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L'exil fécond
Culture
Publié dans La Nouvelle République le 12 - 06 - 2020

Les faits relatés dans ce livre sont inspirés de la réalité vécue. Cependant, toute ressemblance avec des personnages réels, ayant existé ou existant toujours, n'est que pure coïncidence et ne relève point de la volonté de l'auteur. Mais, qui se sent morveux... se mouche !
L'auteur
Vois-tu, mon ami, je te raconte cette première histoire parce que je suis séduite par les résultats enregistrés par le cheval et leurs répercussions sur l'économie de la jungle. J'ai assisté à leur proclamation pendant que j'étais avec lui. Des résultats à plusieurs dimensions, au moins trois. La première est la promotion du cheval au sein de son usine. Il est nommé au titre d'ingénieur en chef de par le diplôme qu'il a acquis à l'université. La deuxième se situe dans les transformations qu'il a introduites au niveau de la machine pour que celle-ci soit plus performante et donne plus de résultats. La troisième – et c'est la résultante des deux premières dimensions – se caractérise par une bonne production qui se répercute au niveau de l'économie toute entière. Ah, quelle belle jungle avec des animaux dans cette bonne disposition et qui pensent à tout ! En méditant sérieusement sur ce que je viens de te raconter, ne penses-tu pas qu'il faille inculquer ces mêmes orientations et ces mêmes usages de travail et de rendement chez nous, où le désintéressement élit domicile et jure ne plus nous quitter ? Ne penses-tu pas qu'il est temps de prendre le taureau par les cornes et revenir à de meilleurs sentiments, ceux qui nous animaient, il y a de cela quelques années, lorsque le roi de la jungle savait commander et ceux qui l'entouraient étaient plus courageux et plus dignes que ceux d'aujourd'hui qui font dans la servilité et la bassesse ? Là est la vérité, toute la vérité cruelle, et non pas celle des apprentis sorciers qui, de par leur jeu machiavélique, ont démis la société de ses fonctions de première centrale productrice pour enfin la soumettre à l'impératif de la stérilité, la réduisant au rôle tellement parasitaire, celui de consommatrice sans goût et... sans âme. – Oui, approuvais-je... ta vérité et ta conviction sont les miennes...
Je suis édifié par cette autre histoire. Je ne doute pas qu'elle t'ait marquée. Et comment n'aurait-elle pas son effet sur une petite bestiole sensible, comme toi, et sur nous tous d'ailleurs, lorsqu'elle dégage les parfums du succès qui traduisent inévitablement toute la rigueur, la force, la mobilisation intense, la captation des désirs individuels réinvestis dans la réussite au quotidien ? J'ai songé que des exemples de ce genre, ne peuvent qu'affermir notre soutien à toute forme de course vers le progrès et susciter notre adhésion totale à tous les changements qui peuvent intervenir dans le cadre du développement durable. Malheureusement, nous avions décrié ce genre d'évolution, nous les êtres humains quand, quelque part dans notre monde qui vivait la confrontation des deux blocs avec une hypocrisie latente, nous avions critiqué les efforts colossaux – jugés à tort exagérés au dépens d'autres secteurs – de certains pays dans la mise en œuvre d'importants programmes de formation de leurs cadres, de l'amélioration de leur niveau et de leur situation dans tous les domaines.
Nous passions pour des exaltés, voire des «fanatiques» d'une politique au rabais, une politique sociale, une politique d'assistanat pour être plus clair, qui ne pouvait donner de meilleurs résultats, comme celle qui se pratiquait ailleurs, dans l'autre rive du monde, chez les gens plus entreprenants et, bien sûr, plus mesurés dans toutes leurs approches. Je suis d'accord avec toi, ma petite mouche. Tu as raison d'être fascinée par cette forme de métamorphose, c'est-à-dire par cette méthode de développement dans le bon sens. C'est vrai que tu es fort étonnée, toi qui n'as connu dans ta jungle que la relégation, les déperditions, le mal et un cortège d'autres misères qui ne peuvent qu'atténuer ton engouement et ton enthousiasme. En tout cas, c'est bien d'être sensible à cette forme d'évolution plutôt qu'à des pratiques répugnantes et désagréables vues par ailleurs. Vas-y, as-tu encore d'autres raisons qui font que tu veuilles absolument rentrer chez toi ? – Oui, j'ai encore à te raconter de belles choses que j'ai vécues pendant que je traversais cette heureuse et profitable épreuve. Les unes et les autres sont aussi intéressantes que séduisantes. Elles relèvent d'une éducation que s'impose la jungle qui m'avait accueillie, une éducation dans toute ses dimensions, et qui se perpétue comme une tradition créatrice de bonnes conjonctures.
Le travail, source de réussite
Après la réussite et la promotion du cheval, j'ai préféré le quitter pour aller vivre une autre expérience ailleurs. J'ai cherché un refuge. J'ai cherché un autre animal sympathique, comme celui que je venais de quitter, pour m'installer avec lui afin d'apprendre encore et encore les bonnes manières qui ont cours dans cette jungle. J'ai fini par trouver enfin un bon compagnon. C'est un paon, un beau paon qui se pavanait dans une belle clairière verdoyante. C'était un jour de repos. Il faisait la roue, tout fier et heureux de profiter d'une éclaircie dans cette saison hivernale, pour montrer sa gaieté et son exubérance. Je m'approche de lui. Je le salue. Nous faisons connaissance rapidement. Sans artifice ni manière, il me demande : – D'où viens-tu petite mouche ? Tu sembles désorientée, en tout cas bien embarrassée, si je m'en tiens à tes mouvements indécis... – Je viens de très loin. Je suis là depuis peu de temps, et j'ai beaucoup appris dans votre jungle qui me paraît plus accueillante et plus calme que celle d'où je viens. Je tiens à rester encore, le temps qu'il faut, pour en connaître davantage et peut-être me fixer définitivement si je pourrais avoir de l'aide et un travail qui me conviendrait. Tu vois, je ne veux plus vivre en parasite, constamment collée à un animal, comme si je ne pouvais me prendre en charge toute seule. – Moi je t'offre l'hospitalité. Je ne te demande rien pour l'instant, mais j'insiste pour que tu apprennes beaucoup et retiennes les meilleures choses. Tu feras abstraction des moins bonnes, elles ne te serviront à rien. Cependant, tu dois souffrir un peu avec moi, car mon travail n'est pas une sinécure. De toute façon, tu verras de tes propres yeux et tu constateras à la longue que mes charges sont autant difficiles que celles d'un grand responsable. Je ne t'en dirai pas plus... Le lendemain, le paon me réveille très tôt. Il fait encore noir et le jour ne s'est pas levé complètement. Le matin se confond avec la nuit et ajoute une touche humide de rosée à un temps frisquet qui marque ces journées de fin d'hiver. Sans rien me dire, il prend quelques bouchées d'un repas frugal, fait de vers et de graines entreposés dans son nid et, d'un geste auguste et détendu, pareil à ceux habitués à donner des ordres, il m'enjoint de prendre place sur sa crête.
Un endroit idéal qui me permettra de connaître, pendant mon agréable séjour avec lui, toute la fierté de cet animal au plumage multicolore, merveilleux. Ma première entreprise commence de bonne heure. Je ne m'attends vraiment pas à cette expédition qui se répète le lendemain, et le surlendemain, et des jours après, et devient pour moi un rituel dans cette jungle qui n'admet pas la paresse et l'oisiveté. En effet, elle commence de très bonne heure, puisque le paon doit faire une longue distance pour arriver à son lieu de travail. Des dizaines de kilomètres, selon les distances de votre monde, pour joindre l'usine où il est employé depuis quelques années. Ce n'est plus une balade, comme c'est le cas chez nous où certains de nos travailleurs rejoignent leur poste pour marquer une présence de quelques instants – pour justifier leur salaire, seulement – et ensuite se retirer pour vaquer à d'autres occupations personnelles ou carrément pour flâner sans aucun but évident, dans l'impunité. D'ailleurs, n'entendons-nous pas dire : «Je vais au travail», et le «travail» ici, définit le lieu et non pas l'action en elle-même. Ce qui est diamétralement opposé à : «Je vais travailler» qui veut dire, en termes clairs, je vais là où je dois fournir des efforts et produire des résultats. Cette dernière conception s'applique aux animaux que je viens de quitter. Ceux-là n'espèrent jamais vivre aisément s'ils ne fournissent pas l'équivalent de leur salaire en volonté et en sacrifice. Pour eux, chaque jour que Dieu fait est une prestation concrète pour la faune vivant dans leur jungle et qui attend beaucoup de ses animaux pour relever son niveau social. Ainsi donc, chaque matin, alors qu'il fait encore nuit en ces journées qui précèdent le printemps, le paon se dirige à un endroit ressemblant à une gare dans votre monde où un genre de train de campagne passe tous les jours à six heures précises.
Il prend ce moyen de locomotion, en se blottissant dans le dernier compartiment. Il tient compagnie aux autres travailleurs des mines de charbon qui sont toujours là au rendez-vous. Il fait une bonne distance avant d'arriver à un lieu-dit où la vie est toute simple avec ces quelques ruminants qui ont élu domicile sur un pré où pousse la meilleure herbe d'une région traversée par un affluent qui longe une bonne partie de la forêt qui juxtapose ce petit coin de paradis. Ces beaux paysages, je les ai vus, par temps clair, en revenant un après-midi avec le paon. Dans cet important cours d'eau, je disais, où l'onde est toujours calme et limpide, on peut même voir des petits brochets faire mille tours pour se regrouper enfin dans un coin, et repartir ensuite, en une autre course furibonde pour chasser ce que la nature leur offre pour leur subsistance. Là aussi, le paon reprend un autre moyen de locomotion, une embarcation solide et sûre, qui le mène jusqu'à une destination proche de son lieu de travail. Néanmoins, le trajet n'est pas encore terminé, il faut arpenter d'autres kilomètres pour voir enfin se pointer cette usine où il travaille tous les jours. Il y prodigue une grande part de sa volonté en cultivant les espoirs pour vivre des jours heureux. Il faut encore attendre la diligence pour terminer le trajet. Elle passe dans le coin et ramasse tous ceux qui comme le paon s'attachent à leur travail avec une telle constance qu'ils se retrouvent tous les jours à la station, à la même heure, fidèles au rendez-vous avec le temps. Têtes baissées ou têtes hautes, selon les humeurs que leur impose le climat, ils prennent place dans cette caisse qui les dépose au village où se dresse le haut fourneau qui les fait transpirer abondamment et leur dérobe, chaque jour, une partie de leur vie. Un trajet régulier, synchronisé dans une jungle qui a dépassé l'anachronisme pour vivre au rythme de la modernité et du développement. Tous les jours, le paon est soumis à cette épreuve contraignante du déplacement pour se pointer à l'heure devant sa machine.
Alors, toujours drapé de sa majestueuse robe, lorsque quelques matins il ressent la fatigue de ce trajet éreintant, il se dit avec philosophie que toutes les recettes sont bonnes pour gagner son pain quotidien ! N'est-ce pas une discipline rigoureuse que s'impose cet animal, dans une jungle qui ne finissait pas de m'étonner durant mon court et fécond exil ? N'est-ce pas une grande leçon d'humilité et de dévouement au service de la production, source de réussite dans un monde qui évolue sans cesse et qui ne se préoccupe plus des atermoiements de ceux qui, dans leurs jeux inexplicables et mystérieux, faussent l'équilibre du réel et permettent aux véreux improductifs et aux avides flatteurs de se hisser à des niveaux dont la nature ne peut concevoir ni le genre, ni la manière de leur évolution ? Dans notre jungle, à nous, des clichés de ce genre font légion. Je veux parler de ces derniers, de ces tricheurs qui, en un temps record, se sont fait des fortunes incroyables. Sur le dos de qui, me demanderas-tu ? Eh bien, sur le dos de tous ces animaux sincères et honnêtes qui croient en la probité du système et en la justice du pouvoir qui gouverne la jungle. Ils s'enrichissent sur le dos de ces pères de famille qui, jusqu'au jour d'aujourd'hui, s'accrochent à la vie pour voir peut-être demain poindre à l'horizon une lueur d'espoir qui viendra sauver cette jungle.
Cette dernière vit, malheureusement, un état de décomposition avancé, malgré les déclarations dithyrambiques de ses chefs, de ses sous-chefs et de leurs sbires. Dans notre jungle, le travail n'est pas un culte, il n'est pas une communion, et encore moins un devoir. Il est, pour nous, une action facultative quand ce n'est pas une denrée insignifiante. Nous ne lui accordons aucune importance. Oui, c'est une denrée sans valeur et, malgré cela, nous mangeons tous, certains à satiété, sans effort et surtout sans remords. C'est alors que lorsqu'on fait des comparaisons, nous sommes obligés de nous poser d'autres questions du genre : où nous situons-nous par rapport à ce paon qui exécute son opération d'aller-retour, dans un trajet épuisant en plus de sa dure journée de travail, six fois par semaine, pour ramener de quoi faire vivre et grandir ses petits ? Nos animaux sont-ils mieux faits et mieux nantis que leurs pareils, dans les autres jungles ou viennent-ils d'une autre planète pour se confiner dans une arrogance de grands dédaigneux, méprisant la base de vie qui est le labeur ? Et avec tout cela, que se passe-t-il en «haut», au sommet de la pyramide, c'est-à-dire chez le lion, le roi de la jungle, le nôtre, souverain grandiloquent et pompeux à l'image du «Roi-Soleil» ? En d'autres termes, qui pourra encore voir des raisons à cette conjoncture difficile lorsque toutes les cornes annoncent les dangers et que l'irréparable frappe aux portes de la jungle ? Comme le signale un des vôtres, un journaliste pertinent – vois-tu il nous arrive, nous les autres vivants de la planète, de suivre votre actualité –, «à quel moment l'irresponsabilité au sommet de l'Etat interpelle-t-elle enfin les consciences de ceux qui pèsent, soit par leur compétence soit par leur rayonnement politique ? Combien d'épreuves et de preuves leur faut-il encore pour vaincre leurs hésitations et les convaincre de la nécessité de mettre un holà à l'ingouvernabilité chronique de ce pays ?» Pour l'instant, «Dar Loqmane est dans le même état», comme dit votre proverbe, dans votre langue d'origine. Rien n'a changé dans cette hypothèque ruineuse sur le destin collectif des animaux. C'est là, la réalité justifiant leur position de n'avoir aucune confiance dans les promesses des pontes de la jungle qui essayent de leur faire miroiter des changements à la mesure de leurs attentes... Car, en plus de leur indifférence et de leur insensibilité, ils sont fatigués d'entendre les serments d'un pouvoir en deçà de leurs aspirations. Leur répugnance et leur exaspération provoquées par les désordres en matière de gouvernance de la jungle d'une part, l'impression que celle-ci est soumise à une destruction généralisée d'autre part incitent encore moins aujourd'hui les animaux à accomplir leur devoir citoyen, pardon animal, pour un changement qui, à leurs yeux, ne se produira jamais avec cette cour.
Ils ont perdu espoir en une amélioration susceptible d'amender le mode de gestion en place. Mais bon sang, il doit y avoir des solutions ! Il y a, à la limite, ce devoir moral de se dresser contre l'absolutisme qui s'est installé au sommet de la pyramide, envers et contre tous ! Aujourd'hui plus qu'hier, il est indispensable que ce rejet soit exprimé sous sa forme impérieuse car il faut contenir cette effroyable descente aux enfers qui ne manquera pas «d'anticiper sur les effondrements qui menacent l'architecture du régime». Enfin, en attendant qu'arrive cette résurrection pour mettre en exergue toutes nos potentialités et notre honnêteté, faisons en sorte que l'espoir qui nous pousse vers la réconciliation avec nous-mêmes d'abord, et les meilleures formes de progrès ensuite, nous permette de redécouvrir les moyens les plus efficaces et les plus intelligents pour régler nos difficultés dans le calme, la sérénité et surtout avec respect et sagesse. En effet, il faut que nos efforts tendent vers la réconciliation, la vraie, non pas celle qui est prônée dans notre milieu pour ramener uniquement les prédateurs à la raison en pardonnant leurs outrances. La réconciliation, que nous avons plébiscitée – du moins les plus conscients parmi nous – est celle qui, en plus de ce que nous promettons aux «égarés» – et ce n'est qu'un sentiment de magnanimité de notre part –, nous déplace dans le siècle de la modernité, de l'élévation, du développement durable, bref de cette réconciliation avec nos valeurs ancestrales, dans une jungle qui a quand même souffert mais qui doit se refaire une santé pour être au diapason avec ses lois et ses traditions. C'est cela la réconciliation que comprennent ceux qui sont imprégnés de vertus. Pour eux, elle est synonyme de développement, de liberté, de justice, d'équité et de marche inexorable vers le progrès.
L'exil fécond Là, j'interviens sans m'en rendre compte. Je suis obligé d'arrêter la mouche dans sa plaidoirie, j'allais dire presque insolente contre ses pairs, à cause de son style très caustique et on ne peut plus amer. – Tu n'y vas pas de main molle, ma petite mouche ! Est-ce vrai tout ce que tu reproches aux responsables de ta jungle ? C'est vrai qu'il y a de la déliquescence partout, mais est-ce possible que tu ne penses vraiment pas à une sérieuse rémission ou, à tout le moins, à une amélioration de la situation d'ici peu ? Elle me répond avec une assurance telle que je n'ai pu la persuader qu'elle y allait très fort dans la critique et qu'elle devrait atténuer un peu ses propos. – Je ne dis pas cela parce que j'ai un contentieux avec les responsables de ma jungle. Loin s'en faut. Je n'ai ni problème, ni rancœur à leur égard. De même que je n'attends rien d'eux du fait que je n'ai pas d'ambition démesurée. Mais la franchise ne me permet pas de m'exprimer autrement, dans le style des flatteurs incurables. Pour cela, j'ai le droit de dire que la situation est difficile dans ma jungle, et elle se perpétue... malheureusement ! Il n'y a pas de signaux qui indiquent que nous sommes en train d'aller dans le bon sens. Tout est en l'état et, même les plus «constructifs» parmi nous, les plus conciliants, pensent que les choses se compliquent davantage. Comment veux-tu, en fait, me convaincre du contraire, lorsque je me compare aux autres ? Que cela te plaise ou non, les autres sont plus sérieux, et tu le sais pertinemment, quand tu les mesures à ton monde dans son comportement de tous les jours. Tu les contactes souvent et tu t'aperçois que rien ne nous lie à ces animaux qui savent se faire respecter, qui se donnent le temps d'évoluer et, enfin, qui réussissent à se placer avantageusement dans des conditions plus prospères et florissantes. En effet, ils sont plus sérieux, parce qu'ils récusent des conduites impudentes que nous n'avons pas su repousser lorsqu'il le fallait en nous montrant dignes et justes avec nous-mêmes.
Ce n'est pas chez eux, dans leurs jungles, que l'on peut raconter des histoires fantasmagoriques comme elles nous sont servies chez nous... ces histoires qui défient l'entendement et qui montrent, si besoin est, que l'on vit encore à l'âge de la pierre taillée. Peuvent-ils imaginer, ne serait-ce que sur le plan de la fiction, qu'un grand responsable de la jungle puisse accepter d'unir sa fille à un «animal» quelconque, pour des raisons que la raison m'admettrait jamais ? Je donne l'exemple d'une «affaire» – il faut l'appeler ainsi – qui s'est effectivement produite, chez nous, dans notre jungle. Nous saurons par la suite qu'il s'agit d'un mariage contre-nature, car la femelle d'une famille de félidés, appelons-là une panthère, et pour des raisons qui lui sont personnelles, a été obligée d'accepter de s'unir à ce léopard, d'une condition précaire. Le père, de son côté, a été forcé de suivre sa fille, non sans dérouler le tapis à son nouveau gendre. Il l'a déroulé, en réalité, pour l'avenir de sa progéniture. Il le fait, évidemment, tout en sachant son gendre sans formation, sans qualification, sans intelligence et sans grâce, malgré les bonnes potentialités que recèlent ceux de sa race. Ainsi, pour l'intérêt de sa fille, il le nomme patron d'une grande entreprise. Un genre de Président Directeur Général, un P-DG, comme vous les appelez dans votre idiome. Tout le monde l'envie et d'aucuns disent : «Heureux qui comme ce léopard, a fait un beau mariage ! » Cependant, et comme tous les couples, aussi bien chez les animaux que chez les êtres humains, il y a des désaccords qui se terminent, malheureusement, par des séparations douloureuses.
Des cassures, en quelque sorte, qui laissent de grandes déchirures ! L'ex-conjoint est sommé de rejoindre la réserve, par l'ex-beau-père, pour accomplir des corvées obligatoires, dont il a été dispensé et pour cause, ou de rejoindre, en cas de refus, les sombres et humides cachots d'une prison rébarbative. Une fois les corvées accomplies, l'ex ne trouve plus de travail... il doit subir le destin de ces nombreux refoulés dans une ambiance difficile. Il cherche partout. Il use son ardeur et sa patience. Rien de rien ! C'est alors qu'un jour, il se pointe chez son ex-beau-père dans l'espoir de l'amadouer et enfin, trouver chez lui un peu de compréhension. Sa démarche est «couronnée» de succès. Et quel succès ! La réponse du beau-père est une réaction cinglante : – Tu iras travailler là où tu pourras remplir une case... selon ton niveau, pas plus ! Je te nomme «gardien», dans la même entreprise que tu dirigeais quand tu étais mon gendre. Aujourd'hui, tu n'as plus mes faveurs et tu n'es pas membre de notre famille. Sans commentaire ! – Oui mais avec tout ce que tu me dis, pourquoi veux-tu revenir dans ta jungle ? Pour souffrir davantage, si je m'en tiens à tes propos ? Es-tu une maso ? Une bestiole qui veut se faire encore mal ? – Non, rien de cela ! Je veux revenir parce que j'ai mes raisons. Je te l'ai dit, il y a quelques instants. Je te le confirmerai avec plus de certitude à la fin de cette histoire. Ainsi, tu sauras que j'ai beaucoup réfléchi et que mon retour est indispensable. Il l'est pour moi et pour ma jungle, du moins je le pense. Ensuite, le langage de la mouche se relève, se pimente. Elle veut me persuader par tous les moyens que je me trompe de direction en essayant de l'amadouer ou peut-être lui faire avaler des couleuvres avec mon verbe conciliateur. Elle s'accroche à sa vérité et me talonne avec des preuves accablantes, démontrant le bien-fondé de ses convictions.
Elle me raconte encore ses découvertes au cours de son exil dans cette jungle lointaine. Elle me parle essentiellement de liberté d'expression – son dada depuis que je l'ai connue –, mais surtout de pouvoir de décision des responsables qui ne se font pas prier pour jouer pleinement leur rôle de «Chef» dans la vie de tous les jours. Elle est en verve, au début de ce trajet du retour. Elle ne s'arrête pratiquement pas de vouloir me conduire sur une piste, qui est la sienne, avec moult révélations. A un certain moment, en la voyant par trop insistante sur quelques sujets brûlants, je croyais qu'elle pensait, dur comme fer, que je n'étais pas prédisposé à la suivre dans sa dialectique concernant le bon sens et la vérité. Oh, que non, mes positions sont identiques aux siennes, pour ce qui est de ces domaines embrasés de l'actualité ! Et puis, nonobstant toutes ces confidences et ces révélations, utiles bien entendu, que m'importe de naviguer encore avec elle dans le domaine de la fiction, me dis-je ? Et ce roman, avec ses fantaisies et son style imaginaire, mais non moins instructif, ne vient-il pas pour casser les tabous qui nous interdisent de «fouiner» dans le jardin des seigneurs de la jungle ? Ce roman, je le veux ainsi, direct, percutant, bourru et plein de sincérité, donnant voix et visage à ce qui semble être l'inconnu pour certains, l'invraisemblable pour d'autres, pour expliquer par le moyen le plus simple, qu'une effervescence créatrice est en train de débarrasser la jeune génération de l'ère du soupçon.
Eh oui ! La nouvelle génération n'est pas ce que nous étions avec nos réflexes de crédules et de parfaits zélés, dévoués pour la cause malgré toutes les tares que traduisait une gestion qui s'approchait de l'étonnant inconcevable. Nous étions ridicules, en quelques sortes, sans avoir ce courage pour l'avouer. Mea-culpa !! Ecrire donc de cette manière c'est comme si je servais un autoportrait aux lecteurs, c'est du pareil au même. Et l'autoportrait ici se traduit, à mon sens, non pas d'un «statut grandissant de l'artiste», comme le définit le dictionnaire, mais par une dissection minutieuse de notre situation qui décline constamment. Et là, c'est principalement cette situation qui se décline en nous arborant un éventail de problèmes et de tourments. J'utilise sciemment, voyez-vous, le même verbe pour deux significations différentes. Allons-y donc vers de nouvelles voies romanesques en faisant parler la mouche qui envahit sans complexe et sans péril les composants de l'imagination pour nous expliquer, à sa façon, que quelque chose se prépare dans sa petite tête. Suivons-la encore dans son périple, et nous avons du temps avant d'arriver chez nous. Elle continue, sans lassitude, à nouer des faits aux vivants dans cette jungle qui l'a passionnée par sa différence et sa particularité par rapport à celle où elle a vécu toute son enfance.
Elle me parle de tout, en tout cas de ce qu'elle veut me faire entendre pour expliquer cet enchaînement d'émotions dans un monde où elle trouve sa dignité et, à partir duquel, elle décide de relancer avec pertinence la lutte pour l'émancipation et le progrès, mais surtout pour relancer le combat et recouvrer les libertés, la justice et le droit. Comment veux-tu, me dit-elle, ne pas respecter le régime de la jungle que je viens de quitter ? Comment ne pas faire la comparaison entre la leur, pleine de vertus et de positions fortes et la nôtre qui, dans ses frasques répétées, n'ose même pas les avouer, ni même s'expliquer devant sa faune en désarroi ? Franchement, que peux-tu me dire lorsque je te raconte l'histoire de ce faucon, éminent responsable dans sa jungle, gérant cette fameuse structure qui s'occupe des moyens, comme le grand «Intendant» chez vous les êtres humains, qui se fait rabrouer et plus encore, sévèrement sanctionné pour pratiquement une affaire in-si-gni-fian-te, en comparaison de ce que font les nôtres, sans être inquiétés ? Ce faucon, ministre des Finances – imaginons-le comme cela – fut contraint de quitter son poste car, chez eux, la démission est un acte responsable et vaillant. Ainsi, il peut répondre personnellement, sans faux-fuyant, aux questions de la justice. Que lui reproche-t-on au fait ? On lui reproche de n'avoir pas fait une déclaration précise, en n'évaluant pas correctement la construction de son nid, quelque part dans la belle et luxuriante pinède, sur la côte qui longe sa jungle.
(A suivre)


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