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Le dialogue ou la parole sacrée de nos Djebels
Publié dans La Nouvelle République le 06 - 10 - 2019

Commençons par tordre le coup à un poncif pour mieux comprendre la spécificité profonde du dialogue national en Algérie. La « révolution du Jasmin » qui a si bonne presse en Europe (sic !) a certes permis une immense respiration démocratique chez nos frères tunisiens, mais en réalité rien n'y a changé. La raison en est simple. La même classe qui gouvernait hier en Tunisie est celle qui gère aujourd'hui le pays dans un réajustement à peine perceptible entre la bourgeoisie tunisoise fournissant l'essentiel de la haute administration centrale et son homologue sfaxienne qui a trouvé les moyens d'un réaménagement des rapports de force à son avantage, au sein de la direction du Pays, en se rangeant derrière l'islamisme assagi d'un Rached Ghannouchi. Si les changements ont abouti à une seule chose en Tunisie, c'est bien le renforcement et l'unification politique de la bourgeoisie en tant que classe hégémonique contre les couches populaires sans que ce statut ne puisse lui être contesté par toute autre force sociale alternative comme le démontrent amplement les élections présidentielles en cours. Par contraste, le «Hirak» en Algérie est d'une toute autre nature. Sa puissance vient de défaire, non pas une famille comme celle qui avait élu domicile au Palais de Carthage mais une classe sociale prévaricatrice, nourrie au biberon de la rente sans même qu'une seule balle ne soit tirée.
Aussi, notre dialogue national n'a absolument pas pour fonction de rétablir un ordre social, malmené par la violence des évènements comme ce fut le cas en 2011 en Tunisie dont le bilan s'est élevé à plus de 300 morts. Il en ressort que contrairement à nos voisins de l'Est, les revendications en Algérie prennent une dimension éminemment politique en raison même du caractère pacifique de la protestation nationale. C'est ce qui surprend les capitales occidentales, particulièrement européennes. Des troubles sociaux dans le Pays auraient finalement été rassurants. Ils indiqueraient du même coup les voies et moyens de son contrôle financier par la dette, de son orientation économique par une plus grande ouverture de ses marchés voire de son instrumentalisation politique au profit de la puissance européenne, particulièrement française en raison des pesanteurs qui sont celles de l'histoire.
Mais lorsqu'il s'agit d'une inflexion politique qui est soulevée par un Peuple aux longues traditions militantes, au travail du mouvement national dans toutes ses composantes, de l'islamise au berbérisme en passant par le nationalisme, la réponse ne peut être que grosse d'un changement de régime. Mais lequel ? Et c'est là toute la complexité du réaménagement passionnant plus que de la reconstruction de l'Etat National qui se déroule sous nos yeux. Si la révolution iranienne, en même temps qu'elle évinçait sans hésitation aucune le régime du Shah, se tournait de manière décidée vers une République Islamique dont on comprend le sens aujourd'hui, la révolution décontractée en Algérie en éjectant comme un corps étranger le berbérisme laïque et francophile de ses centres de décision souverains ne veut cependant trancher dans le vif d'aucune des options historiques qui accompagnent le mouvement national, comme si cette retenue consistait, au fond, en l'essentiel.
Ce temps de l'intelligence qui est celle de la main façonnant une poterie aux courbes mesurées, nous la devons à la force pacifique du Hirak, massive, à laquelle a répondu la patiente solidité de l'Armée Nationale Populaire. Cette conjonction de facteurs de puissance a su s'additionner, chacun à la place qui est la sienne en protégeant les deux soubassements fondateurs d'un dialogue national au long souffle et donc de la naissance d'une démocratie authentique, c'est-à-dire nationale et souveraine : la préservation de l'ordre public pour qu'aucune goutte de sang ne soit versée comme il en a été fait le serment d'une part et la protection sans concessions des institutions régaliennes d'autre part sans lesquelles aucune discussion démocratique ne saurait être entamée. Ce sont là les deux piliers solides qui permettent d'envisager les changements nécessaires à venir car en matière d'organisation juridico-politiques, il est préférable en ces temps de transition véritable ou le monde ancien s'écroule de se fier à la concrétude du pragmatisme avéré plutôt qu'aux avantages escomptés de la théorie.
Une longue marche nécessaire
Mais alors comment être sûr de la sincérité des processus devant déboucher sur les changements voulus par la Nation dans un cadre légal aussi contraint ? La réponse est confondante de simplicité. Le pacifisme et l'ampleur du mouvement social en sont les gardiens les plus vigilants. Le «Hirak» a instauré un rapport de force social aux institutions civiles et militaires qui a abouti à des résultats d'une ampleur sans précédent dans l'histoire de notre jeune Etat mais de notre veille Nation. Sa production la plus spectaculaire déambule dans les cours de promenade du pénitencier d'El Harrach en attendant les verdicts qui seront sans aucun doute d'une amplitude similaire à ceux qui furent prononcés par un tribunal militaire contre les instigateurs du vol permanent de la parole populaire.
De même, d'autres signes ne trompent pas ceux qui savent déchiffrer le contrat moral paraphé par les plus hautes autorités de ce Pays à la Nation sous la pression féconde du mouvement social. Notre compagnie pétrolière vient de rétablir, juste avant la renégociation annuelle de ses engagements d'export, son premium de 75 cents de dollars par baril, sur le Sahara Blend, ce pétrole léger de qualité supérieure qu'il est si facile de transformer en carburants pour le plus grand profit des raffineries clientes de la Sonatrach. C'était en réalité, le prix de la corruption de la classe prévaricatrice aux manettes du Pays, commissionnaire attitrée et officielle du pétrole algérien, dont la nationalisation était une histoire ancienne que Abdelmajid Sidi Said, l'ex-patron de l'UGTA, exhibait victorieusement tous les 24 févriers comme on le ferait de veilles reliques appartenant aux couches populaires abattues par l'arrogance des tout-puissants.
De même, l'annonce par le Ministre des finances d'un impôt sur le patrimoine, augure encourageante d'une restructuration progressive mais décidée de l'assiette fiscale, moins orientée vers le salariat et plus active en direction du capital foncier, industriel et patrimonial promet d'esquisser les grandes lignes d'un nouveau «contrat social». L'impôt comme la Justice dont l'exercice actuel fera office d'une jurisprudence pour de très longues années, déploieront enfin leurs assujettissements en direction de la classe la plus aisée dont la très grande majorité s'est abreuvée de la rapine offerte par un régime finissant et contribueront à rendre un peu moins inégaux les citoyens de ce pays.
Enfin l'annonce solennelle d'un endettement mesuré auprès de Banques multilatérales de développement dont l'action sera prioritairement orientée vers des projets d'infrastructure (ce que nous aurions dû faire depuis très longtemps en lieux et place d'un paiement cash au plus grand profit des affairistes de tous poils qui peuplaient les couloirs de la Présidence de la République), éloigne définitivement les politiques ultralibérales dont les dividendes financiers mais aussi politiques finissent toujours dans les poches des mêmes acteurs de la corruption et des leaderships internationalisés.
Ces gages solides ne seraient sans doute pas suffisants pour amorcer un dialogue véritable s'ils n'avaient pas été accompagnés de la mise en place laborieuse mais sérieuse grâce au panel de Karim Younès auquel il faut rendre grâce, d'une Autorité Indépendante pour l'organisation d'élections présidentielles qui repose sur de très larges prérogatives et sur des amendements décisifs de la Loi Electorale à même d'assurer un exercice démocratique suffisamment sincère pour être légitime et bâtir le socle consensuel nécessaire au dépassement définitif de la phase de fragilité actuelle.
De notre tutoiement avec l'histoire et la géographie
La bonne conduite et la réussite des élections présidentielles ne sont pas l'aboutissement du dialogue national comme voudraient le présenter certaines parties défaites par le cours des évènements. Elles en sont simplement les amorces fragiles car elles permettent d'instituer une légitimité qui manque à tous les intervenants actuels du dialogue national aux fins d'inclure sous une seule autorité légale incontestable, celle de la Présidence de la République issue des urnes, tous les secteurs de la société politique et civile concernés par la construction démocratique, œuvre de grande haleine s'il en est. C'est de la stricte souveraineté sur le plan organisationnel et politique de ces élections présidentielles, à l'intérieur comme à l'extérieur, que dépend la qualité du processus démocratique dans notre pays.
L'expulsion qui ne dit pas son nom d'une députée française et le recadrage rigoureux d'une sous représentante de la commission des droits de l'homme du Parlement européen furent l'occasion de souligner combien des parties d'outre-méditerranée sont intéressées par la reconduction d'un canevas tunisien pour l'Algérie. Cependant, ce scénario est d'ores et déjà caduc en raison même du niveau d'exigence du mouvement social qui ne laisse d'autres choix à l'Etat-National que de se plier à une volonté populaire d'autant plus exigeante qu'elle est renseignée, éduquée par la massification de l'enseignement y compris dans ses étapes supérieures et son accès illimité à internet.
Une fois les élections présidentielles réalisées, tout restera à faire. Il faudra s'atteler à la construction d'un édifice démocratique au même titre et avec la même application que nous avons su générer des institutions souveraines. Les syndicats, les partis, les associations s'impliqueront de manière d'autant plus responsable dans la vie politique et sociale que les lois organisant leurs expressions seront expurgées des stigmates du paternalisme infantilisant. Les lois sur l'Information et la Presse, en particulier dans ses répartitions équitables des mannes publicitaires, doivent être gérés en partenariat avec les acteurs de l'information et non pas contre eux.
Tout cela et bien d'autres choses encore ne se feront pas par magie, du jour au lendemain par les grâces d'une bureaucratie soudainement reconvertie aux revendications du Hirak alors qu'elle fut de tous temps instrumentalisée par des forces sociales antipopulaires. Il s'agira de nouvelles luttes mais plus aisément menées en raison de l'impulsion primordiale qui leur fut donnée un certain 22 février 2019 donnant bientôt naissance à un cadre institutionnel rénové dans le sens d'une démocratisation à l'œuvre qui possède la puissance anthropologique intraitable d'un processus historique.
Mais le dialogue national n'est pas une simple conversation qui se déroule ici et maintenant dans le cadre politico-institutionnel qu'il se donne. Le Hirak n'a pas simplement contribué à libérer la parole comme il fut écrit un peu trivialement dans la presse nationale. En réalité il a réinitialisé un dialogue - congelé par la victoire sur le colonialisme et l'édification étatique - qui a traversé notre mouvement national contemporain depuis sa naissance au début du XXème siècle pour prendre une dimension sans cesse plus forte tout au long de son développement. Il ne peut exister de véritable dialogue national sans qu'il ne se perpétue et ne se renouvelle au fil des générations pour fonder le roman national, l'édifice le plus solide du pays. Entre la tradition persistante du soufisme éclairé dont l'Emir Abdelkader et le mouvement des Ouléma incarnent l'élévation spirituelle et les forces politiques qui s'imprègnent des valeurs du matérialisme historique à des degrés divers et aux origines philosophiques multiples, il n'existe que très peu de place aux aventures idéologiques en rupture de ban d'avec le caractère populaire profond de la Nation.
C'est ce que la bande a expérimenté à ses dépens. Il en va ainsi jusqu'à notre géographie compartimentée incitant sans cesse les Djebels à parler à nos déserts par-dessus les épaules solides de nos Hauts-Plateaux. C'est la substance du dialogue de la Nation, gravée dans l'éternité minérale de nos paysages et s'élevant au-delà des cimes de nos Djebels qui disent de manière poignante nos chants berbères , à gorges déployées, appelant du fond des âges, chacun des braves, des femmes et des hommes libres et fiers de ce pays d'aujourd'hui, à la conversation intime d'avec lui-même et d'avec son peuple.


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