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Mémoires anachroniques de l'Andalousie perdue
Publié dans La Nouvelle République le 02 - 06 - 2019

Abou El Hassen Ali a été le 21ème émir de Grenade à partir de 1464. Il ne terminera son mandat qu'en l'an 1482. En 18 ans de règne, l'Andalousie, ou ce qu'il en restait, passait de conflit en conflit et de discorde en discorde, où l'angoisse, l'incertitude et la souffrance du peuple, assombrissaient l'avenir.
Ainsi, ce siècle également, tout comme le précédent ou les précédents, n'a pas été à l'avantage de ses gouvernants qui, épris d'intrigues, de rivalités fratricides et de luttes intestines entre les aspirants aux trônes et aux royaumes existants, sombraient dans la capitulation. - C'est malheureux ! soupirait la conscience à travers cet esprit d'Izemis… - En effet, c'est malheureux, répliquait Abou Skander et de poursuivre son explication pour dire ce qu'a été l'avenir de l'Andalousie dans ce climat incommodant et nuisible. Ecoutons-le… Dans cette atmosphère délétère, les historiens, rompus à l'art des réflexions et des analyses cohérentes, avec des projections plus ou moins évidentes sur l'avenir, diront demain pourquoi, souverains, savants et hommes de lettres n'ont pas pris leurs dispositions, malgré leur avance scientifique et culturelle, pour assurer le processus de consolidation qui devait assurer le futur du monde arabo-musulman dans cette partie du globe. Ce futur, ceux qui viendront après ces générations, raconteront certainement à leurs enfants, qu'il a été judicieusement subtilisé ou hérité par l'Europe – c'est selon, quoique les deux termes sont justes –, cette Europe qui en fait bon usage…, en l'absence des légataires légitimes de cette splendide civilisation. Et, heureusement pour l'Humanité. Et c'est à partir du règne d'Abou El Hassen Ali que des faits marquants altéreront le paysage politique et dessineront la marche de l'Histoire. Car, pendant ce règne, des campagnes ont été menées contre la Castille avec quelques succès, mais l'événement tout aussi marquant qu'important, a été en 1469, le mariage d'Isabelle de Castille, malgré l'opposition de son frère le roi Henri IV, avec Ferdinand d'Aragon. Une union importante, à plus d'un titre, parce qu'elle mettait fin aux «manœuvres de Grenade» – ainsi les appelaient les rois catholiques –, au moyen desquelles se servait la capitale musulmane de la rivalité entre les deux royaumes d'Espagne. Et en 1474, après le décès d'Henri IV, Isabelle a été proclamée reine de Castille sous le nom d'Isabelle 1ère de Castille dans l'église de San Martín de Ségovie. Cette unification de la Castille et d'Aragon conduira, incontestablement, à la disparition de l'émirat de Grenade en 1492. 19- La chute de Grenade : un tournant majeur de l'Histoire Tout en rapportant des faits concrets, Mohamed-Chérif Izemis Abou Skander, n'a pu cacher son amertume devant une situation qui allait droit vers la capitulation. Il rapportait ces faits avec beaucoup de tristesse car il devinait, peu avant ce 2 janvier de l'année 1492, ce qui allait se passer…, il pressentait que l'Andalousie était perdue à jamais et que l'Histoire en voudrait à ces musulmans de l'avoir abandonnée à cause de leur stupidité et, on ne le dira pas assez, de leur naïveté. Oui, de leur naïveté, parce que leurs émirs, «ces souverains bien inspirés», croyaient que leurs ennemis n'allaient pas jusqu'au bout de leur peine pour les déloger d'un si beau pays qu'ils convoitaient depuis des siècles, sous le sempiternel alibi de la reconquête d'un territoire qui leur appartenait. - Et à la conscience d'intervenir : comment cela ? - Oui, à cause de leur stupidité dans ce climat de discorde et d'animosité ! Il faut dire les choses clairement, sans fioriture…répliquait Abou Skander Au XVe siècle, l'étendue des territoires soumis à l'Islam en Espagne se réduisait de plus en plus, surtout après la prise d'Alhama par les rois catholiques et le siège de Loja, appelée la «clé de la Vallée», pour consolider leur conquête. Ils ne pouvaient rester longtemps car, le 14 juillet 1482, les armées chrétiennes se retiraient, après cinq jours de siège. Le même jour arrivait de Grenade la nouvelle de l'évasion de l'Alhambra des deux fils d'Abou El Hassen Ali, Youssef et Abou Abdallah Mohamed Ez-Zoghbî (Boabdil). Leur fuite a été favorisée par leur mère et ex-épouse du souverain Abou El Hassen. Mais au fait pourquoi cette fuite et cette dissidence au sein d'une famille royale, au moment où Grenade restait l'un des derniers bastions que les rois catholiques voulaient conquérir ? Uniquement, à cause d'une intrigue amoureuse qui voyait le jour dans le royaume et qui allait faciliter la tâche des adversaires du nord, précisait Abou Skander. Abou El Hassen Ali s'amourachait éperdument d'une belle chrétienne, la Castillane Isabelle de Solis. Elle s'est convertie à l'Islam, disait-on, et prit le nom de Soraya. L'émir de Grenade répudiait sa première épouse, la reine Aïcha «El Hourra», fille de l'émir Mohamed IX (celui qui monta cinq fois sur le trône de Grenade). Aïcha et ses fils, les jeunes Youssef et Abou Abdallah Ibn Ali, «Boabdil», s'enfuyaient et préparaient la destitution de celui qui les a abandonnés au détriment d'une étrangère qui, par son union au souverain, devenait la première dame du royaume de Grenade, éclipsant ainsi leur mère. «L'historiographie castillane et la littérature romantique ont expliqué la cause de ce soulèvement par la rivalité», en pénétrant dans les abysses de cette déplorable aventure pour rapporter des faits aussi malheureux que préjudiciables pour un royaume qui vivait les dernières lueurs de son pouvoir agonisant. Les Abencérages, rapporte l'Histoire, qu'Abou El Hassen Ali fit décimer lançaient contre lui un complot dont le principal instigateur a été un membre de la famille nasride qui haïssait le Premier ministre Abou El Qaçim Bannigas, de sinistre renommée. Ce dernier d'une famille rivale des Abencérages a été accusé de faire le jeu des Castillans. Ainsi, tous les mécontents, les nobles Grenadins et la plèbe qui se recrutait parmi les habitants de «l'Albaicin», ce quartier populaire et non moins traditionnel de Grenade, se ralliaient au jeune Ez-Zoghbî, conduit par sa mère Aïcha «El Hourra» et entamaient la destitution de l'émir Abou El Hassen Ali. Mohamed Ez-Zoghbî ou Boabdil, «el Rey Chico», le jeune roi, est proclamé émir de Grenade par les Abencérages le 15 juillet 1482. Il était âgé de 25 ans. Son père le souverain encore en titre se voyait destitué et s'enfuyait de Grenade avec son frère Mohamed Ez-Zaghal vers Malaga, puis vers Almería où il se préparait à mener campagne contre son propre fils pour le combattre et reprendre son trône. En effet, il le recouvrera en 1484, deux années après. Le jeune émir, à peine investi, voulait montrer ses capacités guerrières. L'occasion lui a été donnée en engageant cette bataille d'«Ec-Cherquia», ou Exarquia en langue espagnole, où il en était sorti vainqueur devant le marquis de Cadix, en mars 1483. Mais cette bataille, hélas, a été la dernière victoire des musulmans dans l'Histoire de l'Andalousie. Et en avril, un mois plus tard, Boabdil, avide de gloire, s'en prenait à Lucena. Il en a eu pour son compte car c'était un cinglant échec, après une sévère défaite pour les Nasrides. Il a été prisonnier des Castillans. Et ainsi, plusieurs événements se précipitaient dans la confusion au moment où le royaume de Grenade, plusieurs fois centenaire, vivait ses instants les plus difficiles sous les querelles – entre autres des Abencérages et des Zégris – qui ensanglantaient Grenade de 1480 à 1492 et hâtaient la chute du royaume. Devant cette situation catastrophique, Aïcha El Hourra, décidait avec les notables du royaume, oubliant ses «problèmes» de famille, de faire appel à son mari Abou El Hassen Ali pour reprendre le pouvoir dans Grenade, qu'elle dirigeait momentanément selon ses moyens. Mais ce dernier, ne pouvait rester longtemps sur le trône du fait de son impotence révélée par une sérieuse maladie. Il se désistait en faveur de son frère Mohamed Ez-Zaghal qui assurait l'intérim jusqu'à la libération du jeune Boabdil. En septembre 1483, les Castillans conquéraient Utrera et en octobre de la même année le marquis de Cadix prenait la forteresse de Zahara qui est tombée en 1481 et provoquait un grand conflit à Grenade. De même que leur chasse reprenait contre les Andalous pendant l'été de l'année 1484. Le 21 septembre 1484, le roi Ferdinand II, grâce à son artillerie prenait Setenil, à proximité de Ronda. Les Castillans consacraient l'hiver au perfectionnement des machines de guerre. Le 8 mai 1485, l'avant garde castillane, sous les ordres du marquis de Cadix, arrivait à Ronda. Le 17 mai, avec de violents tirs d'artillerie, les chrétiens s'attaquaient à la muraille de la ville. Ronda capitulait le 22 mai. Sa chute entraînait celle de toute la montagne ainsi que la capitulation de Marbella. Enfin, en 1487, après une lutte sanglante, Malaga se rendait aux forces chrétiennes. En 1489, Baâza et Almeria se rendaient pacifiquement aux rois catholiques. C'est alors que le dernier souverain nasride, Boabdil, se sentait encore plus vulnérable par le nombre de pressions autant internes qu'externes qui s'exerçaient sur lui et son royaume qui se réduisait, chaque année ou plus vite encore, chaque mois, comme peau de chagrin. Mais il tenait un langage fier, parfois arrogant, un langage qui, de toute évidence, ne servait à rien parce qu'il ne lui permettait pas de résister victorieusement aux attaques prolongées des armées chrétiennes qui le pressaient de partout. Entre-temps, dans son propre fief, tous se mettaient de la partie. D'une part, les religieux qui venaient d'autres villes pour semer l'agitation, et ainsi les dissensions politiques dans Grenade s'amplifiaient, d'autre part, les assauts des catholiques auxquels l'appui du pape permettait de liguer des armées coalisées extérieures aux royaumes espagnols, se multipliaient. «Gloire et décadence mêlées, c'est ce qui caractérisa le règne des Nasrides. Ces caractéristiques s'amplifièrent sur les derniers temps du règne, lorsque la perception de la fin approcha.», conclura inévitablement l'Histoire. Les Espagnols, «mangèrent la grenade grain à grain», en s'emparant de toutes les villes du royaume entre 1481 et 1491. Qui mieux que «Léon l'Africain», un enfant du terroir, aurait su rapporter ces lamentables péripéties s'il était en âge de
réfléchir et d'écrire ? Il est né en plein dénuement, en 1488 à Grenade, dans cette capitale de l'Andalousie musulmane déchirée par le renoncement et l'abandon, vivant ses dernières années de pouvoir. Hassan el-Wazzan ou «El-Hassan Ibn Mohamed ez-Zayyati el-Fasi el-Wazzan», partait avec sa famille, quatre ans plus tard, quand les rois catholiques investissaient la ville, pour se réfugier à Fès, comme bon nombre d'Andalous qui ne pouvaient supporter l'oppression des nouveaux gouvernants. Très jeune et après des études assidues à Fès et à Qaraouiyne, son oncle lui faisait découvrir le monde de la diplomatie. Sa première mission l'a mené chez l'Askia ou l'Empereur Mohamed Touré en Empire du Songhaï. Et de là, sa vie, sera celle d'un grand voyageur et d'un négociateur, car diplomate émérite et grand explorateur du Maghreb. Mais avant d'en arriver là, Léon l'Africain, était encore enfant, pour ne pas dire dans le berceau, quand les Espagnols venaient mettre le siège au fort de Santa Fe, devant Grenade, la capitale d'Abou Abdallah Ibn Ali «Boabdil», que rien ne couvrait plus contre leurs attaques, non sans lui demander de se soumettre pacifiquement à leur volonté. Léon l'Africain, apprendra par l'Histoire, dont il deviendra un féru, que l'émir Boabdil refusait cette capitulation en leur opposant une opiniâtre résistance. Mais pouvait-il résister davantage quand le siège de Grenade a duré presque neuf mois, du 26 avril au 15 décembre 1491, date de la signature du traité de la reddition ? Pouvait-il sacrifier toute une population qui mourrait de faim et de maladies, en supportant l'obstination de ceux qui menaient une véritable croisade, contre les musulmans de Grenade ? Oui, que pouvait faire le dernier émir de l'Andalousie devant le destin d'un peuple et cette avancée de troupes chrétiennes, acharnées et décidées d'en finir avec Grenade la musulmane, si ce n'était que la solution d'une sortie négociée par la voie politique, répondait Mohamed-Chérif Izemis Abou Skander, à lui-même et à ceux qui le liront demain ? Pouvait-il faire plus que n'ont fait ses prédécesseurs, à qui incombe – parce que collectivement responsables –, la perte d'un Empire qui aura rayonné sur la Méditerranée et l'Europe pendant presque huit siècles ? Peut-on, à l'heure des bilans, le rendre plus coupable que ceux-là mêmes, parmi ses aïeuls, qui se «distinguaient», pendant des siècles, par leurs discordes, leurs divisions, leurs alliances incompréhensibles, leurs luttes fratricides qui ont été plus longues et plus dévastatrices que ne l'ont été les attaques des rois catholiques ? Ibn Hazm (XIème siècle), ce poète chevronné et cet homme à l'intelligence particulièrement brillante, ne prévoyait-il pas cette descente aux enfers quand il accusait les rois de Taïfas d'avoir permis aux juifs et aux chrétiens du nord d'être en position de force vis-à-vis des musulmans ? Ne lançait-il pas une «Fetwa» de révolution contre un souverain, en s'exprimant par ces mots : «Que dites-vous d'un prince qui mit toute son autorité entre les mains des juifs, fit des chrétiens ses propres soldats, imposa aux musulmans le paiement de l'impôt de capitulation…, alors que lui, pendant tout ce temps-là, continue de professer l'Islam, de le déclarer publiquement et de faire la prière.» ? Ce n'est pas du défaitisme, lorsqu'on s'exprime ainsi, loin s'en faut, ni même du fatalisme ou de la résignation, mais ce qui est arrivé à Grenade, du temps de Boabdil, devait arriver car il était inscrit dans la logique des «choses», du fait que deux mondes, même s'ils semblaient très proches pendant des siècles, vivaient séparément comme des civilisations en conflit, toujours en confrontation, mais jamais rattachées l'une à l'autre. Ainsi, était la réalité qui, pour le cas précis de l'Andalousie, était «un mélange de composantes tragiques, irrationnelles et de rationalité, de générosité, de créativité et de progrès». Lissen Ed-Dine Ibn El Khâtib, qui accompagnait deux souverains en son temps, ne savait-il pas saisir la réalité convulsée de l'Etat nasride, dont il était un grand notable et vizir en même temps ? En effet, il expliquait ce mélange de contradictions et ces pactes à l'emporte-pièce dont les Nasrides s'en accommodaient pour perpétuer leur règne et leur pouvoir. Il commentait que «l'Etat nasride était un Etat situé sur le fil du rasoir qui réussit à subsister durant deux cent cinquante années, grâce à différentes circonstances historiques, dont, et ce n'était pas la moindre d'entre elles, la capacité de ses dirigeants à l'heure d'établir des alliances et de savoir maintenir l'équilibre diplomatique nécessaire avec des alliés occasionnels qui, fréquemment et selon les intérêts du moment, pouvaient se convertir en ennemis.» - Effectivement, les événements ne leur ont pas souri, car ces alliances ne pouvaient durer éternellement du moment qu'elles se construisaient sur de l'insensé et du chimérique, concluait Mohamed-Chérif Izemis Abou Skander, qui nous entrainait sur une autre aventure que l'Histoire retiendra, plus tard, à l'avantage des «Rois Catholiques». Il enchainait dans le récit de cet épisode…, avec une parfaite lucidité. Les autres, les chrétiens expliquait-il, faisaient des pactes, mais de bons pactes, malgré les rivalités qui les minaient. Et en dix ans, avant ce résultat du 2 janvier de l'année 1492, quand ils ont décidé de mettre fin à la présence des Arabo-berbères dans la péninsule, par la chute de Grenade, le dernier bastion de la civilisation musulmane, et quel bastion…, ils ont peiné pour arriver à cet aboutissement. La guerre s'étalait en quatre phases bien coordonnées…La première ayant été au désavantage des chrétiens. Lors de la deuxième phase, les villes du royaume de Grenade ont été prises par l'artillerie, mais aussi par la trahison, malheureusement, d'un certain nombre de Grenadins. La troisième phase de 1489 a été la plus dure de la guerre, avec le siège de Baâza qui a duré six mois. L'oncle de Boabdil, plutôt son compétiteur Mohamed Ez-Zaghal, qui a été vaincu, a dû quitter l'Espagne pour le Maghreb et se constituer une principauté autour d'Oran. C'est alors, qu'après cette défaite et, craignant des réactions défavorables des habitants de la ville, le souverain de Grenade qui allait la livrer aux chrétiens, se rétractait ou… temporisait. C'était la quatrième phase. Mais, après de vaines discussions durant l'année 1490, les chrétiens ont décidé de mettre le siège le 9 juin, ainsi que la construction de la ville de Santa-Fe. Grenade tenait bon, mais des conciliabules secrets entre les rois s'activaient, pour parvenir à des accords qui allaient sceller le destin de la ville et du dernier royaume. Avec cette accélération des «croisades» et les fractures qui se multipliaient dans le camp des musulmans pour les affaiblir davantage, les grands vainqueurs de la conquête de Grenade étaient ces souverains des deux royaumes, anciennement rivaux, l'Aragon et la Castille, rapprochés pour de meilleures perspectives qui s'offraient à eux dans le proche avenir. Ainsi donc, cette bonne entente, pour des raisons qui allaient de sitôt montrer son évidence, a amené Isabelle de Castille, à mieux s'organiser et à mobiliser toutes ls bonnes volontés et même d'autres forces, parmi ce qu'elle considérait au départ comme des «aventuriers». Elle a été demander à Christophe Colomb, un étranger à l'Espagne, d'ajourner son voyage vers les Indes – l'Histoire nous dira par la suite que le continent américain se dressa de manière inattendue sur la route de ses caravelles – afin d'assister à un grand événement dans les prochains jours. Et pourquoi sollicitait-elle cet explorateur pour qu'il retarde, tout bonnement, son expédition à travers les océans ? Le voulait-elle parmi ses admirateurs pendant cet exploit qui pointait à l'horizon ? Oui, mais elle voulait sa présence pour plus que cela ! Il faut savoir, tout simplement, que tous les acteurs qui, de près ou de loin, ont participé à la chute de Grenade, se partageaient l'intérêt et que, par ailleurs, la réussite des «croisades» devait passer impérativement par la conjonction des efforts de toutes les potentialités chrétiennes. Et la reine Isabelle, ainsi que son époux Ferdinand, savaient où mettre leur confiance… et connaissaient parfaitement leur programme dans le futur. Ils se préparaient à d'autres entreprises car, une fois unifiée, l'Espagne pouvait se vanter de posséder une puissante machine de guerre, une économie solide, une projection extérieure et une expérience dans la marine qui lui commandait de se déployer dans l'exploration des routes de commerce. Elle allait bénéficier, en outre, d'une civilisation remarquable que devaient lui léguer les Arabo-berbères et où foisonnaient les sciences et leurs hommes, notamment les mathématiciens, les médecins, les géographes, les astronomes, les architectes et les constructeurs de navires qui ont été formés dans cette école où l'entente, imposée par l'Islam, a donné ce mélange de culture musulmane, juive et chrétienne.


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