La restitution par les autorités françaises des crânes de 24 résistants algériens dont ceux des héros Boubaghla et Bouziane, conservés depuis 150 ans au Musée de l'Homme à Paris, va-t-elle aider à la redynamisation de la relation algéro-française, un temps au creux de la vague ? Sans aucun doute, surtout qu'elle intervient à la veille de la célébration du 58e anniversaire de l'indépendance du pays. Il faut d'abord relever la solennité et la déférence avec lesquelles a été accueilli le rapatriement des ossements de ces martyrs qui a pris les contours d'un grand événement national. Ayant une relation quasi fusionnelle avec leur histoire en général et tout ce qui a trait à la lutte anticoloniale en particulier, les Algériens ont apprécié le geste du président français et surtout salué le retour au bercail des restes de ces précurseurs du combat libérateur pour leur offrir, enfin, un enterrement digne sur cette terre qui les a vu naître et qu'ils avaient irriguée de leur sang. Preuve de l'importance accordée par les Algériens à la récupération des ossements de leurs héros ? C'est le président Tebboune lui-même qui a officié, vendredi 3 juillet au salon d'honneur de l'aéroport international d'Alger, en présence de hauts gradés comme Saïd Chanegriha et de beaucoup d'autres officiels, la cérémonie des hommages militaires à ces résistants dont les restes ont été rapatriés, suprême honneur, à bord d'un avion de l'ANP. À n'en point douter, le geste de Macron, de par sa forte charge symbolique, va renforcer davantage les liens d'amitié entre les deux peuples et servira de catalyseur à la coopération algéro-française, dans l'intérêt des deux pays. D'ailleurs le locataire de l'Elysée, qui s'est déjà distingué par des déclarations courageuses allant dans le sens de l'"apaisement des mémoires" (en 2017 d'abord en qualifiant la colonisation de "crime abject" puis en 2018 en reconnaissant la responsabilité de la France dans l'assassinat de Maurice Audin en 1957 à Alger), a bien précisé que son geste "s'inscrit dans une démarche d'amitié et de lucidité sur toutes les blessures de notre histoire". Mais avant ce geste concret, les Présidents des deux pays ont déjà préparé le terrain pour un retour à la normale des relations algéro-françaises. Au lendemain d'une polémique provoquée par la diffusion par les chaînes publiques françaises, France 5 et Public Sénat, de deux documentaires sur le hirak et qui a fortement courroucé les autorités algériennes au point de convoquer l'ambassadeur d'Algérie à Paris car y voyant des "attaques contre le peuple algérien et ses institutions (...)", les deux chefs d'Etat ont eu, mardi 2 juin, un échange téléphonique au cours duquel ils avaient pris l'engagement de "donner une impulsion prometteuse sur des bases durables" aux relations algéro-françaises mais dans "le respect total de la spécificité et de la souveraineté de chacun des deux pays". Et le 27 juin, nouvel entretien téléphonique entre les deux hommes qui, à cette occasion, ont convenu de "reprendre les contacts au plus haut niveau et de relancer la coopération dans tous les domaines", tout en louant "l'amitié partagée". Dans une prestation télévisée le 12 juin dernier, face à des journalistes algériens, le président Tebboune a réitéré les mêmes propos élogieux à l'égard du chef de l'Etat français. "Je n'ai aucun problème avec le président français Emmanuel Macron, notre entente est presque parfaite", s'est félicité M. Tebboune, tout en évoquant l'existence d'un accord avec le président français sur l'avenir des relations entre les deux pays. "L'Algérie et la France sont deux grandes nations, l'une en Afrique et l'autre en Europe", a-t-il souligné, non sans dénoncer, à nouveau, des lobbies qui veulent nuire aux relations entre l'Algérie et la France. Le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, a fait part, lors de sa visite en Algérie le 21 janvier dernier, au lendemain de l'élection de M.Tebboune, de la volonté de Paris à "travailler" avec les nouvelles autorités algériennes. Une visite au cours de laquelle il a rencontré son homologue algérien Boukadoum mais aussi le président algérien et le Premier ministre Abdelaziz Djerad. Autrement dit, la volonté de rebâtir des relations algéro-françaises sur des bases nouvelles et bénéfiques pour les deux pays existe de part et d'autre.