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Mémoires anachroniques de l'Andalousie perdue
Publié dans La Nouvelle République le 03 - 06 - 2019

La confiance de la reine Isabelle la Catholique – nous y revenons –, a été mise en Christophe Colomb, celui qui allait inscrire son nom dans l'Histoire.
Ce dernier, en acceptant de participer au siège de Grenade, s'exécutait, d'abord, en bon chrétien, se rangeant sous la bannière de la foi, parce que son projet consistait à opposer à l'Islam un front catholique d'Orient, à évangéliser les Indes, à rejoindre le royaume du «Prêtre Jean», dont la légende allait nourrir les rêves les plus fous, tout au long du Moyen-âge. Ensuite, il profitait, en bon opportuniste, du difficile climat d'alors qui persistait dans le conflit entre chefs musulmans et chrétiens, pour se situer avantageusement, pour ses propres intérêts. La couronne allait financer l'expédition qui lui a été refusée, bien avant, par les Portugais. Ainsi, pendant que le siège de Grenade se prolongeait, et que le sultan d'Egypte menaçait de raser Jérusalem si la capitale des derniers rois musulmans tombait, Christophe Colomb soutenait fidèlement la reine Isabelle, dans un nouvel esprit de croisade qui persévérait entre-temps, et qui faisait céder cette dernière à toutes les exigences de l'explorateur, en cette même année de 1492, malgré l'existence d'erreurs ignorées. Ainsi, sans crainte de voir les conditions climatiques défavorables à son expédition, la date du départ a été fixée pour plus tard. N'est-ce pas là l'engagement inconditionnel avec la couronne pour laquelle il vaquait ? Inutile de commenter la profondeur de cet acte ou plutôt de cette entente diplomatique de l'explorateur, à la demande de la grande Isabelle qui, plus tard, retiendra une des dates les plus importantes de son règne, en tant que monarque catholique, ce fameux 12 octobre 1492 qui inscrit, en lettres indélébiles, la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb. De ce fait, Christophe Colomb devenait, devant l'Histoire, le témoin prestigieux de cette reddition de Boabdil, et il la raconte dans les premières lignes de son «Journal de Voyage». Voici ce qu'il en dit : «Après que Vos Majestés ont terminé la guerre contre les Maures qui régnaient en Europe, et fini le siège de Grenade, où j'ai vu en cette présente année, le 2 janvier, les bannières royales de Vos Majestés dressées en haut des tours de l'Alhambra, qui est la forteresse de ladite cité, j'ai vu le roi Maure sortir des portes de ladite cité, et baiser les royales mains de Vos Majestés…». Le résultat de ce soutien inconditionnel et l'euphorie que vivait le royaume après la reddition de Boabdil, expliquait Mohamed-Chérif Izemis Abou Skander, se reflétaient dans l'accord du roi Ferdinand qui, assuré par son épouse Isabelle, décidait de financer l'expédition de Christophe Colomb. Alors, le 17 Avril 1492, pendant que le roi signait les «Capitulations» de Santa Fé, il en profitait pour faire de Christophe Colomb «Grand Amiral de la Mer Océane et Vice-roi des Indes», propriétaire et gouverneur de toutes les terres qu'il découvrira. Voilà pourquoi cet explorateur vigilant et par trop perspicace tenait à assister à la chute de Grenade et apporter son soutien aux Rois Catholiques. Nonobstant cet épisode ennuyeux, injurieux, le déclin des musulmans de la péninsule Ibérique, après avoir été les artisans de grands progrès pour l'Humanité qui allaient donner lieu à la Renaissance et à l'expansion européenne, était programmé bien avant la dynastie des Nasrides. C'est alors que l'on se pose une multitude de questions car si nous ne le faisons pas aujourd'hui, les générations qui viendront après nous, ne se lasseront pas, nous en sommes certains, de bousculer les leurs pour arriver à en savoir plus sur les tenants et les aboutissants de cette capitulation. Ils seront en droit de revisiter l'Histoire de leurs ancêtres et, comme tous ceux qui veulent connaître la vérité, ils porteront leur jugement sur ce qui a fait ce dramatique échec. Imaginons, pour cela, un ultime dialogue entre Mohamed Chérif Izemis Abou Skander et le dernier souverain Boabdil, pour donner plus de crédit à notre récit, tout en faisant passer des situations très dures, dans un style qui serait accepté, et laisser des chroniques qui atténueront la douleur de notre tragédie. La scène se passe dans une modeste demeure d'un habitant de Grenade. C'est une demeure mise à la disposition de Boabdil, l'émir déchu, peu après la fermeture des portes de cette capitale d'un royaume perdu, qui devient propriété des espagnols sous Isabelle la catholique et son époux Ferdinand II d'Aragon. - La première question qui me vient à l'esprit est la suivante, je vous la pose, Majesté, avec toute la franchise qui doit nous caractériser au cours de cet entretien qui fera date dans l'Histoire. Qu'avez-vous ressenti lorsque les deux souverains espagnols sont rentrés triomphants à Grenade ? - Que la terre s'écroulait sous mes pieds ! Que la vie se terminait pour moi, pour ma famille et pour toute l'Andalousie. C'était le divorce, la fin du monde en quelque sorte. Un pont définitivement brisé entre l'Orient et l'Occident… Que vous dire de plus ? Que je n'étais pas à la hauteur ? Que je n'ai pas agi comme il le fallait ? C'est-à-dire, que j'aurai dû combattre jusqu'à la dernière goutte de mon sang ? En cet instant précis, tout se mêlait dans ma tête. Des expressions lourdes de sens me harcelaient. Je les balbutiais…Elles me faisaient mal… Parce qu'elles manifestaient des sentiments de désertion, de trahison, de lâcheté et de bassesse. Je sentais un poids énorme sur mes épaules. Je le sentais péniblement et j'entendais ces voix, à côté de moi, et d'autres qui me parvenaient de si loin, à travers le temps, comme des échos, me fustigeant et me fulminant pour avoir offensé tous les musulmans d'Andalousie et d'ailleurs… Ainsi, je rentrais, avec les miens, dans le chapitre de la déchéance. Et je ressentais, en ce moment précis, que l'Histoire allait m'abandonner, parce que demain, quand elle sera écrite, elle ne va pas m'épargner…, pardon, nous épargner. Oh que non ! Elle sera impitoyable à notre égard… Je m'imagine des pièces de théâtre, où des tirades «assassines», d'une extrême virulence, vont nous être attribuées. Et je n'en voudrai à personne car je subirai le destin des feuilles mortes, comme tout souverain ayant lamentablement échoué après un temps de régence. On dira ceci, par exemple, dans la forme romanesque et le style le plus recherché pour les effets de la scène, cet agréable style de Maya Arriz-Tamza – là, je fais une incursion conjecturale dans le futur –, en prêtant ces paroles amères… à ma génitrice : Ainsi parle celui qui me doit la vie, Que j'ai choisi d'asseoir sur le trône, En lieu et place de son père, mon époux ! Ce n'est pas ton ingratitude qui me touche Mais ta lâcheté. J'aurais dû laisser l'enfant de la Chrétienne Te ravir ce palais que tu n'as pas su garder. Honte à toi, mon fils ! Tu nous as trahis… Et moi, de répondre avec une certaine agressivité à cette mère que je respecte pourtant… Je lui répondrai effrontément, sèchement, du haut de mon trône chancelant, ou de ce qu'il en reste, pour lui confirmer ma faiblesse et mon indignité. Je lui dirai, dans la même forme, selon la dramaturge déjà citée : Va t'en ! C'est Grenade que je livre Pour te fuir… Ensuite, tout seul, je fais ma tirade et je pleure cet Empire qui, désormais, appartient à d'autres. On me fera dire des vers acrimonieux, dans une vaine tristesse…, des vers qui plus tard, meubleront certainement des soirées où le «zajel» racontera nos déboires et notre manque de perspicacité. Qui sait ? On chantera, par exemple, cette poésie, plutôt cette complainte: «Ya assafi ‘ala ma madhâ…, ayem es-sourour wa er-ridhâ… Ya firkat diar el-Andalus…, ma hânou alaya» Cela vous donnera dans une traduction presque fidèle : «Combien je regrette le passé… Ces jours heureux et pleins de sérénité… ! Ah ! De la séparation des demeures de l'Andalousie, je ne puis m'en résoudre» Mais tout cela ne sera que le produit de leur imagination, «que des mensonges chantés sur le même ton par ceux qui célèbrent aujourd'hui la chute de Grenade et mon abdication, moi, le dernier émir nasride, Boabdil. C'est vrai que je suis pour eux un roitelet, un «rey chico» de rien du tout qui a vendu sa ville sans se battre, qui est déshonoré à jamais dans la mémoire des hommes ! Peut-être que les gens les croiront ! Mais l'Histoire, elle, a-t-elle entendu l'écho d'un homme, le mien, pour dire son dernier mot ? Allons donc ! » - Majesté, n'êtes-vous pas en train de vous culpabiliser durement, alors que la chute de Grenade et, par voie de conséquence, de tout le royaume, était une affaire réglée depuis si longtemps ? Saviez-vous dans quel climat étiez-vous en train de conduire les affaires du pays ou, plus exactement de «colmater», ce qui restait de ce grand Empire créé par Abd er-Rahmân Ibn Marwan et conforté par son petit-fils Abd er-Rahmân III et les autres qui ont gouverné avec beaucoup de clairvoyance et d'adresse ? - Je le sais, effectivement, mais je ne suis pas en train de trop me culpabiliser même, si en ce temps-là, le plus important était à mes yeux, non pas de vaincre, mais d'être vaincu en évitant le pire. Oui, le pire, car «depuis la victoire chrétienne de Las Navas de Tolosa, les portes de l'Andalousie grincent sur leurs gonds. Et, sous l'impulsion de Ferdinand et d'Isabelle, elles se sont largement entrouvertes». Je dis la vérité, je dis ce que je ressens de cette situation où nous sommes tous responsables, et moi davantage puisque je suis le dernier de cette lignée de souverains qui, malheureusement, n'ont su se préserver des dangers de la division que nous avons générée nous-mêmes et des menaces de «croisade» que la papauté nous préparait depuis si longtemps. Je ne me culpabilise pas, mais pour l'Histoire, qui je pense mentionnera tout cela avec honnêteté et fidélité, c'est Abou Abdallah Mohamed Ez-Zoghbî ou «Boabdil» qui a signé ce «fameux» – je veux dire déshonorant – traité de reddition le 15 décembre 1491. Il est vrai, qu'après un long siège, je ne pouvais faire autrement car je ne voulais pas renoncer à ma population qui mourrait de faim et de maladies, mais il est aussi vrai que les
véritables héros sont ceux qui meurent stoïquement, courageusement, et nous aurions dû mourir tous en braves, à l'intérieur des murailles de Grenade, pour que les générations futures ne prononcent pas, demain, le mot capitulation. - Majesté, votre mère Aïcha El Hourra, s'est exprimé avec douleur. Je la comprends, mais qu'avez-vous fait pour la calmer, et mieux encore pour la soutenir dans cette difficile épreuve ? - Une épreuve difficile pour nous deux, pour nous tous, pour les Andalous et tous les musulmans de la terre… Ma mère, je la connais, c'est une battante et elle l'a prouvé combien de fois dans des situations dures. Ce qu'elle a dit, n'est pas une insulte dirigée contre moi. Ma mère parlait des autres et pour les autres. Elle parlait avec l'Histoire car elle savait que moi, seul, je ne pouvais effacer les marques de déshonneur qui nous infligeaient ce résultat. Elle savait que la finalité était ce 2 janvier après tant d'intrigues, de luttes pour le pouvoir, d'assassinats de souverains et d'alliances occasionnelles et contre-nature. Ne savait-elle pas, en réalité, que je me suis fait cette victime expiatoire pour sauver Grenade et lui épargner la honte de la défaite… ? En effet, je suis cette victime ! Et ma mère comprend qu'aujourd'hui, en cette année de 1492, aucun souverain musulman ne peut relever la tête devant les catholiques qui ont eu du temps, profitant de nos divisions, pour consolider leurs armées, préparer leurs stratégies d'attaque et de défense et nous conquérir en toute quiétude. Ma mère comprend que l'Andalousie vivait ses derniers moments et que je n'étais qu'un prétexte qui a soulevé toute sa rancœur et sa passion contre des dynasties et des royaumes qui n'ont pas été au diapason de la mission qui leur a été confiée. Ainsi, se terminait cet entretien entre le souverain déchu et Mohamed Chérif Izemis Abou Skander…, un entretien qui en disait long. De ce qu'il a entendu, il en était édifié et, parlant à haute voix, à lui-même : - C'est vrai ce que me disait Boabdil…, il a entièrement raison, car la descente aux enfers a commencé il y a très longtemps pour les Andalous. Ainsi, les effets de ce 2 janvier 1492 ne sont pas les conséquences du règne de Boabdil et leurs prémices ne sont pas nées en son temps. Ou était-il donc, ce dernier émir de Grenade, le 16 juillet 1212 pendant la bataille de Las Navas de Tolosa lorsque les rois chrétiens ont infligé de sérieux revers aux armées musulmanes ? Evidemment, il n'était pas de ce monde, ni même quand la «Reconquista» commençait sérieusement en avançant à grands pas. Il n'était pas là, également, quand Cordoue, la ville symbole de l'Islam espagnol, tombait en 1236, Valence en 1238 et Séville en 1248. Ces reculs successifs et cet émiettement de l'Empire sonnaient le glas de la dynastie almohade qui prenait fin avec Abou El ‘Ula El-Wâthiq Idrîs, après la prise de Marrakech par les Mérinides en 1269. Enfin, ou était-il lors de la bataille de Tarifa ou «bataille du Salado» qui a eu lieu le 30 octobre 1340 entre les armées Mérinides et les troupes du royaume de Grenade et la coalition chrétienne Castillano-portugaise avec l'aide d'un contingent Aragonais ? La coalition chrétienne sortait victorieuse à l'issue de cette bataille. En était-il responsable, ce dernier souverain des musulmans de l'Andalousie ? Etait-il responsable quand les interventions pour sauver les derniers vestiges musulmans demeuraient couteuses et que l'afflux des réfugiés, venus de différentes régions occupées par les «croisés», aggravait la situation et faisait régner une ambiance difficile dans le royaume de Grenade ? Etait-il également responsable quand, après l'essor des deux Empires musulmans, il y a eu le déclin et leur substitution dans la zone par les nouvelles puissances maritimes de la Castille et du Portugal ? Etait-il enfin responsable quand les structures politico-religieuses des deux sultanats n'étaient plus capables de s'adapter aux nouvelles exigences d'un monde qui basait l'expansion des Etats sur la domination de la mer et sur le contrôle des routes commerciales ? Après tout cela, on pouvait répondre aisément, non pas pour défendre Boabdil, une fois souverain de ce dernier royaume andalou, mais pour dire que pouvait-il faire quand «tout le monde savait que Grenade était isolée du reste du monde musulman et condamnée à l'extinction en raison d'une asphyxie économique et de ses propres faiblesses internes» ? Rien ! Il ne pouvait rien faire. Il ne lui restait par contre que deux possibilités : combattre jusqu'à la mort, ou mettre un genou à terre. Et les deux solutions devenaient pénibles pour cette révolution qui a été très fertile dans les domaines des sciences et de la culture, une révolution qui a vécu huit siècles et qui a produit ce qu'elle avait de mieux dans ce Bassin méditerranéen où se disputaient de grandes puissances qui rivalisaient pour son contrôle. Et devant cette situation de déclin, par un destin triste au demeurant, Boabdil choisit la solution la moins «couteuse», d'autres disent la plus «dégradante», celle de remettre les clés de l'Alhambra aux rois catholiques, le 2 janvier 1492, non sans avoir signé un traité qui stipulait beaucoup de clauses dont le respect de la liberté de culte et la préservation des mosquées. On verra, plus tard, si ces clauses ont été respectées. C'est ainsi, et après huit siècles de présence musulmane, que l'épopée de «Biled El Andalus» s'achevait dans le regret et les larmes. Boabdil quittait Grenade pour l'exil et, avant de partir, il a jeté, accablé et souffrant, un dernier regard sur les lieux qu'il aimait tant. Mohamed Chérif Izemis Abou Skander raconte également cette autre circonstance plus que douloureuse. Il était là, disait-il, à cet endroit, au sommet du mont Padul, où quelques chrétiens et musulmans se regardaient en chiens de faïence, après la «cruelle décision» de ne plus avoir les mêmes rapports que ceux d'avant. L'infortuné Boabdil, dernier roi de Grenade, debout sur un rocher de cette montagne qui surplombe ce joyau de l'Andalousie où il a passé des années dans les luxueux palais de l'Alhambra et du Généralife, soupirait en levant la tête vers l'horizon. Il voyait au loin la mer d'où il allait embarquer pour rejoindre le Maghreb. Il voyait, en contrebas, ces tentes des armées de Ferdinand et d'Isabelle, ces rois catholiques, qu'il venait de quitter après leur avoir remis le fleuron de l'Andalousie. C'est difficile, pour Boabdil, de quitter en ce moment-là cet endroit merveilleux que la neige de ce rigoureux mois de janvier a rendu encore plus féérique. Les deux rivières le Xénil et le Douro, dont «l'une roule des paillettes d'or et l'autre des sables d'argent, lavent le pied des collines, se réunissent et serpentent ensuite au milieu de cette plaine charmante de la Vega». Doit-il oublier de sitôt, se demandait Abou Skander, puisque perdue à jamais, cette luxuriante plaine qui est couverte de vignes, de grenadiers, de figuiers, de mûriers et d'orangers ? Un paradis terrestre, en quelque sorte ! Les poètes et les chroniqueurs de l'époque n'affirmaient-ils pas que «la Vega est entourée par des montagnes d'une forme et d'une couleur admirables. Un ciel enchanté, un air pur et délicieux, portent dans l'âme une langueur secrète dont le voyageur qui ne fait que passer a même de la peine à se défendre» ? A la vue de cette belle région et des cyprès qui marquent encore çà et là les tombeaux des musulmans, vestiges d'une présence ancestrale, Boabdil éclatait en larmes. Il était affligé, pâle et fragile, ce monarque encore jeune qui allait payer devant l'Histoire le poids de tant de siècles de divisions et de luttes intestines pour le pouvoir. Et malgré le deuil qu'il portait, Boabdil, dans une splendide tunique brodée, chaussé de pantoufles rouges, la tête recouverte d'un royal turban dans lequel était fichée une plume blanche, se retournait une dernière fois vers Grenade et, dans un soupir amer, il expirait des siècles de présence en péninsule Ibérique. En ce moment précis, il refoulait une Histoire prodigieuse et tourmentée, inaugurée par le Berbère Tariq Ibn Ziyad en 711…


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