893. Le Parlement européen a décidé de déclarer l'esclavage comme étant un crime contre l'humanité cette semaine et donc vous voyez... l'assassinat de George Floyd provoque une onde de choc qui fait bouger les lignes !
Le continent noir et les pays arabes n'ont pas connu de mobilisation particulière. La question raciale ne se pose-t-elle pas dans cette partie du monde ?
Il est vrai qu'il n'y a pas eu de mobilisation particulière en Afrique du Nord ou en Afrique subsaharienne en termes de manifestations parce que les jeunes en Afrique ont d'autres problèmes, mais il faut reconnaître que sur les réseaux sociaux les réactions d'indignation furent nombreuses.
Le problème premier des jeunes à travers toute l'Afrique c'est l'emploi, la liberté d'être et pouvoir s'exprimer. Le paradoxe est que nombreux sont ces jeunes Africains qui veulent rejoindre l'Occident, mais malheureusement, beaucoup meurent noyés comme ces jeunes au large de Sfax la semaine dernière.
L'Algérie a vécu ces dernières années des situations où des migrants subsahariens étaient persécutés et agressés. Existe-t-il une forme de racisme chez nous ?
Question difficile, car le racisme, comme ailleurs, existe et il faut le combattre. Il y a des Algériens racistes comme on peut le constater en Tunisie ou au Maroc. L'Algérie a toujours revendiqué son appartenance africaine, elle a organisé le premier Festival panafricain à Alger en 1969, le second en 2009 et de nombreux Noirs américains furent accueillis à Alger.
Les échanges avec le Mali, le Sénégal et toute l'Afrique de l'Ouest sont une réalité. Les écrivains algériens ont toujours revendiqué leur africanité, à commencer par Kateb Yacine, Mohamed Dib ou Rachid Boudjedra, de même pour les jeunes romanciers et poètes. Sur le plan de l'éducation, les universités algériennes accueillent énormément d'étudiants du Sahel. De ce point de vue, il n'y a pas de racisme institutionnel bien entendu. Des individualités racistes existent et il faut les combattre.
En tant qu'africaniste, je peux vous dire que les littératures africaines sont au programme dans les universités algériennes. De nombreux étudiants font leurs thèses sur les littératures africaines dans les départements de lettres. Les littératures africaines devraient être inscrites dans les programmes des collèges et lycées sous forme d'extraits pour une meilleure connaissance de l'Afrique subsaharienne.
Des rencontres scientifiques sur les littératures africaines ont lieu régulièrement, et j'ai organisé avec des collègues de différentes universités, y compris celle de Tamanrasset, en partenariat avec Le Mans Université, beaucoup de colloques. Ce sont des faits qui montrent combien l'Afrique est présente scientifiquement et culturellement en Algérie.
Comment lutter aujourd'hui contre le racisme ?
Toute lutte se fait par le développement de la culture, de la musique, du théâtre, du roman, de la poésie et donc par l'échange. Ne pas rester dans l'entre-soi, aller vers l'Autre par la culture. Un travail de fond doit se faire au niveau éducatif, au niveau des familles et des associations et par-dessus tout par les voyages qui permettent de rencontrer l'Autre, d'apprendre à l'apprécier par le dialogue et la communication.
Aujourd'hui, il est difficile de voyager pour les jeunes en dehors de l'Afrique à cause des visas et des frontières visibles et invisibles.Alors je préconise que, dans le cadre de l'Unité africaine, une décision soit prise pour une libre circulation des personnes entre Etats africains et du nord et du sud du Sahara et dans le reste de l'Afrique.
Un sentiment d'appartenance africaine doit être mis en place très vite, car comme on dit, les voyages forment la jeunesse, et la jeunesse africaine si pleine de vitalité devrait bénéficier de cette liberté de circuler librement au sein de son continent. Ceux qui séparent l'Afrique en deux, noire au sud du Sahara et blanche au nord du Sahara, doivent se rendre compte qu'ils se comportent en racistes, eux qui combattent le racisme ! Le Sahara doit être un lien et non une frontière !
Vous êtes professeur des universités, spécialiste des littératures coloniales et postcoloniales africaines. Quelle contribution la littérature peut-elle apporter à la lutte contre le racisme justement ?
Je peux vous dire que la littérature et l'enseignement des littératures africaines apportent beaucoup sur le fond, car les textes de fiction aèrent les esprits, apportent la connaissance de l'Autre en termes de culture, d'humanité et de compréhension d'autres sociétés, d'autres manières de vivre.
L'Afrique, dans son ensemble, a subi la même histoire coloniale à des degrés divers, et donc des romanciers comme Ngugi Wa Thiong'O, Rachid Mimouni, Mohamed Dib, Mouloud Feraoun ou Rachid Boudjedra abordent des problématiques similaires, des romancières comme Fatou Diome, Aminata Sow Fall, Léonora Miano, Assia Djebar ou Maïssa Bey évoquent de véritables problématiques africaines en mettant en scène des situations similaires quant à la libération de la femme africaine. Une connaissance mutuelle, de part et d'autre du Sahara, devrait permettre de mieux se connaître et éloigner toute forme de racisme.

Entretien réalisé par : Karim BENAMAR


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