Membre fondateur de l'Action culturelle des travailleurs (ACT), avec Kateb Yacine et Ali Zamoum, Youcef Aït Mouloud estime que "la fonction du théâtre est de libérer les esprits. Pour cela, il lui faut briser parfois les tabous". "Il n'y a pas de crise de texte, mais plutôt une crise d'auteurs de théâtre et ce, pour la simple raison que les théâtres sont gérés par des fonctionnaires, désignés par la tutelle, épaulés par un conseil d'administration et un comité artistique." Le constat a été établi par Youcef Aït Mouloud, un ex-comédien et metteur en scène, connu surtout pour avoir été assistant et comédien dans plusieurs pièces écrites et mises en scène par le célèbre dramaturge et écrivain Kateb Yacine et, également, pour avoir été membre fondateur de l'Action culturelle des travailleurs (ACT) avec Kateb Yacine et Ali Zamoum. Plus explicite, notre interlocuteur a expliqué que la gestion d'un théâtre ne peut être qu'artistique, et l'administration ne peut être qu'un support de moyens généraux et financiers. "Dans les années 1970, le théâtre algérien était à son apogée malgré les moyens rudimentaires et ce, grâce aux responsables des théâtres qui ont démontré leurs preuves à l'échelle nationale et internationale", a soutenu Youcef Aït Mouloud, en citant pour exemple "Mustafa Kateb du TNA, pour le théâtre classique, ainsi que Abdelkader Alloula et Abderahman Kaki, du théâtre d'Oran, pour le théâtre populaire, qui est pour certains contestataire". "Avec Kateb Yacine et sa troupe Action culturelle des travailleurs, suivi dans le même chemin par Slimane Benaïssa, Sid Ahmed Agoumi, Hadj Smaïl, Azzedine Medjoubi, pour ne citer que les plus médiatisés, la création avait atteint son paroxysme", a relaté Aït Mouloud, estimant que "c'était surtout une période bénéfique pour tout les théâtreux, animés par une émulation positive, afin d'élever le niveau des futurs hommes de théâtre". "C'était même une vraie école dans la pratique pour les jeunes comédiens et techniciens", a-t-il insisté. Quant à la "crise de textes", souvent évoquée, Youcef Aït Mouloud a considéré qu'il ne s'agit là que d'un faux fuyant pour les décideurs afin de justifier le déclin du théâtre algérien. "Les œuvres théâtrales universelles sont un réservoir inépuisable à la disposition des hommes de théâtre qui aspirent à l'écriture dramaturgique, et l'exemple a été donné par Mohia, pour ceux qui le connaissent", a-t-il affirmé. Dans ce sillage, a-t-il développé, "Mohia a su donner une âme algérienne aux textes traduits, adaptés ou transposés, tels que dans En attendant Godot de Samuel Beckett, Le Ressuscité du Chinois Lu Yun, La Jarre de Pirandello, Tartuffe de Molière, Ubu Roi, d'Alfred Jarry, etc.". "Mohia maîtrisait la force des mots en inculquant l'âme algérienne à ces personnages, à tel point qu'on n'aurait jamais pu penser que c'est une pièce du répertoire d'un auteur universel", a estimé Aït Mouloud. À propos de la langue et du langage populaire dans le théâtre, qu'on retrouve particulièrement dans les textes de Mohia, cet ex-comédien et metteur en scène a relevé la nécessité de maîtriser et, surtout, d'aimer ce langage du peuple. "La source de tout est là. Je crois que les gens qui apprécient le langage du peuple, les gens qui, réellement, le parlent, ceux-là sont les seuls capables de faire un vrai théâtre", a-t-il noté. Et d'ajouter : "Cela suppose de vivre avec le peuple et d'être capable de recevoir, d'écouter les mille trouvailles que ce peuple fait dans sa vie quotidienne." "La fonction du théâtre est de libérer les esprits. Pour cela, il lui faut briser parfois les tabous", a, en dernier, soutenu Aït Mouloud, avant de conclure : "Le théâtre algérien peut redorer son blason, à condition de faire confiance aux vrais professionnels de la corporation théâtrale. " Diplômé de l'Institut national d'art dramatique et chorégraphique de Bordj El-Kiffan en 1968, Youcef Aït Mouloud a été, entre autres, assistant et comédien dans Mohamed prends ta valise, L'Homme aux sandales de caoutchouc, La Voix des femmes, La Kahina, La Guerre des deux mille ans, Le Roi de l'Ouest et Palestine trahie de Kateb Yacine, et dans Allal danger de Malek Kateb et Ya ben ami ouine de Mohamed Bakhti.
