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"Le modèle inégalitaire est source de violences"
Salah Belmekki, psychiatre
Publié dans Liberté le 11 - 10 - 2020

Dans cet entretien, le Dr Salah Belmekki tente d'expliquer les raisons de la multiplication des actes de violences ciblant particulièrement les femmes et ouvre des pistes de réflexion sur les dangers que constitue ce phénomène sur la société algérienne.
Liberté : Le meurtre de la jeune Chaïma remet sur la table la question des féminicides en Algérie. Comment en est-on arrivés là ?
Dr Salah Belmekki : Pour appréhender le crime de ces jeunes filles qui a tendance à se répéter un peu partout sur le territoire national, il faut faire un distingo : entre un crime crapuleux qui relève de la criminalité en général, du crime d'honneur qui peut être valorisé par la culture et les croyances des groupes sociaux dans lequel il se produit et le crime passionnel encore discutable du point de vue de la psychopathologie.
Dans le cas de Chaïma, de ce que j'ai pu lire, il s'agit visiblement d'un crime crapuleux. L'acharnement sur la dépouille, la crémation du corps et le caractère isolé du lieu du crime supposent que c'était calculé et prémédité. À cela s'ajoute le fait que la victime était une adolescente désarmée et sans expérience, qui n'avait pas conscience ou ne pouvait projeter le fait que le crime pouvait arriver. C'est ce qui a jeté l'effroi parmi la population.
Au-delà du féminicide, il y a des actes d'une violence rarement égalée dans la société. Comment expliquez-vous cela ?
Il y a une problématique sémantique qu'il faut faire évoluer. Il y a féminicide et il y a féminicide qui est un continuum dans les problématiques du genre. Tuer une femme juste parce qu'elle est Femme. Or, lorsqu'on parle de féminicide, on est plutôt dans une sphère relationnelle proche, intime ou familiale, et quand on parle du féminicide, il s'agit de femmes qui sont tuées juste parce qu'elles sont femmes.
Cela pose des problèmes d'ordres politique, juridique et moral. Sommes-nous comme société proches des chiffres internationaux concernant la violence en général contre les femmes et le féminicide en particulier ? Les médias rapportent des faits plus graves, mais on est loin de chiffrer toutes les violences à l'égard des femmes qui font partie des normes pour les catégories sociales les plus vulnérables.
Je ne connais pas un organisme national indépendant de statistiques et d'analyse qui livre des études étayées par des chiffres pour saisir l'ampleur du phénomène des violences et des crimes à l'égard des femmes. Or, si nous voulons réellement sortir de l'engrenage, il faut répertorier et identifier toutes les victimes quelle que soit la forme qu'elle prend dans la famille, au travail ou dans l'espace public.
Il faut avoir une cartographie précise de la violence à l'égard des femmes. C'est là qu'on peut penser réellement à de vraies politiques avec les femmes, qui, elles, connaissent mieux le phénomène. Il faut travailler en réseau avec les associations féminines et les associations d'aide et d'assistance aux femmes victimes de violences. Nous sommes dans une société inégalitaire : l'inégalité homme-femme est la pierre d'achoppement de la problématique.
L'inégalité est profondément destructrice de l'être de la femme. La violence physique va de pair avec la violence symbolique auxquelles concourent le patriarcat et le religieux. Le premier s'est redéployé par la faillite d'un vrai projet moderne et républicain pour consacrer une citoyenneté active de la femme et le second une puissante contre-culture qu'on prend à tort pour une idéologie.
Le rôle de l'Etat n'est pas de consacrer le salut des femmes, mais de leur garantir des droits, y compris et surtout contre les deux ingrédients de la régression de la condition humaine de la plus grande partie de la société. Devant l'ampleur de la violence à l'égard des femmes, les thèses criminologiques et psychopathologiques ne rendent certainement pas compte de l'ampleur et de l'ancrage du phénomène.
Le comportement de l'homme est le prolongement d'une configuration sociale plus large qui le modélise et détermine son comportement, et c'est là que la thèse psychosociale est intéressante. Le problème est donc entier : pour que l'homme et la femme puissent vivre une relation égalitaire, il faut qu'il y ait une relation affective où l'amour, en plus d'être un lien nécessaire et positif, est aussi et surtout un code symbolique. L'égalité est un facteur de stabilité qui donne la possibilité réelle à l'homme et à la femme toute la latitude pour résoudre leurs différends.
Le modèle inégalitaire qu'offre la société algérienne est source de maux et de violence. Nous sommes donc devant quelque chose qui va au-delà de la relation ; c'est l'aspect politique de posséder la femme. Le modèle est fait de nuances qui va des femmes empêchées de travailler ou d'avoir une autonomie financière, en passant par celles qui sont interdites de continuer leurs études ou rater des opportunités de vie, à celles qui sont violentées jusqu'à ce qu'une infime minorité statistique, mais toujours dramatique, perde la vie.
On dit souvent que ces actes "sont étrangers à notre société". Est-ce vrai ?
Non, ce n'est pas vrai. La violence dans la société est là depuis toujours. Elle est un instrument de médiation entre les groupes sociaux. La réalité contredit totalement les allégations qui font référence à de la moralité, à un esprit qui tente de d'éluder ou être dans le déni sur cette question qui est présente dans les groupes sociaux et les familles. L'Algérie est un pays dans lequel la société est profondément désorganisée. Les instruments de médiation n'existent pas, les mécanismes de compromis non plus.
Du coup, il y a aussi des facteurs politiques, économiques et culturels dans une société sans modèle stable. Aujourd'hui, nous nous trouvons devant des ensembles urbains, devant des jeunes et adolescents qui n'ont pas de modèle. Le modèle de sollicitation sociale est bloqué. Or, un modèle de sollicitation social est un modèle de rapports sociaux qui organisent des points d'encrage à partir desquels, un homme assoit un comportement, a une vie affective en respectant des codes et qu'il fait évoluer à son tour.
Or, les points d'ancrage de ces jeunes dans la sollicitation sociale est presque inexistant. C'est ce qui fait qu'aujourd'hui, l'acculturation profonde, qui est le lot de générations de quartiers ou d'ensembles urbains, fait que le recours à la violence est presque un mécanisme huilé. Cela s'explique par le fait que ces jeunes sont devant une offre unique.
Ils n'ont pas d'offres qui leur permet de saisir d'autres opportunités, d'autres comportements et de se tracer un autre modèle de vie en fonction de leurs choix ou de leurs possibilités et compétences. À la violence, il faut aussi ajouter d'autres fléaux qui participent à la destruction du tissu social. C'est le cas des toxicomanies de masse. Il y a aussi une part de violence politique, car l'Homme a une essence politique, qui est pour le moment contenue, mais toujours possible. Parmi d'autres maux sociaux, la précarité économique et la régression culturelle.
Aujourd'hui, des pans entiers de la société décrochent. Ils sont dans un contre-modèle. Ils ont décroché parce qu'ils ne s'inscrivent plus dans une perspective de socialisation par l'économie, la politique et la culture dans un cadre national inclusif. À cause de cela, le destin politique de beaucoup est escamoté. Lorsqu'on part dans des villes, dans des banlieues, on observe l'émergence de l'économie parallèle. On découvre des cultures totalement détachées de la culture nationale. Un urbanisme détaché de la ville.
Que préconisez-vous comme solutions pour réduire la violence ou la contenir ?
Le traitement de ces violences est politique et juridique. Parce qu'à ce niveau de dérèglement, d'anomie sociale, on ne peut pas toujours opposer des réponses sécuritaires. Il est temps que la société algérienne se regarde et mette en place des mécanismes, d'abord politiques, pour basculer dans l'économique et le culturel.
Tant qu'on n'a pas réglé le noyau de tous les problèmes, à savoir le politique, les Algériens continueront à subir les contrecoups de cette fuite en avant. On ne peut pas continuer, dans une société de 45 millions d'habitants, à user des mêmes mécanismes d'il y a une trentaine d'années.
Il est temps de se regarder en face d'autant plus qu'il ne faut pas laisser le désespoir s'installer, parce que comme nous sommes capables du meilleur et nous sommes aussi capables du pire. Nous sommes à la croisée du destin national. Si nous continuons à user du même logiciel d'il y a 30 ans, il est à craindre que la violence et la contre-violence soient en définitive les seuls paramètres de médiation sociale.

Entretien réalisé par : ALI BOUKHLEF


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