Liberté : Comment définissez-vous l'autisme ? Salah Ameur : Autrefois considéré comme une maladie rare et sévère, l'autisme est devenu un syndrome incluant une grande variété de troubles et de situations de handicap. Les troubles du spectre autistique (TSA) incluent aujourd'hui aussi bien des sujets sans langage présentant des formes sévères d'autisme que des personnes avec des capacités langagières et cognitives, mais des difficultés de communication et d'interaction sociales, des comportements répétitifs et des intérêts restreints (syndrome d'Asperger, autisme de haut niveau ou autisme "léger"). Les symptômes autistiques varient considérablement d'une personne à l'autre et peuvent changer avec le temps. Quels sont les obstacles qui jalonnent le parcours des soins des enfants autistes ? Les sources de tracas et d'épuisement liés à l'autisme sont nombreuses et variées. Le stress, la fatigue, le découragement, les difficultés à comprendre son enfant, le combat pour l'inclusion à l'école et l'obtention d'aide et/ou de services, l'arrêt de l'activité professionnelle ou la demande d'un temps partiel, les relations difficiles avec certains professionnels, les tracas administratifs, les multiples déplacements, les coûts financiers des services privés, les longues listes d'attente, les tensions au sein du couple, la dépression, l'isolement, le regard des autres, le souci pour le devenir et l'avenir de leur enfant. Si l'épuisement et les difficultés sont le lot de presque toutes les familles, les revendications changent en fonction de leur expérience et de leur situation. Les parents de milieux populaires réclament des établissements publics spécialisés quand l'école refuse leurs enfants. Comment se passe la scolarisation des enfants autistes ? Professeurs pas formés, structures spécialisées insuffisantes, voire inexistantes : la scolarisation des enfants autistes reste très difficile, et les parents doivent y faire face, presque seuls. De la naissance jusqu'à 6 ans, les parents se débrouillent comme ils peuvent pour prendre en charge leurs enfants. Mais après, le principal obstacle est l'école. On ne va pas pouvoir le scolariser. Si l'enfant est en retrait mais plutôt "calme", il va pouvoir être accepté, mais en cas d'agitation et de problèmes de comportement, il devra rester à la maison. L'écolier autiste et ses parents font face également à l'indulgence des parents des autres élèves. La liste des personnes entravant le parcours des autistes est encore longue. Le directeur d'école peut aussi compliquer la scolarisation de l'enfant. Pour tous les problèmes cités, certains parents se dirigent vers l'école privée. Là aussi, la situation n'est pas facile. Le coût de la prise en charge n'est pas à la portée de tous les parents, et ce, dans le cas où ils trouveraient une école qui accepte leurs enfants. Les témoignages des parents corroborent ceux des professionnels sur le constat de parcours lacunaires, morcelés et chaotiques. Ils informent sur tout le travail et l'énergie qu'ils doivent fournir pour trouver des solutions et accompagner leur enfant. L'éducation nationale a envers eux, comme envers tous les enfants, une obligation de scolarisation, qui passe en général par l'accueil de ces enfants en classe d'intégration scolaire. Mais, le plus souvent, par manque de places ou opposition de certaines personnes, les parents doivent s'occuper seuls de leurs enfants. À Bordj Bou-Arréridj, sur les 187 enfants recensés auprès de la DAS, 70 seulement ont trouvé une place à l'école. Cette dernière, même si elle ne rend pas pleinement sa mission envers cette frange de la société, permet au moins aux parents, pour un bref moment, de se soulager de la charge. Nous attendons de l'éducation nationale de former le personnel scolaire, qu'elle considère les enfants atteints de troubles du spectre de l'autisme comme les autres élèves scolarisés (prime de scolarité, cantine, livres scolaires...). Pour la DAS, plus d'agents spécialisés pour accompagner les enfants dans leur scolarité et les activités. La scolarisation au primaire est déjà difficile, mais la suite l'est encore plus. À chaque étape de la scolarisation, le nombre d'enfants autistes scolarisés chute. À l'arrivée au collège, il y a un réel goulet d'étranglement. Les unités pédagogiques d'intégration restent trop peu nombreuses ou inexistantes. Quels sont les autres problèmes auxquels sont confrontés ces handicapés et leurs familles ? Un autre problème très important se pose, surtout dans les familles rurales, qui cachent leurs enfants atteints de troubles du spectre de l'autisme. Pour eux, avoir un enfant handicapé est une malédiction. Plusieurs régions à Bordj Bou-Arréridj n'ont même pas de classe spéciale pour ces enfants. Il faut changer les mentalités en aidant les familles et la société à bien connaître cette maladie. Il faut aussi apporter l'aide financière et matérielle aux familles pour assurer une bonne prise en charge de ces enfants.