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"Les inégalités régionales et sociales sont profondes"
Mohamed Mebtoul, sociologue
Publié dans Liberté le 25 - 03 - 2021

Liberté : À la pandémie de Covid-19 se sont greffés les effets d'une crise économique aiguë (grèves sectorielles, brusque hausse des prix des produits alimentaires...). Quel impact cela peut-il entraîner sur la société algérienne ?
Mohamed Mebtoul : La notion de "crise" a été à ce point banalisée, moralisée, traitée comme si elle venait de nulle part, "naturalisée", "normalisée" ou, plus paresseusement, dans un discours se voulant plus "consensuel", mais trompeur et réducteur, consistant à produire de la stigmatisation collective. "Nous sommes tous responsables." On oublie pourtant que la crise ne date pas d'aujourd'hui, à moins de vouloir effacer son historicité qui relève d'une construction politique majeure à l'origine de la façon d'instituer la société (Mouffe, 2016).
Nous avons besoin de distance critique pour mettre en lumière les enjeux économiques, sociaux et politiques qui se sont cristallisés profondément dans une société sous-analysée, non reconnue politiquement, assujettie à de mauvaises greffes opérées par injonctions émises par un pouvoir d'ordre. Celui-ci a accaparé indûment l'hégémonie du politique. Il n'y a pas d'économie en soi, neutre et strictement technique, occultant ses impositions politiques qui ont produit une économie politique de l'extraction et de la prédation. La crise globale est indissociable de la production politique des violences à la fois institutionnelles connectées à celles de l'argent et du chômage accentuées par la crise socio-sanitaire.
Les inégalités régionales et sociales dans le champ de la santé, par exemple, sont profondes, structurelles et politiques. Il ne suffit pas de décréter des injonctions pour changer la société. Celle-ci est plus complexe. Elle est travaillée depuis des décennies par des réseaux de connivence informels (Mebtoul, 2018). Elle est prisonnière d'un mépris institutionnalisé (Mebtoul, 2015), qui sous-entend que les institutions fonctionnent moins à la norme qu'aux relations personnalisées.
Autant d'éléments qui ont favorisé l'inversion politique des valeurs liées au travail, à la compétence, lui substituant la ruse, les détournements, la jouissance du pouvoir liés à l'appropriation rapide d'un statut plus octroyé que mérité, résultant de l'allégeance et de la cooptation.
À ce titre, la crise est très profonde. La normalisation politique reproduit "une informalisation des rapports sociaux, une fragmentation sans précédent du champ des règles et des normes, et un processus de désinstitutionnalisation qui n'a pas épargné l'Etat lui-même" (Mbembe, 2015).
Quel regard portez-vous sur la gestion de la crise multidimensionnelle que l'Algérie vit ces dernières années ?
La gestion de la crise est sécuritaire, patriarcale et administrée. Elle efface toute régulation contractualisée et régionalisée ; ce qui aurait supposé un autre fonctionnement du politique proche, crédible et reconnu par les populations. Le faible ancrage des pouvoirs et des "représentants" locaux dans les différents espaces sociaux traduit la fragilisation des rapports noués avec la population. Les responsables locaux sont plus soucieux de répondre rapidement aux injonctions politico-administratives du pouvoir central. Dans ces conditions sociopolitiques où tout semble provenir d'en "haut", privilégiant la verticalité, ("nous avons décidé"), le désordre de vie antérieur à la crise sanitaire se reproduit à l'identique : des ordures déposées à même le sol, le débordement des égouts rarement nettoyés, la vente du pain dans des paniers déposés dans les espaces extérieurs. Les pesanteurs, les incertitudes et les tensions au cœur du fonctionnement quotidien des institutions sont prégnantes.
Par exemple, l'absence de liquidités financières pour payer les retraités collés les uns aux autres, attendant des heures, dans les différentes postes, les pénuries d'eau encore nombreuses, sont autant de situations qui montrent que le nouvel ordre de vie lié à la pandémie de Covid-19 est loin d'avoir émergé dans les différents quartiers. La crise socio-sanitaire représente pourtant une opportunité majeure pour une refonte du politique par le bas, ouvrant un champ du possible pour mobiliser et libérer les énergies, les nombreuses compétences politiques qui se sont révélées durant le Hirak (Mebtoul, 2020), de mettre en place une prévention socio-sanitaire qui ne soit pas une "dictée", mécanique et unilatérale des normes sanitaires, mais, au contraire, qui puisse réhabiliter dans la société "une éthique délibérative" (Peretti-Watel, Moatti, 2009).
Les scènes d'enfants nettoyant les pare-brise des voitures aux feux rouges ou d'adultes explorant les poubelles semblent se multiplier. Doit-on craindre une précarisation plus importante de la société ?
Il est, en effet, banal d'observer dans la société une accentuation des vulnérabilités sociales. Encore faut-il leur donner une signification profonde liée, notamment à une perte profonde de dignité de la personne. Elle radicalise la marginalisation sociale et politique des personnes sans ressources financières et relationnelles. Mais la vulnérabilité sociale est aussi productrice de honte face aux regards des autres. La honte, nous rappelle le sociologue clinicien De Gaudejac (1989), est "un sentiment dont la genèse est fondamentalement sociale, lié au regard d'autrui, au sentiment d'être différent des autres, à la sensation d'être invalidé au plus profond de son être". Il semble important de dépasser le discours moral sur la vulnérabilité sociale pour la mettre politiquement en perspective. "La vulnérabilité n'est pas simplement un état ou une disposition subjective, elle est toujours liée à un objet, à une perspective, à un monde qui affecte (et qui, en ce sens, est un phénoménologiquement intentionnel)" (Butler, 2019).
Propos recueillis par : Samir Ould Ali


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