Restaurer les plus anciennes bibliothèques de Nairobi, c'est le défi dans lequel se sont embarquées deux Kényanes : Angela Wachuka et Wanjiru Koinange. L'une éditrice, l'autre autrice, elles ont lancé en 2017 « The Book Bunk », une initiative qui vise à préserver trois bibliothèques publiques de la capitale kényane ainsi que leur contenu. À l'origine du projet, la bibliothèque McMillan, construite en 1931 et au départ exclusivement réservée aux Européens. Son bâtiment étant protégé par un décret parlementaire, ses travaux de restauration sont toujours en discussion… Ils devraient commencer bientôt. Mais ses deux succursales dans l'est de la ville ont déjà été rénovées et sont devenues de véritables lieux de vie. Des espaces de travail à l'intérieur aux espaces de repos dans le jardin, tout est moderne dans la bibliothèque Macadara située dans l'Est de Nairobi, c'est l'un des deux bâtiments rénovés par The Book Bunk. Quelques détails rappellent son histoire comme les rideaux de scène de la salle de théâtre. « Ça, c'était le tissu d'origine qui date de 1967. Pour l'anecdote, quand on est arrivé, il n'avait jamais été lavé, après nettoyage, toutes les couleurs sont ressorties », a confié le chargé de communication. Sur les étagères aussi, l'Histoire se mêle au moderne, les livres d'origine ont été triés selon leur état et contenu. Ceux qui ont été gardés côtoient aujourd'hui, les plus grandes plumes africaines. « Certains livres ont été remis sur les étagères car on s'était dit qu'ils contenaient des informations intéressantes comme celui-là sur Chypre, par exemple. Pour l'acquisition de nouveaux livres, on privilégie les auteurs kenyans puis Africains et ensuite le reste du monde », fait encore savoir le chargé de communication. Pour encourager les habitants à adopter ces bibliothèques comme des espaces du quotidien, plusieurs activités y sont organisées, des projections de films aux cours de musique : « Notre objectif, c'est d'en faire des palais pour les Kenyans, c'est-à-dire d'étendre la fonction traditionnelle des bibliothèques à des lieux où les gens se sentent bien », affirme le même intervenant. The Book Bunk, c'est aussi tout un travail d'archives pour conserver les documents datant de l'époque coloniale qui croupissaient dans les sous-sols. Selon Angela Wachuka, l'une des co-fondatrices : « l'une des premières choses que l'on a faites, ça a été de mettre sur pied une équipe qui a catalogué tout ce qu'il y avait dans les trois bibliothèques. On s'est vite aperçu que ces archives n'allaient pas faire long feu si elles restaient conservées telles quelles ». Journaux, photographies, documents officiels, l'équipe a commencé un long travail de digitalisation accessible en ligne. Les Kenyans ont aussi été invités à venir enregistrer leurs propres archives. « La plupart des documents de la bibliothèque McMillan sont très coloniaux par nature, ils présentent un regard très spécifique et un pan de mémoire particulier sur la vie des noirs à l'époque. On a ces archives mais on avait l'impression qu'il manquait quelque chose, que nous n'étions pas représentés», livre encore Angela Wachuka. Chacun peut donc venir scanner ses documents ou enregistrer ses souvenirs une manière pour The Book Bunk de réécrire la mémoire collective, que ce soit à travers les archives ou en mettant en avant les auteurs africains.