La dématérialisation des démarches administratives due à la crise sanitaire a compliqué la situation des arrivants. Nombre de nouveaux étudiants algériens sont arrivés en France ces dernières semaines. Ils ont voyagé à bord d'avions mobilisés pour le rapatriement des personnes bloquées en Algérie depuis la fermeture des frontières. Selon des premières estimations émanant de Campus France, le nombre des inscrits est en augmentation de 2% par rapport à l'année dernière. L'ajournement jusqu'à l'année prochaine de la hausse des frais d'inscription (arrêté ministériel d'avril 2019) par plusieurs établissements universitaires de l'Hexagone a, sans doute, encouragé les nouveaux étudiants algériens à sauter le pas. Mais une fois arrivés en France, nombre d'entre eux se retrouvent dans des situations difficiles. Naziha qui a réussi à valider son dossier de visa étudiant en présentant une attestation d'hébergement fournie, à titre temporaire, par une connaissance de la famille n'arrive toujours pas à trouver un logement. "La dame qui me loge actuellement m'a bien fait comprendre que je ne pourrai pas rester chez elle plus de trois mois. Son appartement est très petit et elle a déjà trois enfants", explique la jeune fille. Pour trouver un toit, elle s'est inscrite sur le site internet de l'Ecaf (Etudiants et cadres algériens en France) où elle a posté un appel à l'aide. Des messages comme le sien sont légion sur la page Facebook de l'association. Selon Yacine Bouzidi, un des responsables de l'organisation, le logement est un casse-tête qui rend difficile l'installation des nouveaux étudiants algériens, surtout en Île-de-France. Nos jeunes compatriotes sont pénalisés à plus d'un titre. Très souvent, leur statut d'étudiants extra-communautaires les prive d'accès aux résidences universitaires. Par ailleurs, l'Etat algérien, contrairement à beaucoup d'autres pays, ne dispose pas de foyers pour héberger ses propres étudiants. Un projet pour la construction d'une Maison Algérie, à la Cité internationale universitaire de Paris, avait été lancé, il y a quelques années, avant d'être abandonné pour des raisons de coûts. Face à cette situation, un marché immobilier gris et alimenté par des compatriotes peu scrupuleux a commencé à faire son apparition ces derniers temps. Des Algériens établis en France louent ou sous-louent des appartements à Paris et des maisons en banlieue à plusieurs étudiants à la fois. "Quelqu'un a répondu à mon annonce en me proposant de rejoindre pour 400 euros six étudiantes qui occupent un F3 au nord de la région parisienne", fait savoir Naziha décontenancée. Tout en poursuivant ses recherches, l'étudiante doit aussi penser à trouver un emploi pour régler ses futurs loyers. "Beaucoup cherchent à travailler à temps partiel, surtout lorsque leur capital de départ commence à s'épuiser", confirme Yacine Bouzidi qui déplore en même temps la raréfaction des jobs-étudiants à cause de la crise sanitaire. "Cette situation favorise la précarisation des étudiants et compromet leurs chances de réussite universitaire", précise le responsable associatif. Pour aiguiller les nouveaux inscrits et rompre leur solitude, l'Ecaf a décidé de se mobiliser. Elle a notamment organisé à la fin du mois de septembre un atelier de conseils et d'orientation qui a été suivi en ligne par 5 000 participants. "Tout en proposant aux présents quelques astuces qui leur permettront de trouver plus facilement du travail à temps partiel, dont un service de petites annonces et des aides pour l'écriture de lettres de motivation, nous les avons mis en garde contre toute forme d'isolement. Ce sentiment s'est fortement accentué avec la Covid- 19, générant mal être, pression émotionnelle et difficultés sociales. L'isolement est d'autant plus important car avec la fermeture des frontières, la sensation d'éloignement est encore plus forte", souligne Yacine Bouzidi. L'isolement qui menace les nouveaux étudiants algériens en France trouve également sa source dans la dématérialisation de toutes les démarches administratives depuis le début de la pandémie de Covid-19. Les demandes de titre de séjour et d'aide au logement se font à présent exclusivement en ligne. Par exemple Hassan, qui réside en France depuis deux ans, n'a aucun moyen de savoir si la demande de renouvellement de sa carte de séjour étudiant a été traitée, six mois après qu'il l'a envoyée. "À la préfecture, personne ne répond au téléphone", nous apprend le jeune homme désarmé. Tout comme Naziha, il a également utilisé le groupe Facebook de l'Ecaf pour trouver des conseils et des réponses à ses questions. Tous les jours, des dizaines de messages sont postés sur la page. Certains viennent d'Algérie. Des étudiants précautionneux qui souhaitent poursuivre leur cursus universitaire en France veulent avoir le maximum d'informations avant de se jeter à l'eau. Pour accompagner ceux qui ont déjà posé leur valise dans l'Hexagone, l'Ecaf a mis en place un système de parrainage grâce auquel d'anciens étudiants offrent à des nouveaux une assistance personnalisée."Nous avons déjà réussi à créer 180 parrainages", révèle Yacine Bouzidi, qui évoque aussi des campagnes d'assistance financière ponctuelles au profit des étudiants les plus nécessiteux.