Les petits commerçants ont dû se résoudre à la vente à crédit, s'avérant vitale pour eux et pour les familles. Rabah est commerçant depuis plus de dix ans juste au rez-de-chaussée de sa maison, dans un quartier populaire d'Oran, à Emir-Abdelkader. Un jeune garçon vient d'acheter du lait, du pain et une demi-livre de lentilles. Après son départ, Rabah retire, de sous son comptoir, un cahier aux pages presque noircies à force d'avoir été manipulées et y coche sur une longue colonne le montant des achats. C'est le carnet de crédit qui revient en force dans maints quartiers populaires et chez les petits commerçants en première ligne sur le front de la crise sociale qui frappe les ménages algériens. De toutes parts, les petits commerçants ont majoritairement dû se résoudre à la vente à crédit. Même si cette pratique a toujours existé, elle a ces derniers mois pris des proportions exponentielles, s'avérant vitale pour les familles, y compris pour les commerçants. "La situation est devenue difficile pour tout le monde. Pour nous les petits commerçants de proximité, nous n'avons pas d'autre choix que de vendre à crédit. Il faut bien s'entraider d'une certaine façon", explique un autre commerçant d'un autre quartier. Et notre interlocuteur, en fin observateur de la société, rajoute que les achats se limitent désormais au strict nécessaire avec une prédilection pour les légumes secs, les poids-chiches, les lentilles, parfois les pâtes et bien sûr le couscous. "Sur la table de chez mes voisins, je sais que souvent c'est du couscous ou du berkoukess au lait qui se pose, ou parfois de la karentica en guise de repas", déclare, inquiet, notre interlocuteur. Cette situation, bien qu'elle ne fasse pas l'objet d'enquête de ménages ou socioéconomique, reste un indicateur visible de l'appauvrissement des familles avec la crise sanitaire de Covid-19, qui a fait perdre bien des emplois, impactant les revenus et les ressources financières des familles algériennes. Aujourd'hui, la recherche de revenus, comme investir le commerce informel sur les trottoirs d'Oran, est la solution, avec son extrême la mendicité. Et cela se vérifie encore par le témoignage de bénévoles de groupes de bienfaiteurs anonymes qui se mobilisent sur les réseaux sociaux. "La situation est très difficile. Dans notre groupe, nous le voyons, nous avons des sollicitations qui ont augmenté de 50%, pour apporter une aide à des familles dans des quartiers pauvres, des communes rurales. Parfois, c'est carrément pour les aider à manger ou avec des vêtements pour les enfants", nous confie Amina, bénévole et bienfaitrice. Aujourd'hui, l'entraide et la solidarité sont les seules choses qui, ici, évitent un tant soit peu l'effondrement total des familles.