L'écrivain a animé mardi dernier, en présence des étudiants et enseignants de l'Ecole supérieure algérienne des affaires, une rencontre ayant pour thème "La culture comme levier de singularité". L'écrivain Yasmina Khadra était l'invité de l'Ecole supérieur algérienne des affaires (ESAA) pour animer une rencontre ayant pour thème "La culture comme levier de singularité". Malgré la tenue du match de l'équipe nationale face au Burkina Faso, les étudiants et enseignants ont répondu présent à ce rendez-vous littéraire, qui a eu lieu mardi à 16h. Sur cette invitation, l'auteur de L'Attentat était "étonné" et "heureux" d'apprendre que l'ESAA veuille le rencontrer, expliquant : "J'ai rencontré beaucoup d'entrepreneurs algériens à l'étranger, et je trouvé qu'ils ont une véritable ambition et surtout une véritable vocation dans les affaires. Je souhaite les voir investir dans ce pays et d'être ce que nous avons toujours rêvé : un bijou dans le bassin méditerranéen." Concernant la thématique de cette rencontre qu'il trouve "intéressante", la singularité signifie pour Yasmina Khadra "ce qu'on a de plus authentique en nous ; qui nous caractérise, nous personnifie et nous identifie entre mille personnes. Extrait de la visioconférence de Yasmina Khadra à l'Ecole Supérieure Algérienne des Affaires (ESAA) La singularité devrait servir à quelque chose ; qu'elle aille chez les autres ; qu'elle partage une part d'elle-même ; qu'elle s'abreuve dans la part des autres". Et à l'écrivain de poursuivre : "Et c'est peut-être cela le vrai travail d'un écrivain. Ce n'est pas seulement raconter une histoire, mais faire découvrir le monde. Et j'espère que dans mon pays, la littérature trouvera sa place, car elle est le seul socle capable de porter notre singularité à tous, notre algérianité." Se prêtant au jeu des questions-réponses de l'assistance, il est revenu sur son rapport à l'écriture, ses romans et son parcours. À propos de la construction de ses personnages, à l'exemple de "Nafaa" dans À quoi rêvent les loups, il précise aimer se mettre dans la peau d'un antagoniste, car "j'ai pu surmonter ma propre infortune, et ce, en me focalisant sur celle des autres. Alors, j'ai appris à mieux m'attarder sur les frustrations, la colère et la peine des autres, et c'est peut-être cela qui a rejoint mon humanité". À cet effet, il n'a eu aucun mal à se "mettre dans la tête de Nafaa", car il représente, en quelque sorte, les jeunes Algériens de l'époque. "Là où j'habitais à Oran, je rencontrais des jeunes volontaires qui aidaient les gens autour d'eux. Un jour, ils ont disparu, nous avons appris qu'ils étaient dans les maquis ou même morts. Et ce sont ces personnages qui vivaient dans mes livres, je n'ai rien inventé !", souligne-t-il. D'ailleurs, à cette époque, il était engagé dans l'armée et son poste lui a permis "de pénétrer dans la tête de cette mouvance, cette nébuleuse qui nous a enténébrée. Je l'ai fait aussi avec Khalil, Kadafi et d'autres personnages. Cette façon de conjuguer à la première personne me permet d'habiter comme une seconde nature mon personnage". Au sujet de son écriture, il a insisté sur le fait de ne pas être un visionnaire, mais "à travers mes livres, j'essaie toujours de comprendre ce qui se passe autour de moi. Que le livre se situe au Mexique, aux USA où au Pakistan... c'est une époque que je conjugue pour essayer de discuter avec elle et de comprendre ce qu'elle me propose et où elle me situe". "J'ai été confisqué du monde, à l'âge de 9 ans, et à chaque fois que je voyage, j'absorbe le monde qu'on m'a confisqué. Cette façon d'absorber me permettait de rattraper ce qui m'a manqué", confie-t-il. En fait, dans ses romans, il se "dilue" dans le texte, ainsi, "le monde que j'ai observé et tout ce que j'ai emmagasiné reviennent en force et s'installent confortablement, tranquillement et naturellement dans mes textes". Interrogé sur le processus d'écriture, Yasmina Khadra a rétorqué : "Si je n'ai pas tout le processus dans ma tête, je ne commence pas l'écriture. Ce n'est pas l'imaginaire qui me tarabuste, mais la langue." Et d'expliquer : "Le problème de la langue est de comment parvenir à être clair, inventif, efficace. Aussi, comment lui insuffler ma sensibilité d'Algérien. J'ai horreur d'écrire comme les Français ; j'écris en français, mais je n'écris pas comme les Français. Car j'écris comme un Algérien très imprégné et forgé dans sa propre culture et sensibilité." Hana M.