Si les baptêmes de rues, places et jardins publics du nom d'artistes et d'écrivains algériens sont assez courants en France, pareils événements en Belgique sont assez rares pour ne pas attirer l'attention, d'autant plus qu'ici, il ne s'agit pas d'artiste, mais d'une personnalité historique de premier plan : Lalla Fatma n'Soumer. Ainsi, la rue du général Wangermée portera désormais, du 15 juin 2020 au 31 mars 2021, le nom de la grande résistante algérienne. D'où est venue cette initiative et quelle est sa portée ? Pour en savoir plus, nous avons réussi à joindre les services compétents de la commune d'Etterbeek à Bruxelles. Mme Carole Geerinckx, s'exprimant au lieu et place de Mme de Halleux, première adjointe (en Belgique, on dit échevine) chargée de "Egalité des Genres & Diversité, empêchée", explique d'abord les motivations de la municipalité : "Sur le territoire de la commune d'Etterbeek, seules 3 voiries portent un nom qui fait référence à une femme. C'est sur la base de ce constat et de la nécessité de sensibiliser à la faible féminisation de l'espace public que ce projet de pose temporaire de plaques de rues est né." Et de préciser : "L'initiative du projet revient à Françoise de Halleux, échevine (adjointe au maire) de l'Egalité des Genres & Diversité, et de Karim Sheikh Hassan, échevin de l'Espace public." La proposition a été adoptée par délibération soumise à l'approbation du Collège (bureau municipal). Le recours à des noms d'illustres femmes belges aurait suffi à renforcer la "féminisation" de l'espace public, mais les initiateurs de l'idée ont voulu "montrer que partout dans le monde, des femmes se sont illustrées pour défendre leurs droits et les droits humains". Mais alors, comment le nom de la résistante algérienne s'est-il imposé parmi les femmes historiques dans le monde ? "C'est en cherchant une figure féminine issue du Maghreb que Françoise de Halleux et Karim Sheikh Hassan ont été séduits par le combat et la personnalité de Lalla Fatma n'Soumer. Son combat, sa personnalité ainsi que les valeurs qu'elle défendait sont dignes de mémoire même au-delà des frontières algériennes." Lorsque nous avons voulu en savoir plus sur l'environnement de la rue qui portera durant neuf mois le nom de l'héroïne algérienne, Mme Carole Geerinckx apporte des précisions : "La plaque a été installée rue général Wangermée, à l'angle avec l'avenue de la Chasse. Le territoire de la commune d'Etterbeek pourrait se comparer au territoire d'un arrondissement parisien. La région de Bruxelles-capitale est composée de 19 communes, Paris, de 20 arrondissements. À l'instar de Paris, les communes bruxelloises, dont Etterbeek, sont densément bâties et fort fréquentées." L'initiative de la commune d'Etterbeek est d'une portée symbolique majeure. Elle mériterait d'être empreinte d'une certaine continuité. "Comme il s'agit de la première initiative du genre sur notre territoire communal, nous préférons d'abord analyser et évaluer sa portée avant de réfléchir à une forme de continuité. En revanche à partir du mois de septembre 2020 et jusqu'en mars 2021, des balades pédagogiques en présence d'une historienne seront organisées pour les personnes qui le souhaitent", ajoute Mme Geerinckx qui fait également part des remerciements de l'ambassade d'Algérie à Bruxelles et de "l'intérêt de certains médias algériens et méditerranéens". Née à Ouerdja (région de Aïn El-Hammam, wilaya de Tizi Ouzou) en 1830, morte en 1863 en captivité à Tablat (wilaya de Médéa), Lalla Fatma n'Soumer est une résistante à l'occupation française de l'Algérie et a combattu les troupes coloniales de 1854 à 1857.
