Une année après la signature historique de l'accord de transition, le 17 août 2019, les Soudanais ont renoué hier avec la protestation. Des représentants des comités de la révolution et plusieurs figures de l'opposition ont exigé hier, lors d'une imposante manifestation à Khartoum, l'installation d'une assemblée constituante dans un délais de 3 mois, pour corriger le cours de la Révolution de novembre 2018, a rapporté la presse locale. Les leaders de la rue soudanaise ont aussi exigé "l'organisation d'une conférence économique qui mettra en place des politiques économiques, la réforme du système judiciaire ainsi que le démantèlement du système de 1989 et la restructuration des corps constitués et sécuritaires", selon un mémorandum remis, hier, aux autorités. Dès la matinée, des milliers de manifestants ont battu le pavé pour exprimer leur colère contre le gouvernement d"Abdellah Hamdouk, accusé d'avoir "bloqué" les objectifs de la "révolution" de décembre 2019, alors que le pays fait face à une double crise sécuritaire et économique. La foule compacte a commencé à se rassembler dans le centre de la capitale Khartoum, répondant à l'appel, la veille, de plusieurs coordinations professionnelles, comités révolutionnaires et associations de la société civile. Une année, jour pour jour, après la signature historique de l'accord de transition, le 17 août 2019, les manifestants ont repris la protestation au milieu d'une immense désillusion, avec le sentiment d'avoir été "trahis", en raison des promesses de la révolution non tenues par les nouvelles autorités du pays, incarnées par le gouvernement de transition dirigé par le Premier ministre Abdellah Hmadouk. Pis encore, les protestataires, parmi lesquels beaucoup de jeunes, ont estimé hier que la classe dirigeante a "renoué avec les pratiques de l'ancien régime de Omar Al-Bachir". Les manifestants ont dénoncé à ce propos la mainmise des "affidés de l'ancien régime sur les institutions du pays", compromettant ainsi le lancement des réformes politiques dont a besoin le pays, tant sur le plan institutionnel que sur le plan économique, comme prévu dans le Document constitutionnel du 17 août 2019. Cités par des médias locaux, plusieurs protestataires ont appelé à des actions radicales et la "reprise de la révolution", sur fond d'appel au départ des dirigeants du pays. La crise sécuritaire que vit le pays fait craindre le pire aux Soudanais qui ne comprennent pas en outre pourquoi le gouvernement n'a pas formé à ce jour la "Commission de la paix", comme le stipule le document constitutionnel de 2019, et à ce que cette dernière prenne en charge le dossier de la paix "sous les auspices directs du Conseil des ministres avec la restructuration et la réforme des forces régulières selon les fondations nationales". Lors de cette imposante manifestation, les protestataires pacifiques et plusieurs figures de l'opposition ont réitéré par ailleurs leur rejet du plan de réforme économique du gouvernement visant à réduire les subventions aux carburants et à faire flotter la monnaie soudanaise, soulevant le spectre des troubles alors que le pays effectue une transition fragile vers la démocratie. Acculé par une crise multidimensionnelle et sous pression populaire, le Premier ministre Abdellah Hamdouk a procédé récemment à un remaniement ministériel, avec le départ de pas moins de sept ministres, mais pour la population en colère, la solution ne viendra pas avec des changements à la tête des ministères mais à travers le redressement de la révolution et la réalisation de ses engagements. Karim Benamar