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Mémoires anachroniques de l'Andalousie perdue
Publié dans La Nouvelle République le 31 - 05 - 2019

Les Nasrides cultivaient et entretenaient de beaux jardins. Ils en créaient même en dehors des murailles de l'Alhambra. L'un d'entre eux, certainement le mieux conçu, est le palais d'été du «Generalife», dont le nom proviendrait du nom Arabe de l'ensemble : «Jannat al-arifa».
Situé sur le flanc de la colline, à l'est des murailles de l'Alhambra, cet ensemble se compose de plusieurs corps de bâtiments entourés de jardins d'agrément et de jardins potagers. Le palais du «Generalife», possède un patio allongé pourvu d'un canal autour duquel se répartissent de petits jardins. Son système hydraulique qui agrémente le patio, lui confère, comme celui de la cour des lions, un charme particulier. Depuis les fenêtres du palais on découvre une vue sur la cité de l'Alhambra et une magnifique vue sur la ville de Grenade. Mohamed Chérif Izemis Abou Skander qui faisait état de toutes ces beautés, non sans revenir aux annales de l'Histoire, nous a fait découvrir des situations qui nous permettent de comprendre aisément pourquoi nos ancêtres n'ont pu rester plus longtemps encore ou, pourquoi pas définitivement, dans ce beau pays qu'ils ont si «passionnément» édifié. C'est alors qu'une question nous vient à l'esprit et que nous lui posons, comme si le dialogue nous est permis dans cette forme d'écriture. Faisons comme si la fantaisie nous autorise à prendre cette liberté. Posons-lui la question. - Mais est-ce que toute cette avance sur le plan de l'esprit, de la beauté architecturale, allait atténuer les difficultés que vivaient les Andalous et leurs souverains ? - Non ! Pas du tout – une réponse cinglante –, car à partir du début du XIIIe siècle, et pendant que les souverains musulmans s'enfonçaient dans leurs querelles et que leurs «Taïfas» et leurs grandes métropoles tombaient l'une après l'autre aux mains des chrétiens, ceux-là avançaient concrètement dans leur programme de reconquête et menaçaient l'Espagne musulmane de disparition. En moins d'une quarantaine d'années, l'Islam devait se défaire de la majeure partie de l'Andalousie. Ce bouleversement, plus encore, cette catastrophe, a eu comme conséquence de repousser les territoires musulmans à l'extrême sud de la péninsule Ibérique, qui constituera le dernier royaume musulman d'Europe occidentale, celui de Grenade qui aura ce privilège, si c'en était un, de sauver la mise. Et là, précisément, Izemis Abou Skander, se posera lui-même des questions auxquelles il répondra aussitôt. Ainsi, disait-il, l'on se demandera au cours de l'Histoire, pourquoi les Espagnols n'ont-ils pas essayé de reprendre ce royaume et le joindre aux autres, en profitant de leur marche dans cette impitoyable reconquête. Etait-ce à cause de sa situation géographique, dans ce sud rebelle, entre le Guadalquivir et la Méditerranée ? Etait-ce à cause du fait que les Castillans ne voulaient s'aventurer contre un royaume qui se trouvait tout près des Mérinides au Maghreb, une autre dynastie musulmane toujours prête à défendre ses proches ? Etait-ce à cause de cette mobilisation quasi-permanente des Andalous sous le régime nasride qui s'armaient constamment et qui étaient parés pour entrer en guerre à n'importe quel moment ? Ou était-ce enfin à cause de cet exode massif à Grenade de réfugiés andalous qui fuyaient leurs villes une fois celles-ci investies par les Espagnols, et parmi lesquels on comptait des savants, des hommes de lettres et des artisans de toutes obédiences qui contribueront à la grandeur de cette région d'accueil ? Du côté de l'ennemi, toutes ces considérations pesaient en effet. Mais du côté des Nasrides, les nouveaux maîtres de Grenade, il fallait garantir la pérennité de leur royaume. Ainsi, le roi Mohamed Ier fut obligé de signer un accord pour vingt ans avec Ferdinand III par lequel «il se déclara vassal de la Castille et León et accepta de payer un tribut en échange d'une paix de vingt ans». Et tout en s'engageant à l'aider contre ses ennemis – comprenez par-là contre des frères d'autres Taïfas – il l'a appuyé en 1248 avec un important contingent de troupes qui devait intervenir concrètement dans la reconquête chrétienne de Séville. Cet accord sera rendu caduc en 1264 par le roi de Grenade à la suite d'incursions chrétiennes dans les territoires musulmans et de la reprise des Castillans, sous l'autorité du roi Alphonse X, de certaines villes comme Cadix, Jerez et Niebla. Un deuxième accord de paix s'en est suivi avec le roi de Castille en septembre 1265, un accord qui devait contraindre Le souverain de Grenade à faire des concessions en cédant d'autres villes et forteresses importantes dont la plupart se trouvaient à l'ouest de l'Andalousie. Non satisfait de toutes les explications qu'il donne de cette époque, Izemis Abou Skander, ira plus loin encore dans les détails, nous faisant connaître les événements et leurs dates, pour que nous puissions saisir les raisons profondes qui ont amené les Andalous à montrer de piètres figures devant ceux qui étaient décidés à s'installer sur les terres qu'ils ont si bien rentabilisées et dans des villes qu'ils ont si magnifiquement édifiées. Dans son récit il n'oublie pas de s'appesantir sur des faits et des réalisations de grands érudits andalous qui ont marqué l'Histoire, à l'image de ceux qui les ont précédés pendant des périodes antérieures, et qui méritent d'être connus. Il continue sur sa lancée : De révolte en révolte, et de tumulte en tumulte, le dernier royaume de l'Andalousie voyait son fondateur disparaître en 1273 et laisser son héritier, son fils aîné Abou Abdallah Mohamed II, surnommé El-Fâqih, monter sur le trône de Grenade. Le nouveau souverain a géré difficilement la venue des Maghrébins en territoire ibérique, une venue qui entrainera de nouvelles guerres entre la Castille, les Nasrides et les Mérinides. El Fâqih, comme son nom l'indique était un grand érudit, doublé d'un souverain sage et plein de clairvoyance. C'est à lui que revient la construction d'un véritable Etat à Grenade, un Etat sous ses différentes formes, politique, économique, administrative et, culturelle. N'était-ce pas lui qui a eu le soin de terminer la construction de l'Alhambra de Grenade, après que son père a eu l'honneur d'entamer les premiers travaux ? Mais El Fâqih a vécu d'énormes déboires avec les Mérinides et les Castillans. Les Banou El Ahmar suivaient la même politique que leurs prédécesseurs, les souverains andalous, en utilisant la puissance berbère dans les équilibres politiques qu'ils instauraient avec l'Espagne chrétienne. Ils s'alliaient tantôt aux Mérinides, chaque fois qu'ils étaient contraints par les chrétiens, tantôt ils rompaient cette alliance quand ils voyaient leurs frères dans l'Islam prendre trop de liberté en intervenant dans leurs affaires d'Etat. Son règne a duré assez longtemps, jusqu'en 1302, une trentaine d'années au cours desquelles il a eu à conquérir et à s'allier pour contenir le mouvement d'alors qui s'imposait avec cette obligation de se montrer toujours fort. Son fils, Abou Abdallah, ou Mohamed III (El-Makhlou'), devint troisième émir de Grenade (1302-1309). Lui-aussi a été un grand savant, doublé d'un poète et d'un réformiste. Il réunissait autour de lui tous les intellectuels qui pouvaient apporter quelque chose à l'Andalousie et au monde islamique. Il a eu l'honneur d'édifier la belle mosquée de l'Alhambra. Parallèlement à cette activité politico-culturelle, il avait de sérieux problèmes avec le Maghreb des Mérinides, malgré les bonnes relations qu'il nouait avec eux à ses débuts, ce qui le forçait à contracter une alliance avec les Castillans. Il avait également d'autres problèmes avec les siens à cause de l'oppression de son Premier ministre Ibn El Hakim et de l'impact de celle-ci sur les populations, ce qui a fait éclater la situation dans le royaume et permis à son frère Nasr – qui était derrière tous ces mouvements de contestations – de déposer l'émir et monter sur le trône de Grenade en mars 1309. Mohamed III a goûté les effets rébarbatifs de la prison pendant cinq ans et est mort au cours de l'année 1313. Ainsi, Nasr Ibn Mohamed II s'est hissé sur le trône de Grenade en 1309 et devient son 4ème émir jusqu'en 1313. Il s'est distingué par les sciences et la culture, comme son frère, mais n'a pas réussi comme homme politique car, en son temps, beaucoup de dissidences et de mésententes ont vu le jour tout en s'amplifiant, et les populations en ont souffert énormément. Les événements de Ceuta ont envenimé les relations entre Grenade et Fès. Les populations de Ceuta n'ont pu supporter très longtemps les excès commis par les musulmans grenadins et, de là, ils ont reçu l'aide militaire du sultan Abou Er-Rabia Soleiman Ibn Yacoub, sous le commandement de Tachfin Ibn Yacoub, pour chasser la garnison andalouse et reprendre la ville de Ceuta. Cela s'est passé en juillet 1309, quelques mois après l'investiture de l'émir de Grenade. De l'autre côté, en péninsule Ibérique, les relations se détérioraient entre les Andalous et les Castillans et leurs alliés chrétiens, les Aragonais, par le fait que l'émir grenadin se sentait plus fort en se lançant dans une expédition dans la région de Valence, et en mettant fin par conséquent à ces traditionnelles relations de paix avec l'Aragon. Cette expédition a dû avoir de graves répercussions puisque des alliances systématiques se nouaient entre les chrétiens, ce qui leur a permis d'effectuer de dangereuses incursions dans le royaume de Grenade, mettant à nu les faiblesses de ce dernier, par la prise de la forteresse de Gibraltar en mars 1310. Cette imposante fortification servait de passage aux gens du sud – comprenez par-là aux gens du Maghreb – et devenait un point de liaison entre les deux royaumes, le Grenadin et le Mérinide. Là, bien sûr, après cet échec qui allait peser lourdement sur l'avenir de son royaume, l'émir de Grenade a compris la faute inexcusable qu'il venait de commettre, une faute qui a emporté l'estime et l'aide de ceux d'en face, les Banou-Mérine. Ainsi, il a dû leur faire d'énormes concessions, allant jusqu'à leur céder Algésiras, Ronda et ses fortifications. De plus, il a pris comme épouse la sœur du roi Soleiman Abou Er-Rabia, ce qui a apaisé ce dernier qui allait agréer cette politique de réconciliation et de rapprochement. Mais toutes
ces «ententes» et ces «libéralités» entre l'Andalousie et le Maghreb, pouvaient-elles vraiment inciter les Mérinides à aller dans le sens des Andalous comme ce fut le cas bien avant ? Non, puisque les contacts se faisaient de plus en plus rares à cause de deux raisons majeures. La première étant que la situation du Maghreb, elle-même très mouvementée, ne pouvait voir s'exercer cet élan de solidarité avec d'autres, la deuxième étant que les Castillans s'imposaient dans le détroit de Gibraltar qui représentait la seule ouverture sur l'Andalousie. La conséquence de cet embarras allait se matérialiser encore une fois par un rapprochement avec Ferdinand IV, et ainsi, l'émir de Grenade lui payait la capitation (djizya), ce qui ne pouvait plaire aux Grenadins. En même temps, le maître de la Taïfa de Malaga, Abou Essaïd Faradj, s'est rebellé contre le pouvoir du souverain Nasr et, dans son mouvement insurrectionnel, a pris quelques villes du sud. En 1313, il a marché sur Grenade, à la tête d'une forte armée, pour investir la capitale des Nasrides et mettre fin au règne de son émir. Ce qu'il a appliqué d'ailleurs, avec succès, du fait de l'hostilité que montraient les Grenadins à leur souverain. Le pouvoir revenait à Ismaïl 1er Ibn Faradj qui devenait le 5ème émir de Grenade (1313-1325). Lui-aussi, devait travailler dur pour asseoir son autorité et permettre à son royaume de vivre une période de calme et de sérénité. Cependant les Castillans ne voulaient renoncer à leur penchant expansionniste. Ils voulaient coûte que coûte s'attaquer à Grenade, dans l'espoir de l'occuper définitivement, mais les musulmans les ont stoppés tout près de la colline d'Elvira, en leur infligeant de lourdes pertes humaines et matérielles, en juin 1318. Ce revers ne restera pas l'unique puisque le souverain de Grenade, profitant des problèmes que vivaient ses ennemis les Castillans, entre autres la sécheresse, le profit qui animait les gens du sérail et la corruption de l'administration, le rigorisme que pratiquait l'Eglise ainsi que les pratiques malhonnêtes des juifs qui s'occupaient des affaires financières, leur assénait d'autres coups et leur faisait endurer deux autres débâcles en 1324 et 1325. Son règne s'est arrêté ainsi avec cette dernière victoire, et le lundi 8 juillet 1325, il devait succomber devant la porte de son palais, suite à un complot que lui avait tendu son cousin Mohamed Ibn Ismaïl, le maître d'Algésiras, et dont le mobile n'était qu'une belle jeune fille. Son fils, Mohamed IV prit le trône de Grenade, juste après le meurtre de son père. Il était le 6ème émir, il n'avait que onze ans, et les affaires de l'Etat se trouvaient entre les mains du conseiller et Premier ministre de son père, Mohamed Ibn Ahmed Ibn El Mahrouq. Ce dernier se comportait en despote, ce qui déplaisait au jeune émir qui s'en était débarrassé en novembre 1328 pour le faire remplacer par Abou En-Na'im Redhouane En-Nasri et qui n'était qu'un inféodé des Bani Nasr parmi les prisonniers castillans. Le jeune émir ne pouvait gouverner aussi facilement dans un climat rendu difficile par les complots, les divisions et les alliances avec ceux-là et d'autres, même s'il a eu l'honneur de reprendre, avec l'aide des Mérinides, le détroit de Gibraltar en 1333 et d'obliger le Castillan, Alphonse XI, à signer un accord de paix avec lui. De retour à Grenade, après avoir libéré la forteresse de Gibraltar, il a été tué sur son chemin par les Bani El ‘Ala, qui s'emparaient des affaires de l'Etat et qui espéraient prendre plus, c'est-à-dire le trône. Le jeune émir voulait s'en défaire de cette dangereuse situation. Ses antagonistes l'ont su et il ne leur restait que l'ultime solution : le devancer et mettre fin à ses jours. Alors, le mercredi 25 août 1333, la conspiration contre Mohamed IV a été mise à exécution. Youssef 1er, succédait à son frère aîné Mohammed IV. Il devient le 7ème émir de Grenade au moment où le royaume atteignait son apogée dans les domaines du commerce et des arts. L'alliance avec les Mérinides nouée du temps de son frère, ainsi que les bonnes relations avec la République de Gênes et le Royaume d'Aragon allaient encourager également les échanges commerciaux. Mais de l'autre côté, et malgré la menace permanente, l'indépendance à l'égard des Castillans s'affirmait de plus en plus. Youssef 1er n'avait que seize ans à son accession au trône. D'après le portrait qu'en a fait son Premier ministre Ibn El-Khâtib, il en imposait par sa dignité et sa prestance princière, par son intelligence et sa perspicacité qui lui permettaient de résoudre les problèmes les plus difficiles. L'émir, était un intellectuel et un artiste dans les vrais sens du terme, de même qu'il était un homme de création et un excellent urbaniste. Il était pratiquement le meilleur sur tous ces plans, dans la dynastie des Nasrides. N'a-t-il pas ajouté au palais de l'Alhambra beaucoup de beaux et magnifiques suppléments architecturaux ? Son nom n'est-il pas incrusté sur les murs du palais ainsi que sur ses fenêtres, partout, de l'entrée à la sortie ? Lissen Ed-Dine Ibn El Khâtib, investi d'une responsabilité politique privilégiée et en polygraphe et historien incisif, disait-on, écrivait de la période nasride : «La partie d'el-Andalus que laissa l'ennemi, après l'avoir dévastée et détruite, Allah l'a réunit sous des gens – l'élite des musulmans – qui habitaient la partie centrale de la région cordouane, dont l'occupation était la guerre sainte, son moyen de vie le labour de la terre, et le courage la qualité qui les avait rendus célèbres… Ils sont connus sous le nom de Banou Nasr. Ils raccommodèrent les déchirures, réunirent ce qui avait été dispersé et connurent inquiétudes et paix, résistance et concessions, guerre sainte et concorde». Cependant, la frénésie et le déchainement des convoitises et des intrigues ne pouvaient laisser aucun souverain en paix. A cela s'ajoutaient les voisins, tantôt ennemis, tantôt alliés. C'est pour cela que durant son règne, il fait appel aux Mérinides pour contenir les Castillans. Le Sultan mérinide Abou El-Hassen Ali n'était pas enclin à se laisser manipuler par les Nasrides qui ont renversé leurs alliances à plusieurs reprises. Mais il obtempérait enfin et envoyait son armée commandée par son fils Abou Malik qui passait le détroit de Gibraltar pour s'emparer d'Algésiras. La bataille navale devait précéder le combat à terre. L'escadre des Mérinides se voyait renforcer par seize navires hafsides, dépêchés de Tunisie. Le 5 avril 1340, les Mérinides faisaient leur entrée dans la baie d'Algésiras et vainquaient la flotte castillane, aidée par celles d'Aragon et du Portugal, et commandée par l'Amiral Don Jofre Tenorio. Cette flotte allait en guerre avec la bénédiction du pape qui en faisait une véritable croisade contre les musulmans d'Espagne. L'Amiral a été vaincu et Abou Malik, le Mérinide, a décidé de s'enfoncer dans les terres des Castillans pour leur infliger d'autres revers. Mais les chrétiens s'étaient rassemblés en une seule force organisée et l'ont combattu et son armée qui ne voulaient se replier devant le danger qui les guettait. Abou Malik laissait sa vie sur le champ de bataille et son père le Sultan des mérinides jurait de le venger. Il a franchi Gibraltar et, en liaison avec les armées de l'émir de Grenade, le Nasride Youssef 1er, Abou El-Hassen Ali a mis le siège devant Tarifa, cette ville qui était bien défendue et qui pouvait attendre n'importe quelle armée de rois chrétiens. Mais le pape, comme toujours, ne pouvait rester les bras croisés. En effet, à l'appel du roi Alphonse XI, il se précipita pour demander aux Européens de participer à une croisade contre les «infidèles» de l'Andalousie. Et là, des troupes de «croisés» de l'Europe occidentale s'étaient déversées sur la péninsule, notamment de France, d'Angleterre et surtout ces fameuses armées de chevaliers chrétiens. Le choc a eu lieu sur les bords du Río Salado le 30 octobre 1340 entre les musulmans et 100 000 chrétiens à la tête desquels se trouvait le Roi Alphonse XI, qui portait l'emblème du pape pour affirmer que cette bataille s'inscrivait dans le registre d'une véritable croisade. Ce fut, en effet, la plus grande victoire des rois chrétiens depuis Las Navas de Tolosa. Les Mérinides se sont repliés avec difficulté vers le Maroc, en perdant beaucoup de soldats, les Nasrides retournaient à Grenade. En 1343, les Castillans entamaient le siège d'Algésiras avec le soutien de chevaliers anglais et français. Le siège allait durer vingt mois pour se terminer avec la prise d'Algésiras le 26 mars 1344. En août 1349, Alphonse XI de Castille fait le siège de Gibraltar. Mais l'épidémie de peste noire qui s'était installée en Espagne en 1348 fait des dégâts considérables et provoque la mort d'Alphonse XI le 20 mars 1350. Les Castillans se voyaient obligés de lever le siège après le décès du roi et Gibraltar allait rester encore pendant plus d'un siècle aux mains des Nasrides. La peste noire fait de grands ravages au sein des populations d'Europe. Au Maghreb, elle provoque un désarroi sans précédent d'où le rythme démographique a été perturbé durant des siècles. En Andalousie, les répercussions sont d'une autre nature. Il y a eu beaucoup de pertes, certes, mais il y a eu aussi des interventions pour sauver les derniers vestiges musulmans et ces interventions s'avéraient ruineuses. De même que l'afflux des réfugiés aggravait la situation et faisait régner une ambiance de fin du monde. Entre-temps, la région du détroit de Gibraltar, a été âprement disputée et convoitée par le royaume de Castille, de même que le royaume de l'Aragon s'installait solidement aux Baléares et, Ceuta, jadis prospère sur le plan commercial, tombait en léthargie lorsqu'elle devenait la cible de Grenade. Tout cela donnait l'impression que le «Maghreb, selon Ibn Khaldoun, «semblait être devenu une province du royaume de Grenade». Mais il faut dire également, au regard de ces événements du siècle, qu'on ne pourrait limiter à des
conflits entre chrétiens et musulmans, que les alliances ne s'expliquent pas toujours par des considérations religieuses. Par exemple, les souverains nasrides ne balançaient-ils pas entre leur loyauté à la Castille dont ils étaient des vassaux et des relations ambigües et difficiles avec Fès ? Et les Mérinides, ne s'alliaient-ils pas tantôt aux Aragonais contre les Grenadins et les Castillans, et tantôt aux Grenadins pour tenter de s'opposer à l'avance chrétienne ?


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