Au terme de quelques mois d'incarcération, il s'avérait que leurs dossiers étaient vides et que les accusations ne résistaient pas à l'épreuve de la vérité. Certains parmi eux étaient innocentés, d'autres remis en liberté provisoire en attente d'un procès. Quelques mois après la chute de Abdelaziz Bouteflika suite à une insurrection citoyenne inédite, s'en est suivie une période remplie de brutalité dans la gestion du hirak. La répression a pris le pas sur l'euphorie citoyenne qui a redonné à l'Algérie l'image d'un pays à la jeunesse exaltante. Craignant le vide constitutionnel et ses risques politiques, le chef d'état-major de l'époque, Ahmed Gaïd Salah a pris le devant de la scène. Il était en première ligne et dictait la marche à suivre. Avec sa méthode musclée et brutale, il a donné aux évènements une tournure tragique. Seul face à un peuple en insurrection, il n'a pas fait dans la dentelle. Il avait employé une méthode dure aux conséquences douloureuses. Ses discours offensifs étaient suivis d'actes répressifs opérés par ses subalternes. Si, en effet, il a pu mettre hors d'état de nuire l'essentiel de l'équipe de Abdelaziz Bouteflika qu'il désignait sous le terme accusateur "la bande", il n'a pas non plus épargné ceux qui étaient des opposants farouches au régime du résident déchu. Plutôt que d'aider à la mise en place d'un climat serein et apaisé à même d'aider à l'émergence d'une solution consensuelle, il avait fait le choix d'un passage en force. Quitte à faire des dégâts. Il voyait en ceux qui s'opposaient à sa démarche d'imposer une élection présidentielle des ennemis. Sa terminologie guerrière ne faisait pas mystère. Enfermé dans une seule logique, l'homme balayait d'un revers de la main toutes les autres options de sortie de crise. L'épisode malheureux de l'emblème amazigh signait le début d'une fracture qui a failli provoquer l'irréparable dans le pays. La tension était à son comble. N'était la sagesse du mouvement populaire, l'Algérie aurait basculé du mauvais côté de l'histoire. La méthode brute a fini par devenir une stratégie de gouvernance alors que lles Algériens continuaient d'investir la rue en réclamant le changement démocratique. Un face-à-face s'est établi entre deux logiques. La confrontation était inévitable. C'est dans cette ambiance explosive que de nombreux militants politiques étaient envoyés en prison. Le vieux général à la retraite Hocine Benhadid, connu pour ses positions ouvertement critiques à l'égard du chef d'état-major de l'époque en a fait les frais. Il passe neuf mois derrière les barreaux. L'ex-candidat à l'élection présidentielle d'avril 2019, Ali Ghediri, ancien général-major qui a longtemps côtoyé Gaïd Salah, se retrouve, lui aussi, derrière les barreaux. De nombreuses figures du hirak, à l'image de Karim Tabbou, Fodil Boumala, les animateurs de l'association RAJ, séjournèrent également à la prison. Tous poursuivis pour "atteinte au moral des troupes et à l'unité nationale". Mais en réalité, tous étaient coupables d'avoir défié l'autorité du chef de l'armée sur le terrain politique. Au terme de quelques mois d'incarcération, il s'avérait que leurs dossiers étaient vides et que les accusations ne résistaient pas à l'épreuve de la vérité. Certains parmi eux étaient innocentés, d'autres remis en liberté provisoire en attente d'un procès. Mais les dégâts étaient déjà commis et beaucoup de familles sont durement marquées par cette séquence qui n'avait pas lieu d'être si la lucidité avait prévalu. Une fois l'élection présidentielle passée, il fallait pour le nouveau locataire d'El Mouradia réparer toutes ses injustices pour pouvoir instaurer un climat d'apaisement et s'attaquer ensuite aux vrais chantiers du changement. Celui de la démocratie en premier lieu. L'exercice est difficile. Parce qu'il s'agit de déjuger toute une période de gestion menée d'une main de fer. Il faut alors procéder par des gestes symboles de réhabilitation. C'est le cas avec Hocine Benhadid à qui l'institution militaire a rendu hommage en le conviant à la cérémonie officielle du 5 juillet. Avant ce geste, des prisonniers hirakistes étaient graciés pendant que d'autres ont bénéficié d'une liberté provisoire. En somme, après une période de répression unitile et politiquement coûteuse , vient celle de la réparation.