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"Ma rage de chanter l'Aurès"
Houria Aïchi, chanteuse et anthropologue
Publié dans Liberté le 25 - 07 - 2020

L'artiste singulière Houria Aïchi a porté sa terre et sa culture aux quatre coins du monde. Après une formation en sociologie, elle embrasse une carrière de chanteuse professionnelle en France. D'une voix envoûtante, elle interprète sur scène des chants chaouis l'ayant bercée dès son enfance à Batna où "nous chantions à tout moment de la journée et en toute occasion, particulièrement à la belle saison". Rendant hommage ainsi à cette tradition ancestrale, elle revient au pays pour collecter ces chants féminins, en faisant "œuvre d'anthropologie".
Liberté : Comment avez-vous vécu la période du confinement imposé par la crise du coronavirus et la privation de liberté ?
Houria Aïchi : Le confinement n'a pas été une épreuve pour moi, du moins au début. Je l'ai vécu plutôt comme une pause. Cela m'a laissé le temps de lire, d'écouter de la musique, de visionner des films, de cuisiner et d'échanger avec mes amis.
Les deux dernières semaines ont été plus éprouvantes. Cela devenait trop long et nous coupait de nos activités sociales et professionnelles.
D'où est venu ce désir de passer du monde de la recherche à celui du chant ?
Je n'ai pas le sentiment d'être passée d'un monde à un autre, car le chant aurésien m'a accompagnée tout au long de ma vie dans l'Aurès. J'ai chanté, tout comme les femmes de mon entourage, depuis ma plus tendre enfance. Lorsque j'ai quitté le giron familial, j'ai continué à pratiquer le chant en amatrice avec mes camarades de lycée, de l'université tout au long de mes études. Ce qui est différent, c'est le fait de monter sur scène, ce qui fait de soi une professionnelle du chant, et c'est cette bascule qui a été fondamentale. Cette chance m'a été donnée par un heureux concours de circonstances et de rencontres (intellectuelles, artistiques, professionnelles), qui ont cru en moi, en mes capacités ainsi qu'en mon caractère pugnace. Ils ont eu raison et je ne les remercierais jamais assez.
Vos chants sont-ils une continuité d'une recherche de l'anthropologue que vous êtes ?
Je ne le conçois pas comme cela, bien que dans la pratique c'est cela qui se passe. Lorsque je me rends dans l'Aurès pour collecter des chants à interpréter, je fais œuvre d'anthropologie.
J'utilise ses techniques, l'empathie nécessaire envers ceux qui chantent pour moi et qui souvent m'ont offert des enregistrements familiaux de fêtes de village ou de mariage. Lorsque je suis sur scène ou en enregistrement, je suis pleinement une artiste du chant.
Votre répertoire est puisé de chants traditionnels interprété par les femmes dans les Aurès. Pouvez-vous nous éclairer sur ce moyen d'expression tant pratiqué dans cette région ?
L'expression artistique des femmes, et des hommes du reste, à travers la poésie chantée est une pratique intégrée dans notre vie quotidienne. Nous chantions à tout moment de la journée et en toute occasion, particulièrement à la belle saison. Tout était prétexte à se réunir autour d'un café dans la cour commune où la vie féminine était intense. Les femmes à ces moments-là, de mon point de vue, avaient une capacité d'expression de leur être et de leur condition extrêmement puissante. Et c'est cette puissance que j'ai dû percevoir de manière inconsciente et enfantine qui m'a marquée à tout jamais que j'essaie, sans le savoir je crois, de retrouver à chacun de mes concerts. La thématique poétique populaire chantée est séculaire : toutes les populations paysannes du monde puisent dans leur condition de vie matérielle, sentimentale et spirituelle pour s'exprimer artistiquement. C'est le cas des Aurésiens. Nous retrouvons chez eux tous les grands thèmes de la condition humaine. L'amour occupe, me semble-t-il, une grande part du répertoire chanté. Puis nous trouvons les thèmes du travail, de la résistance, de l'exil, du sacré...
Aujourd'hui, ces chants sont-ils toujours courants dans les Aurès ?
Les Aurésiens chantent encore aujourd'hui leurs chants séculaires, même les plus jeunes. Je m'en rends compte lors de cérémonies familiales auxquelles j'ai pu assister. Les nouvelles générations sont évidemment ouvertes sur le monde et sur sa production artistique mondialisée. Mais ils connaissent aussi leurs classiques aurésiens. Et cela me fait profondément plaisir lorsque je les entends m'accompagner lors de mes concerts en Algérie.
Cette tradition des chants féminins est répandue dans d'autres régions du pays, comme en Kabylie, dans le sud et l'ouest du pays avec les cheikhat. Mais pourquoi restent-ils confinés dans l'espace clos et privé ?
Je ne partage pas votre point de vue sur cette question. On ne peut pas faire fi du travail de femmes comme Chérifa, pour la région kabyle, et Rémitti pour la région oranaise, ainsi que le groupe masculin Tinariwen, pour le Grand-Sud, Idir... J'en oublie probablement bien d'autres. Tous ces artistes ont porté haut les répertoires traditionnels de leur terre, à travers le monde.
Existe-il une correspondance entre ces chants de femmes et celui de l'Ahellil du Gourara ?
Bien que j'apprécie profondément l'Ahellil, je n'en connais pas la substance. J'écoute ces grands interprètes pour la beauté de leur rituel, pour leur sens du chant collectif et pour leur spiritualité.
Vous avez réussi le pari de réaliser un travail de mémoire et de le montrer à l'international. Pensiez-vous atteindre cette notoriété ? De quelle manière cette musique traditionnelle populaire est-elle perçue en Europe ?
Vous savez, je ne chante pas pour la gloire. Ma première motivation est ma propre satisfaction : celle de continuer d'exercer une activité artistique qui a imprégné ma vie dès mon plus jeune âge et ne m'a jamais quittée. Je n'avais pas non plus d'autre ambition que de continuer à chanter en France, puisque c'est là que je vivais. Mais la vie en a décidé autrement, et je l'en remercie. Des hommes et des femmes du monde du spectacle ont vu probablement très vite le potentiel qu'il y avait dans ma rage de chanter l'Aurès. Ils m'ont aidée à construire une carrière qui m'a en effet emmenée sur tous les continents avec les chants de ma montagne sur "le dos".
Etablie en France depuis les années 70, comment viviez-vous "l'exil", vous qui êtes viscéralement attachée à l'imaginaire social des Aurès ?
Cela a fonctionné de manière contradictoire. Alors que je m'installais petit à petit dans un exil définitif, la nécessité absolue, à mon insu du reste, de garder le lien ombilical avec cette terre si forte, avec ses gens à l'imaginaire si puissant et qui est le mien aussi s'installait. Cette pratique de leur chant à Paris leur revenait en miroir, et ils me renvoyaient par maintes signes (envoi de textes par messager jusqu'à Paris) leur compréhension de mon geste. En tout cas, c'est la lecture que j'ai faite de leur curiosité à l'égard de mon travail, à l'adhésion à mon exigence de qualité et de respect pour leur patrimoine.
Propos recueillis par : Hana Menasria


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