Pour la première fois depuis plus de vingt ans, le taux mondial d'extrême pauvreté devrait augmenter en 2020, prévoit la Banque mondiale, en mettant en lumière les conséquences aggravantes de la pandémie de Covid-19 sur la réduction de la pauvreté, déjà freinée par les conflits et le changement climatique. Dans son rapport bisannuel sur la pauvreté et la prospérité partagée publié, hier, la Banque mondiale indique que la pandémie de Covid-19 risque d'entraîner entre 88 et 115 millions de personnes supplémentaires dans l'extrême pauvreté, cette année, et jusqu'à 150 millions d'ici à 2021, en fonction de la gravité de la récession économique. L'extrême pauvreté, dont le seuil est fixé à moins de 1,90 dollar par jour, devrait ainsi toucher entre 9,1% et 9,4% de la population mondiale en 2020, soit un retour en arrière de l'ordre du taux de 9,2% enregistré en 2017. "Sans les bouleversements induits par la pandémie à travers le monde, ce chiffre aurait dû tomber à 7,9% en 2020", estime l'institution de Bretton Woods. "D'après les données de 2011, 0,4% de la population algérienne (200 000 personnes) vit dans l'extrême pauvreté (moins de 1,90 dollar par personne et par jour)", lit-on dans le rapport. "La pandémie et la récession mondiale qui l'accompagne risquent de faire basculer plus de 1,4% de la population mondiale dans l'extrême pauvreté", souligne le président du Groupe de la Banque mondiale, David Malpass. Une grande partie des "nouveaux pauvres" sera concentrée dans des pays qui connaissent déjà des taux de pauvreté élevés, et 82% vivront dans des pays à revenu intermédiaire qui verront, pour certains, un nombre considérable de leurs habitants passer sous le seuil de l'extrême pauvreté. Pour rappel, une enquête du ministère du Travail réalisée sur un échantillon de 3 600 entreprises, employant 440 171 travailleurs, faisait ressortir qu'environ 50 000 travailleurs ont perdu leur emploi de manière provisoire ou définitive. Dans une étude sur "la sécurité alimentaire de l'Algérie à l'épreuve de la Covid-19", Ali Daoudi, enseignant-chercheur à l'Ecole nationale supérieure d'agronomie d'Alger, et Amel Bouzid, chercheure au Cread, relevaient que l'une des conséquences potentielles de la crise sanitaire et économique actuelle est la baisse du pouvoir d'achat alimentaire des ménages à faible revenu, dont la précarité serait aggravée par le ralentissement de l'activité économique et les pertes d'emploi et donc de revenu qui en découlent. "Le nombre de ménages en situation de précarité alimentaire pourrait augmenter considérablement les prochains mois si des mesures spécifiques de soutien au pouvoir d'achat alimentaire ne sont pas prises ou élargies rapidement, notamment en faveur des catégories les plus vulnérables", ont-ils averti. Les deux chercheurs avaient souligné l'urgence de procéder à l'identification, la plus fine possible, des ménages concernés par la perte de pouvoir d'achat ; notamment les travailleurs journaliers en chômage forcé et sans couverture sociale. La crise provoquée par la pandémie de Covid-19 entraîne aussi un recul de la prospérité partagée, définie comme l'augmentation du revenu de 40% des habitants les plus pauvres d'un pays. Les données mettent en évidence une stagnation, voire une contraction du niveau moyen mondial de la prospérité partagée au cours de la période 2019-2021, en raison de la moindre croissance des revenus moyens. En outre, la décélération de l'activité économique aggravée par la pandémie frappera probablement plus durement les plus pauvres, ce qui pourrait se traduire par des indicateurs de prospérité partagée encore plus faibles dans les années à venir. Meziane Rabhi