Des hommes et des femmes toutes générations confondues et surtout des militants de toutes tendances politiques sont venus se recueillir, hier, sur la tombe du Rebelle, à Taourirt Moussa. Vingt-deux ans déjà (25 juin 1998-25 juin 2020) se sont écoulés depuis son assassinat. À Tala Bounane, lieu où il est tombé dans une embuscade tendue par des individus armés qui l'ont criblé de balles, tout comme à Taourirt Moussa qui est devenu un véritable lieu de pèlerinage, il y avait, avant-hier, autant de monde que lors du premier anniversaire de sa mort. En dépit de la chaleur suffocante qui dépassait les 45°C, ils étaient des milliers, voire des dizaines de milliers, à emprunter, ce jeudi, les routes sinueuses de Béni Douala pour se recueillir à la mémoire de Lounès Matoub, l'homme qui, de par son engagement, son courage, son combat, ses idéaux et ses idées qui sont plus que d'actualité en ce temps de révolution populaire, est devenu un véritable guide spirituel pour le peuple. Il y avait des hommes et des femmes toutes générations confondues et surtout des militants de toutes tendances politiques, hier, à Taourirt Moussa où il fallait encore une fois jouer des coudes pour accéder à la tombe du Rebelle, ou encore visiter sa demeure ou prendre en photo son véhicule, criblé de balles, exposé dans son garage comme pour servir de témoin immortel de l'atrocité subi par celui qui, jusqu'à son dernier souffle, a refusé de se plier devant l'islamisme et devant la dictature du pouvoir. Passée l'intersection menant vers Taguemount Azzouz d'un côté et Taourirt Moussa de l'autre, il était quasiment impossible d'avancer en voiture. Il fallait poursuivre le chemin à pied. Un chemin tout au long duquel les véhicules stationnés laissaient aisément deviner, de par leur immatriculation enregistrée dans plus d'une vingtaine de wilayas au moins, que Matoub suscite toujours l'admiration et le respect aux quatre coins du pays. Le plus frappant dans ce déferlement humain sur la demeure du chantre de l'amazighité et défenseur impénitent de la démocratie, c'est que sa composante n'a même pas l'âge de se souvenir de ce triste et macabre jeudi 22 juin 1998 où toute la Kabylie a été endeuillée. C'est dire que Matoub ne continue pas seulement à fédérer et à drainer des foules comme aucun vivant ne sait, ni ne peut le faire, mais qu'il a semé dans les esprits ce qui ne peut être régenté, ni combattu. Contrairement aux années précédentes, il n'y avait pas, ce jeudi, de programme commémoratif particulier à Taourirt Moussa, mais cela n'a pas empêché les milliers de pèlerins à passer toute la journée à Taourirt Moussa où il devenait, au fil des heures, impossible de circuler et encore moins de faire respecter les règles de distanciation physique imposées par la crise sanitaire. En l'absence de Malika, la sœur du Rebelle, la fondation Matoub s'est contentée d'un recueillement symbolique suivi d'un dépôt de gerbes de fleurs à 13h20, l'heure exacte où la lâcheté incarnée par les auteurs de l'embuscade de Tala Bounane a eu raison de l'héroïsme de celui qui disait un jour préférer mourir pour ses idées que de lassitude ou de vieillesse dans son lit. Sur une pancarte brandie par un jeune ce jeudi à Taourirt Moussa, on pouvait lire cette belle citation de Jean d'Ormesson : "Il y a quelque chose de plus fort que la mort, c'est la présence des absents dans la mémoire des vivants."