Se sentant trahie, une partie du mouvement de l'opposition et de la société civile soudanaise a décidé de revoir ses alliances et de relancer sa résistance face aux velléités militaristes des autorités de transition, en mal de vision pour gérer les affaires urgentes à Khartoum. Les Comités de résistance soudanais ont annoncé dans la nuit de samedi à dimanche leur retrait de la "Charte des forces de liberté et de changement", estimant que la révolution est en train d'être détournée de ses premiers objectifs de lutte contre la dictature militaire et la corruption qui a mis à genoux le Soudan, après trois décennies de règne de l'ancien président déchu Omar al-Bachir. "Nous, au sein des Comités de résistance soudanais, avons appelé à appliquer une approche nationale basée sur les principes de transparence et de responsabilité et à assumer les responsabilités en tant que piliers fondamentaux pour la création d'un Etat qui aspire à une bonne gouvernance fondée sur la justice et le respect de la loi et la réalisation des aspirations du peuple à une vie décente", rappelle le CRS dans son communiqué, dénonçant la sourde oreille que font, depuis deux ans maintenant, les leaders des Forces de la liberté et du changement (FLC), un des acteurs majeurs de la transition en cours à Khartoum, face aux exigences politiques, économiques et sociales de l'heure dans le pays. "Malgré la volonté des comités de présenter l'intérêt national et de fournir des conseils à nos partenaires des Forces de la liberté et du changement, nos efforts se sont heurtés à un mur d'obstination, de négligence et de marginalisation de personnes que nous pensions être de véritables partenaires", note le communiqué du CRS qui critique avec virulence "le retard pris dans la formation du Conseil législatif" et la formation d'autres commissions devant faire toute la lumière sur les abus de pouvoir et les assassinats des manifestants durant la période de contestation anti-Bachir fin 2018-début 2019. "C'est pourquoi nous annonçons aujourd'hui ouvertement le retrait des Comités de résistance soudanais de la Charte des forces de liberté et de changement et de toutes ses implications politiques et juridiques", ont affirmé les membres des Comités de résistance soudanais, décidés à relancer leur révolution sur de nouvelles bases et en affichant des revendications visant à mettre fin au pouvoir des militaires qui président actuellement la première phase d'une transition qui bat de l'aile. Depuis décembre et malgré les frictions apparues au sein de l'opposition et des mouvements de la société civile avec leurs représentants au sein des autorités de transition, la révolution soudanaise a repris avec un changement de stratégie, s'adaptant à ce contexte de crise sanitaire, durant lequel les grandes manifestations sont interdites. Les actions de sensibilisation, pour ranimer la flamme de la révolution, se sont multipliées ses dernières semaines dans les quartiers de la capitale Khartoum et dans les autres grandes villes du pays, où la situation sociale a poussé, à la mi-janvier, des milliers de Soudanais à sortir dans la rue. L'augmentation des prix du pain et des carburants, à l'origine de la chute de l'ancien régime d'al-Bachir, a alimenté la colère des Soudanais qui estiment qu'il est plus qu'urgent aujourd'hui de revenir à la charge pour sauver ce qu'ils ont commencé il y a deux ans.