Le nouveau régime au Caire a classé la confrérie des Frères musulmans comme "organisation terroriste", tout en muselant la voix des militantes des droits de l'Homme et de la presse. Dix ans après les manifestations de la place Tahrir, en Egypte, le 25 janvier 2011, qui ont abouti à la destitution du défunt président, Hosni Mubarak, la situation des droits de l'Homme est fortement décriée dans ce pays qui compterait 60 000 prisonniers politiques. Dans une lettre ouverte à l'Union européenne et à ses Etats membres sur l'Egypte, 12 ONG des droits de l'Homme dont Human Rights Watch (HRW ), Amnesty International (AI) et Reporters sans frontières (RSF), ont relevé "une augmentation radicale des niveaux de répression et des arrestations arbitraires d'éminents défenseurs et défenseuses des droits humains, des militants pacifiques, des responsables politiques et des journalistes – dont certains en représailles pour avoir rencontré des diplomates occidentaux – en ajoutant certains à la liste de terroristes". Les ONG, qui accusent les autorités égyptiennes, notamment de s'être servies de la Covid-19 de "prétexte" pour "conférer de nouveaux pouvoirs abusifs au Président et intensifier les restrictions aux droits et aux libertés", ont énuméré une litanie de griefs à mettre à l'actif du régime d'Abdel Fattah al-Sissi. Les nouvelles autorités "ont réprimé dans la brutalité plusieurs manifestations essentiellement pacifiques en septembre 2019 et en septembre 2020", plaçant "en détention des médecins et autres travailleurs médicaux, des utilisateurs de réseaux sociaux et des journalistes pour avoir critiqué la gestion de la pandémie", lit-on dans ce communiqué, soulignant que le régime a "arrêté et poursuivi des femmes au nom de la moralité, y compris des victimes d'agressions sexuelles et des témoins". Cela, sans oublier le traitement dont sont victimes les détenus politiques. Selon ces ONG, les autorités égyptiennes "ont soumis des personnes détenues et emprisonnées à des conditions de détention inhumaines, à une négligence médicale préméditée et au refus de soins médicaux, menant ou contribuant ainsi au décès de dizaines, voire de centaines, de personnes en détention" et "elles ont poursuivi les arrestations de membres de la communauté LGBT en raison de leur orientation sexuelle et continué de leur infliger des actes de torture et des traitements dégradants". Et de poursuivre : "Elles ont continué d'arrêter et de poursuivre les membres de minorités religieuses pour blasphème. L'année 2020 a connu une croissance sans précédent du nombre d'exécutions judiciaires, les cours et tribunaux continuant à condamner à mort, y compris au cours de procès ne rencontrant pas les standards internationaux du procès équitable. Une lacune dans la loi juvénile égyptienne permet aux mineurs d'être jugés devant des tribunaux pour adultes, ce qui mène des enfants à se retrouver jugés dans des procès de masse et condamnés à mort." Tout en exhortant les Etats européens à examiner la question de la crise des droits humains en Egypte, les ONG, auteurs de la lettre, ont recommandé des mesures visant à faire cesser les multiples violations des droits humains. Il s'agit entre autres de "la libération immédiate et sans condition de militants pacifiques, de défenseurs des droits humains et de politiciens", "l'abolition des détentions provisoires prolongées pour des accusations infondées liées au terrorisme et la libération de toutes les personnes détenues pour l'exercice pacifique de leurs droits", "l'accès d'observateurs internationaux indépendants aux lieux de détention, la promulgation d'un moratoire officiel sur les exécutions en vue de l'abolition, à terme, de la peine de mort", de "réclamer de manière proactive, en public et en privé, la libération des défenseurs des droits humains placés en détention et l'amélioration des conditions de détention".