Depuis peu, des Algériens investissent leur argent dans des comptes codés, ainsi que dans des acquisitions et des placements. L'hebdomadaire français Le Point a écrit la semaine dernière que l'Algérie aurait demandé l'aide de la justice française aux fins de répertorier et lister les biens de certains de ses ressortissants établis en France. S'agit-il du prélude d'une traque officiellement assumée des milliardaires offshore qui, de part le monde, échappaient aux dispositifs de lutte contre l'argent sale et l'évasion fiscale ? On le sait, même si le secret bancaire devient de moins en moins solide, tant il est vrai que des brèches sont désormais possibles par voie d'enquête de justice et/ou de presse, en témoignent d'ailleurs les SwissLeaks et les Panama Papers, mais les instruments juridiques existants, en interne, comme à l'international, sont peu suffisants pour la récupération des biens mal acquis, transférés à l'étranger au moyen de multiples canaux, aussi variés que sophistiqués. Même au plan mondial, les bilans en matière de rapatriement des biens mal acquis, effectués par les organismes internationaux, sont pour le moins maigres. Des personnes sont condamnées ça et là à travers le monde, mais dont les biens n'ont jamais pu être rapatriés vers les pays d'origine. Le constat rappelle la complexité de l'opération à l'international, quand bien même des conventions bilatérales et multilatérales existeraient entre les pays, mais dont l'efficacité bute, souvent, sur le veto bancaire, la complexité des règles et des procédures et la sophistication des placements. Très peu d'extraditions ont été faites également. Le cas Khalifa reste pour ainsi dire un accident de parcours et une situation atypique qui restera dans l'histoire. En interne, c'est de notoriété publique que de dire que la justice ne dispose pas de moyens à même de suivre et de faire aboutir la confiscation des biens. Les bilans en matière de lutte contre l'évasion et la fuite fiscales ne sont pas non plus un bon indicateur de l'efficacité de l'arsenal juridique actuellement en vigueur. La surfacturation des importations, les commissions versées dans le cadre de la conclusion des contrats des marchés publics, les pots-de-vin, les contrats de consulting conclus avec des sociétés écrans... autant de mécanismes ayant permis, des années durant, à des politiques et hommes d'affaires algériens de transférer annuellement l'équivalent de 1 à 1,5 milliard de dollars. Depuis les SwissLeaks, les Panama Papers et autres scandales d'évasion fiscale à dimension planétaire, les milliardaires offshore se savaient traqués et peu protégés, aussi bien par le secret bancaire que par les paradis fiscaux. Depuis peu, les Algériens investissent leur argent dans des comptes codés, acquisitions et placements, peu ou pas du tout accessibles aux procédures de rapatriement. Dubaï, Beyrouth, Singapour, Hong Kong... où le secret bancaire est jusqu'ici inviolable et où des sommes faramineuses sont confiées à des gestionnaires de portefeuilles qui ont déclassé les places européennes et occidentales où la raison d'Etat a fini, dans quelques cas, par avoir raison du secret bancaire. À la mi-2019, rappelons-le, le tribunal fédéral de Lausanne avait rappelé aux banques suisses leur obligation de fournir des informations sur les comptes détenus par des citoyens français. Depuis quelques années, même les capitaux transférés à destination du Vieux Continent ont été aussitôt blanchis et réinvestis dans l'immobilier, les placements et les acquisitions. D'où la complexité des procédures d'identification et de rapatriement de l'argent mal acquis.