L'expert énumère dans cette interview les preuves justifiant son constat, notamment les catastrophes les plus récentes, telles que l'explosion du gazoduc à Baraki en 2018, l'incendie dans la zone pétrochimique à Arzew en 2019 et l'explosion du pipeline à El-Oued le 5 septembre 2020. Liberté : Comment qualifier le douloureux événement qui a ébranlé la wilaya d'El-Bayadh ce 10 octobre 2020 ? Abdelkrim Chelghoum : Ce qui s'est passé à El-Bayadh est gravissime. C'est la conjugaison d'un aléa ou danger représenté par la présence de canalisations de gaz dans une zone où des enjeux humains, économiques ou environnementaux sont en place, dès lors, le risque existe. Sans conséquence, un aléa n'est donc pas un risque. La gravité du risque est proportionnelle à la vulnérabilité des enjeux, c'est ce qui s'est réellement passé à El-Bayadh. Quelle politique de prévention du risque majeur pétrochimique et industriel préconiseriez-vous en tant qu'expert ? Une politique de prévention fiable représente, selon les normes internationales, les procédures et les règles visant à limiter la vulnérabilité des hommes et des biens face aux aléas technologiques.Pour chaque risque majeur, il faut une simulation numérique de l'événement, soit une anticipation qui permettrait la correction de chaque étape de la catastrophe. De plus, elle doit indéniablement reposer sur deux volets importants, à savoir une stratégie de gestion fiable et un aménagement du territoire rigoureux. De ce fait, cette politique doit être fondée sur le binôme sécurité acceptable-coût économiquement acceptable. En général, une bonne démarche de gestion et de prévention du risque technologique doit suivre les quatre étapes dans un ordre chronologique, à commencer par l'identification des sources du risque, le classement des aléas par ordre de priorité et de gravité, l'élaboration d'un plan de protection des sites et le suivi et l'actualisation des plans de gestion des installations industrielles (PPI, POI, etc.). Depuis l'explosion gazière dans la zone pétrochimique de Skikda en 2004 qui a fait une centaine de victimes et des dégâts matériels avoisinant un milliard de dollars, le gouvernement a-t-il réellement mis en place une stratégie de prévention des risques pétrochimiques et industriels pour le pays ? Question très pertinente. Malheureusement, il faut dire que le constat in situ est pitoyable pour ne citer que les catastrophes les plus récentes, à l'instar de l'explosion du gazoduc à Baraki en 2018, de l'incendie dans la zone pétrochimique à Arzew en 2019 et de l'explosion du pipeline à El-Oued le 5 septembre 2020. Le constat est parlant. On peut facilement affirmer, sur la base de l'état des lieux, des accidents récurrents à travers tout le territoire national, et surtout le diagnostic des causes et des effets après chaque catastrophe, que l'Algérie demeure très vulnérable vis-à-vis de ce risque majeur. Je dois dire également sans être alarmiste ni défaitiste, mais seulement réaliste, que des villes, à l'instar d'Alger, d'Oran, de Skikda, de Hassi Messaoud et d'Annaba, ne sont pas à l'abri d'une déflagration comme celle qui a démoli Beyrouth le mois dernier.