Bejaia: une caravane du CSJ à Akbou    Boughali rencontre à Mascate les ministres omanais des Transports et de l'Energie    Championnat d'Afrique des clubs vainqueurs de coupe de handball (quarts de finale dames): Le HCBC El Biar éliminé par Petro Atlètico    Championnat d'Afrique des clubs vainqueurs de coupe de handball: l'Espérance de Tunis en demi-finale    Le ministre de la Santé insiste sur la "transparence" et la "rigueur" dans l'élaboration du cahier des charges concernant les équipements médicaux    Sidi Bel Abbes : transformer le théâtre universitaire en un produit commercialisable    Air Algérie: une nouvelle offre dédiée aux familles algériennes pour les vacances d'été    Match USMA/RS Berkane: la décision de la CAF attendue au plus tard mercredi    Violation du droit international au Sahara occidental : les Sahraouis de France appellent à protéger les civils    Justice: Tabi souligne l'importance de maîtriser la numérisation    Coupe d'Algérie (1/2 finale-MCA-CSC): un plan pour détourner le trafic automobile autour du complexe olympique Miloud Hadefi d'Oran    Ghaza: plusieurs martyrs et des dizaines de blessés au 200e jour de l'agression sioniste    Hadj: reprise mardi de l'opération de réservation de billets pour les hadjis voyageant avec l'ONPO    « C'est Israël qui a attaqué l'Iran avec son consulat à Damas, il y a eu 16 morts dans la frappe aérienne »    35 nouveaux bus au profit d'Adrar    De profondes réformes s'imposent pour devenir un pays émergent    L'Algérienne des eaux à Mostaganem Perturbation dans l'alimentation en eau potable dans les 32 communes    Médiature de la République: de nouvelles plateformes pour une meilleure prise en charge des préoccupations des citoyens    Plus de 50 % des périmètres agricoles du pays raccordés au réseau électrique    Génocide à Ghaza : Manifestation en République Tchèque    Des opérations d'aménagement et de réalisation de routes à Souaflia    Moutons importés de Roumanie    1.785 comprimés de Prégabaline interceptés et deux suspects arrêtés    « L'Occident s'est engagé sur la voie du suicide collectif »    Réception en l'honneur des artistes    Mouloudji préside le lancement d'une formation pour les cadres de la DGSN    L'amphithéâtre du ministère de la Santé baptisé du nom du défunt moudjahid Pierre Chaulet    Le président de la République regagne Alger    L'Algérie participe au 38e Salon international du livre de Tunis    Témoignage. Printemps Amazigh. Avril 80    Les participants saluent la très bonne organisation de la compétition    Coupe d'Algérie Mobilis 2024 : Désignation des arbitres des demi-finales    L'ASVB en quarts de finale, le WAT éliminé    La classe politique bouge    Les plans subversifs du mouvement terroriste ''Rachad'' et ses liens avec le terrorisme international dévoilés    Colloque international «Cheikh Abdelkrim Dali» du 25 au 27 avril    Assurer un climat d'affaires sain, serein et stable        L'ORDRE INTERNATIONAL OU CE MECANISME DE DOMINATION PERVERSE DES PEUPLES ?    Le Président Tebboune va-t-il briguer un second mandat ?    L'imagination au pouvoir.    Le diktat des autodidactes    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    El Tarf: Des agriculteurs demandent l'aménagement de pistes    Ils revendiquent la régularisation de la Pension complémentaire de retraite: Sit-in des mutualistes de la Sonatrach devant le siège Aval    Coupe d'afrique des nations - Equipe Nationale : L'Angola en ligne de mire    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



"La raffinerie d'Augusta est une mauvaise acquisition"
Mourad Preure, expert pétrolier et président du Cabinet Emergy
Publié dans Liberté le 07 - 03 - 2021

Mourad Preure, président du cabinet Emergy, estime dans cet entretien que le prix auquel a été rachetée la raffinerie d'Augusta (Italie) est "élevé", expliquant que, dans une Europe où le raffinage est en crise, on pouvait "faire mieux" à ce prix-là. Preure relève que l'opportunité de cette acquisition "n'aurait jamais dû franchir tous les obstacles dans la chaîne de décision...
Liberté : Pour beaucoup d'experts, la compagnie nationale des hydrocarbures a fait une mauvaise affaire en rachetant pour 700 millions de dollars la raffinerie d'Augusta, vieille de 70 ans. Quel est votre avis sur cette transaction ?
Mourad Preure : Incontestablement, on pouvait faire mieux. Le montant de la transaction est élevé, considérant la qualité de la cible acquise (âge, état des installations, investissements à réaliser, etc.). À ce prix, on pouvait avoir mieux, sachant que le raffinage européen connaît une crise de surcapacités et que des cibles de meilleure qualité étaient et sont disponibles sur le Continent.
Quelles sont les anomalies dans cette opération de rachat ?
Sonatrach a consenti au vendeur, la filiale locale d'ExxonMobil, des facilités (enlèvement des lubrifiants sur dix ans) qui grèvent encore plus la qualité discutable de la cible. En outre, la question essentielle est l'adéquation de l'acquisition avec la stratégie de Sonatrach, soit augmenter nos capacités de raffinage dans une logique d'intégration verticale avec pour but de satisfaire la demande nationale et valoriser notre pétrole en l'exportant sous forme de produits raffinés. Il s'avère que cette raffinerie est conçue pour traiter un pétrole moyen à lourd, alors que notre pétrole est parmi les plus légers
(44° API). Elle ne peut donc pas traiter notre pétrole et doit être alimentée par du pétrole moyen-oriental pour lequel elle a été conçue.
Là, il s'agit d'une erreur stratégique discriminante. L'acquisition est incontestablement mauvaise. Sur un autre registre, le coût d'acquisition m'apparaît excessif. En Europe, le raffinage est en crise. Je sais que des raffineries de 5 millions de tonnes/an avec extensions pétrochimiques et facilités de stockage sont proposées à l'euro symbolique, simplement pour préserver les emplois. Près d'un milliard d'euros pour une raffinerie âgée de soixante-dix ans, je trouve que l'on aurait pu mieux négocier. Mais, plus fondamentalement, l'opportunité de cette acquisition n'aurait jamais dû franchir tous les obstacles dans la chaîne de décision tant elle n'est pas convaincante. Et là, ce n'est pas un homme ou deux, ou trois qu'il faut responsabiliser dans cette grave erreur stratégique ; c'est une chaîne de décision qui va au-delà de l'assemblée générale de Sonatrach qui est en cause et qui doit être reconsidérée. Le sommet de cette chaîne, sous l'autorité du chef de l'Etat, est le Haut-Conseil de l'énergie dont l'impérative et urgente nécessité apparaît ainsi au grand jour.
Par cette acquisition, Sonatrach voulait diversifier ses actifs à l'international en investissant dans l'aval. Qu'en pensez-vous ?
Le propre de l'industrie pétrolière est d'être intégrée verticalement, du puits à la roue, depuis les gisements jusqu'au raffinage et à la distribution. La raison est qu'il y a une anti-corrélation des profits entre l'exploration-production et le raffinage-distribution. Lorsque les prix du pétrole sont élevés, la production est bénéficiaire, alors que le raffinage voit ses marges baisser, car le prix à la pompe, qui n'est pas élastique, est contenu par la réglementation et la fiscalité. Lorsque les prix du pétrole baissent, le raffinage réalise de fortes marges, alors que la production souffre. Donc, les compagnies s'intègrent naturellement vers l'aval. Le problème aujourd'hui en Europe est la baisse de la consommation des carburants, concurrencés par l'électromobilité, et la concurrence des raffineries situées dans l'ancienne Union soviétique, dans le Golfe et en Asie. La conséquence est la fermeture de nombreuses raffineries en Europe. La consommation pétrolière de l'UE est passée de 15 Mbj en 2005 à 12,9 Mbj en 2019.
La capacité de raffinage est passée de 15 Mbj en 2005 à 14 Mbj en 2019. Cela signifie que les capacités de raffinage sont saturées en Europe et qu'il est illusoire de convoiter durablement ce marché avec cette acquisition. La concurrence venant de Russie et des anciennes républiques soviétiques, dont la capacité de raffinage excède fortement la demande interne, est très forte, sans compter le raffinage moyen-oriental. Au lieu de construire des raffineries en Algérie avec, à la clé, un investissement de 3 milliards de dollars minimum, Sonatrach se devait d'en profiter, mais intelligemment. Voilà qui souligne les graves erreurs stratégiques commises avec cette vieille raffinerie qui constitue, désormais, le problème et non pas la solution.
La concurrence dans l'aval pétrolier est forte. Sonatrach est-elle suffisamment outillée pour une meilleure adéquation de l'outil de raffinage avec l'évolution du marché ?
Dans l'industrie pétrolière, il y a deux grands impératifs antagoniques : un impératif structurant de long terme qui impose d'anticiper, d'avoir une lecture intelligente, visionnaire et volontariste des tendances lourdes à l'œuvre ; un impératif de forte adaptabilité, d'agilité, pour résister aux dépressions, caractéristiques à cette industrie et tirer avantage des crises pour renforcer sa position concurrentielle. Le ralentissement des investissements de Sonatrach en amont (dans l'exploration-production), quinze ans durant, a eu pour conséquence, aujourd'hui, un déficit en volumes (gaz et pétrole). L'acquisition de cette raffinerie n'a fait qu'aggraver les choses. Comme pour toute compagnie pétrolière, l'intégration vers l'aval pétrolier, y compris international, doit être un axe fort pour Sonatrach. Ce faisant, elle se couvrira contre le risque prix, valorisera une part plus importante de son pétrole et donc accédera à plus de marge en aval. Il est donc logique qu'elle fasse des acquisitions de raffineries. Mais en prenant en compte la concurrence qu'elle devra subir sur le marché final.
Sonatrach ne doit absolument pas rester sur la défensive ; elle doit avoir une posture proactive et s'imposer parmi les acteurs qui font le changement. Ce faisant, elle retrouvera sa culture originelle, la culture du défi, du challenge, et s'ouvrira de réelles perspectives stratégiques autant dans le raffinage en Europe, mais aussi et surtout dans la transition énergétique. Car, la sévérisation des normes environnementales et la concurrence de l'électromobilité vont façonner le paysage pétrolier européen de demain. Sonatrach ne doit pas être en reste.
Elle a la stature, la qualité de signature pour construire des partenariats stratégiques avec les leaders technologiques européens des énergies renouvelables aujourd'hui en crise du fait de la violente concurrence asiatique. En s'appuyant sur les entreprises et les universités nationales, elle a une fenêtre d'opportunités pour devenir un leader mondial dans la transition énergétique. Pour cela, elle bénéficie des avantages comparatifs naturels de notre pays, ensoleillement exceptionnel, ressources importantes en gaz, en terres rares (cobalt, lithium, etc.), mais aussi en silice pour rentrer dans la filière du silicium et orchestrer le développement des entreprises, universités et recherches nationales et fabriquer des cellules photovoltaïques, des batteries lithium-ion, etc.
Comment la compagnie nationale des hydrocarbures pourrait investir tout au long de la chaîne gazière pour pouvoir faire face à la concurrence ?
Depuis 1995, sous l'égide de l'Union européenne, le marché gazier européen s'est libéralisé avec, désormais, le développement d'un marché spot et une coexistence de logiques de court terme avec les contrats de long terme indexés sur les prix pétroliers avec une clause de take or pay. Tout naturellement, les marchés spots de court terme se sont imposés et tendent à orienter le marché gazier européen et les prix. Cela d'autant que le marché gazier européen est devenu excessivement compétitif avec une demande conjoncturellement baissière et des nouveaux entrants très agressifs : le Qatar qui vient de porter sa capacité de liquéfaction à 100 millions de tonnes/an (MTA), les Etats-Unis qui ont une capacité de 105 MTA approuvée par le Congrès, mais aussi l'Est méditerranéen et, demain, l'Ouest africain et l'Iran. La Russie est en train de doubler la capacité de son gazoduc Northstream à 110 milliards de m3 (Gm3).
Face à cela, nous avons une capacité de liquéfaction de 24 MTA et nos exportations ont tout juste atteint 51 Gm3. Pourquoi ? Parce que le développement gazier a été arrêté quinze ans durant, que nous avons surexploité nos gisements, dont Hassi R'mel, et qu'enfin, la pression de la demande interne (46 Gm3) menace, à terme, de nous exclure en tant qu'exportateur de gaz. Le résultat immédiat est que nous n'avons pas de volumes pour défendre nos parts de marché en Europe qui sont passées de 16% en 2010 à 8% aujourd'hui. Dans tous les cas de figure, notre potentiel gazier exceptionnel, la fiabilité de nos approvisionnements, ainsi que notre proximité avec le marché européen nous qualifient pour être à l'avenir le grand fournisseur gazier de l'Europe.
Nous ne pouvons, cependant, pas nous confiner au rôle étroit et extrêmement fragile d'exportateur. Sonatrach doit s'engager activement dans les tendances structurantes du marché gazier mondial dont celui européen, opérer sa mutation vers une compagnie énergétique et s'intégrer dans l'aval gazier et la génération électrique en Europe. Elle doit accéder au client final sur le continent et lui fournir molécules de gaz, carburant pour les véhicules et kilowattheures pour les entreprises, les particuliers et les véhicules.
Ce faisant, elle maîtrisera et le risque volume et le risque marché dans la commercialisation de son gaz, renforcera sa position concurrentielle... L'Etat doit peser de tout son poids pour soutenir Sonatrach, afin qu'elle réussisse cette manœuvre stratégique, y compris et surtout (à l'instar de ce que font tous les pays producteurs avec leurs compagnies nationales) en l'incluant dans sa chaîne diplomatique.
Entretien réalisé par : Youcef Salami


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.