Résumé : Devant la détresse de son amie, Faouzi juge opportun de lui confier ses souffrances. Lui aussi connaissait la déception. Pis encore, il la portait en lui tel un fardeau. La jeune fille est médusée. Comme elle écarquillait les yeux, il se rassoit près d'elle. - Je vais te raconter ma vie... Tu verras que la souffrance n'est pas toujours l'apanage des faibles. Naïma est sidérée. Cet homme semblait si fort, si sûr de lui. - Faouzi, tu me vois désolée d'avoir réveillé en toi de mauvais souvenirs. Il soupire encore. - Tu n'as rien réveillé. Cette souffrance vit en moi depuis des années. Je la côtoie quotidiennement. Tu vois, Naïma, tu n'es pas la seule à ressentir la brûlure de la braise. La jeune fille est confuse. - Faouzi, en venant te voir ce matin, je voulais trouver du réconfort auprès de toi. - Tu le trouveras. Tu le trouveras en écoutant mon récit. Les souffrances des uns aplanissent celles des autres. Je retrouve souvent dans la détresse de mes patients un repli. J'oublie alors mon existence réelle pour me plonger dans la leur. Mais lorsque je retrouve ma solitude, je ne suis moi-même qu'un être faible qui se recherche encore, ou qui recherche ce réconfort dont tu parles chez autrui. J'ai toujours été ce psychologue à l'écoute de ses patients, sans penser à ma propre existence. Je suis un peu ce cordonnier mal chaussé. - Nous le sommes tous un peu. - Pas autant que moi, Naïma. J'ai fait de ma vie un calvaire. - Tu souffres autant que cela, Faouzi ? - Plus que tu ne le penses. - Et pourtant... - Oui, voilà le vernis. Pourtant je suis d'apparence calme, souriant, gentil, serviable. Et tout et tout. Pauvre de moi ! Naïma le regarde un moment avant de poser la question qui lui brûlait les lèvres. - Que s'est-il passé dans ta vie pour te marquer aussi profondément ? - Beaucoup de choses. Des choses incroyables. - Des choses qui t'ont empoisonné l'existence, à ce que je comprends. - Oui, tu peux le dire. Je soulage les maux des autres, et mes blessures, elles, ne sont pas encore cicatrisées. Elles ne le seront probablement jamais. - Je suis désolée, Faouzi. - Ne le sois donc pas. Tu n'y es pour rien. - Mais ces souvenirs qui remontent et qui te torturent... Il lève la main et l'interrompt. - Oh rassure-toi. Ces souvenirs sont tellement ancrés dans mon âme que je ne sais plus si mes douleurs sont physiques ou morales. Il lui prend la main et la serre dans les siennes. - Naïma, je vais te confier mes déboires. En le faisant, je ferais peut-être d'une pierre deux coups. Nous allons nous réconforter mutuellement. C'est ce qu'on appelle dans mon métier une thérapie en duo, ou une thérapie de groupe. - Si cela peut te soulager, je suis prête à t'écouter jusqu'au bout. - Tu dois être pressée de rentrer chez toi après une longue nuit sans sommeil. - Non, pas du tout. Si je rentre chez moi, je serai plus malheureuse que jamais. - Eh bien, nous sommes donc deux à avoir mal, à souffrir d'une situation aussi biscornue. - Biscornue ? Tu trouves ? - C'est bien le cas, ma chère amie. Parfois, je me pose l'inévitable question : pourquoi ces choses m'arrivent-elles, alors que j'ai tous les atouts pour réussir dans ma vie ? - Cette question, je me la pose aussi, Faouzi. - Tu as trouvé la réponse ?
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