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"Naître en France n'empêche pas d'avoir les yeux tournés vers l'Algérie"
Nadia Henni-Moulaï, écrivaine et journaliste
Publié dans Liberté le 17 - 11 - 2021

Nadia Henni-Moulaï travaille beaucoup sur les questions de l'émigration. Dans cet entretien, elle aborde des aspects de son livre et commente des sujets d'actualité.
Liberté : Dans votre livre, Un Rêve, deux rives, vous racontez vos deux identités, française et algérienne, en utilisant un récit familial. Comment vous en est venue l'idée ?
Nadia Henni-Moulaï : Cette idée a été omniprésente durant mon parcours. En tant que Française issue de l'immigration maghrébine en France, j'ai toujours eu le sentiment d'avoir une place un peu particulière, un peu bancale. Naître et grandir en France n'empêchent pas d'avoir les yeux tournés vers l'Algérie à travers les parents, leur histoire. C'est quelque chose qui fait partie de mon identité. Cette double culture, le fait de s'interroger sur sa place, en France ou en Algérie, est constant. On le voit aussi dans les yeux des autres qui ont toujours tenté de nous définir. En France, je suis "issue de" et en Algérie, "l'immigrée". Ces deux identités ont toujours cohabité plus au moins paisiblement. C'est un enjeu pour nous qui sommes à cheval entre différentes cultures, différents pays et différents enjeux, parfois opposés.
Dans le livre, cette double vie apparaît quasiment dans tous les chapitres. Mais c'est surtout à travers la vie de votre père qu'elle est le plus illustrée. Comment la vie d'un simple ouvrier peut-elle être le miroir d'une partie d'une population, celle des immigrés, dans votre cas ?
Avec les débats obsessionnels qui traversent la société française depuis plusieurs années, sa droitisation, les refrains autour de l'identité, de l'universalisme, de la "loyauté" républicaine, je me suis sentie en flottement dans mon pays. Comme si ma place reposait sur des fondations fragiles et était perpétuellement illégitime.
Suis-je Française ou Algérienne ? Est-ce que je suis les deux ? est-ce que je suis journaliste ? Est-ce que j'écris uniquement sur des sujets liés à mes origines ? Suis-je une militante ? J'étais dans une phase où je me suis beaucoup questionnée. Finalement – et c'est ironique – l'histoire de mon père m'a permis de mieux m'ancrer dans cette histoire franco-algérienne. Je me définis comme une hybride, à ma place nulle part et partout. Remonter le fil de l'histoire familiale, jusqu'à celle de mon grand-père né en 1866 et mort en 1936 – il n'a donc jamais connu l'Algérie libre – puis celle de mon père m'a resituée dans cette histoire complexe française et algérienne.
Il est vrai que quand on lit mon livre, on voit que mon père était un Algérien, qui avait l'amour de la patrie jusqu'à accomplir des actes très risqués, voire sacrificiels, pendant la guerre d'Algérie. En même temps, c'est quelqu'un qui a eu une trajectoire très française puisqu'il est resté pendant trente ans en France. Quand il arrive en 1948 en métropole, il n'est pas dans un exil économique comme celui des années 1970, par exemple. Il émigre en France parce qu'il veut être dans "le centre du monde", qui était d'abord Alger puis la métropole, particulièrement Paris.
Au moment où le débat sur l'identité refait surface en France, pensez-vous que les binationaux sont victimes d'une histoire qu'ils ont plus subie, comme vous le suggérez dans votre livre ?
J'ai souvent dit que j'étais un accident de l'histoire. Moi et d'autres enfants issus de l'émigration, on nous a toujours fait sentir qu'on était presque de trop en France, à travers les débats sur l'identité nationale. Mais un accident peut avoir une finalité heureuse.
Dans Un Rêve, deux rives, j'ai voulu écrire, non pas une histoire de victime mais une histoire héroïque. C'est important de retourner le stigmate. Il est vrai que mes ancêtres ont été victimes de la colonisation française, qui était un système inégalitaire, raciste et violent, à l'opposé des idéaux républicains. Mais il a fallu ce livre pour que je me rappelle que mon père était un colonisé. Parce que dans la narration qu'il a faite auprès de ses enfants, il ne s'est jamais présenté comme une victime de l'histoire. Et moi, j'essaie de m'inscrire dans cet héritage : j'ai été victime, à des moments donnés, de racisme dans ma trajectoire, même si je ne l'ai jamais vécu de manière directe, même si les mécanismes de la discrimination sont systémiques et souvent silencieux. Pour autant, je ne me définis pas comme une victime.
Dans votre récit, vous faites le lien entre la guerre d'indépendance et le Hirak. Pourquoi ?
Ce lien est, pour moi, évident. Il est vrai que le Hirak a été provoqué, directement, par la volonté de Abdelaziz Bouteflika de briguer un cinquième mandat. Mais très vite, on a bien vu briller, dans les manifestations, au-delà de "silmia", les slogans liés à la Révolution algérienne, à la Guerre d'indépendance. J'ai eu le sentiment que ce mouvement était une volonté de remettre les compteurs à zéro et de revenir à ce qu'avait l'été 1962. C'est cette dynamique et ce souffle de la guerre d'indépendance que les Algériens voulaient retrouver à travers ce Hirak, au-delà du rejet du cinquième mandat.
Le Hirak a créé une sorte de sursaut. Ce mouvement de révolte a-t-il créé, selon vous, un espoir d'une Algérie plus démocratique ?
Les gens écrivent souvent, à propos du Hirak, que "l'Algérie se réveille enfin". Je pense qu'au contraire, les Algériens ne se sont jamais endormis. Ils étaient pris dans un réflexe de survie, dans leurs préoccupations quotidiennes. Et puis, il y a plusieurs façons de résister. Après la décennie noire, les Algériens et les Algériennes ont fait preuve de résilience. En soi, c'est une forme de lutte.
A un moment donné, on s'était effectivement tous mis à rêver de l'Algérie, ce pays de l'autre côté de la Méditerranée, vers lequel des Franco-Agériens ou d'autres pourraient développer des affaires ou carrément émigrer ou s'expatrier. On a toujours eu cette idée que l'Algérie pourrait devenir un eldorado. C'est cette fenêtre qui s'est ouverte en 2019.
A un moment, il y a eu une espèce d'appel d'air avec cette foule dans les rues d'Alger, ces sourires. Cela a créé de l'espoir. Malheureusement, personne ne peut dire quelle est la portée du Hirak.

Propos recueillis par : Ali Boukhlef


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