Le système éducatif algérien alimente beaucoup de débats et surtout se débat dans une crise qu'aucun programme politique ne peut restaurer. Et pour cause : au menu de l'instruction manque l'essentiel : l'appétence intellectuelle, par manque de goût à la vie, généré par le climat social dépressif et l'environnement économique récessif. L'école algérienne souffre d'anémie cérébrale, d'une forme d'anorexie pédagogique caractérisée par une insuffisance d'irrigation intellectuelle des étudiants, provoquée par l'inappétence scientifique induite par un affaiblissement des facultés d'apprentissage des élèves. Des élèves néanmoins abondamment gavés de programmes scolaires salafisés, une espèce de bouillie didactique indigeste et faisandée, importée des pays du Golfe, ces contingentes richissimes nations féodales converties à la religion sioniste, bâties sur un désert intellectuel où ne pousse jamais un brin d'herbe réflexif, encore moins un Arbre du Savoir. Une chose est sûre : le système éducatif algérien ne permet ni d'étancher la soif de connaissances, ni de nourrir à sa faim un jeune algérien au moyen d'un travail jamais décroché à l'issue de ses études. Car en Algérie le travail est une denrée rare. En revanche, les denrées importées sont abondantes (du moins, jusqu'à une date récente car, depuis deux ans, l'assèchement des revenus pétroliers à tari la source des importations), financées par une économie rentière fondée sur la manne pétrolière. Manifestement, l'Algérie, faute d'avoir de grandes idées pour développer son économie, dispose de raffineries de pétrole pour éviter de penser son développement. À cet égard, il ne faut pas oublier de souligner que l'économie algérienne repose sur du sable mouvant. Et son école est bâtie sur un désert pédagogique. Un système éducatif au sein duquel la programmation de la stérilisation du savoir le dispute à la castration des esprits des écoliers algériens. Une école convertie en caserne idéologique chargée de l'enrégimentement de la pensée, enrôlée au service de successifs régimes monolithiques vivant, depuis l'indépendance, de l'instrumentalisation mémorielle de la glorieuse Révolution de Novembre 1954, secondé, sur le versant religieux, par les mercenaires salafistes de l'enseignement, ces « prophesseurs » islamistes, véritables prophètes de l'abêtissement, missionnés pour endoctriner les élèves algériens. Ces barbus se prennent pour des sages. Or, comme le dit un proverbe arménien : « Si derrière toute barbe il y avait de la sagesse, les chèvres seraient toutes prophètes ». Ces deux entités, les successifs régimes monolithiques et les indécrottables islamistes, ont fait de l'ignorance une vertu, de l'abêtissement des écoliers algériens leur programme pédagogique. Comme l'ont écrit les auteurs du Manifeste « Sauver l'école », publié dans Le Quotidien d'Oran le 17 juillet 2021 : « En moins de temps qu'il a fallu pour la construire, l'école algérienne est devenue une école poubelle ». (...) « La médiocrité de l'école algérienne est bien là, et nul ne peut la contester. Elle a mutilé intellectuellement des générations d'élèves. Le désastre est incommensurable ». Tout le monde s'accorde pour admettre la dégradation avancée du système éducatif algérien. Cependant, nombreux sont ceux qui incriminent explicitement l'enseignement en arabe, rendu responsable de l'échec scolaire. La langue arabe serait coupable, selon eux, d'avoir favorisé le sous-développement économique de l'Algérie. D'aucuns affirment qu'avec le maintien du français comme langue principale d'enseignement, l'Algérie serait devenue un pays économiquement développé, hautement technologique. Voilà une allégation totalement fantaisiste. Certes, une langue véhicule souvent les représentations sociales, systèmes de valeurs et schèmes de pensée intrinsèquement liés au pays tutélaire de la langue propagée, à plus forte raison quand il est en position d'hégémonie économique et culturelle internationale ou de domination coloniale, à l'instar des Etats-Unis aujourd'hui et du français jadis. Néanmoins, il n'en demeure pas moins vrai que la langue constitue aussi un simple moyen de communication. De manière générale, la langue peut vivre une longue période de rayonnement, puis subir un processus de déclin. Un âge d'or, puis une phase de déliquescence. Du point de vue linguistique, toutes les langues se valent. Il n'y a pas de langues plus perfectionnées que d'autres. Il existe en revanche des modèles économiques plus performants que d'autres. Et la langue dans laquelle s'exprime leur hégémonie économique peut s'imposer momentanément comme langue de communication à l'échelle mondiale. Au demeurant, au plan linguistique, comme l'avait formulé Ferdinand de Saussure, la différence entre une langue et un dialecte, c'est que la première dispose d'une police et d'une armée. Autrement dit, d'un Etat fort qui l'impose au détriment d'autres langues, dédaigneusement désignées sous le nom de dialectes. Aussi, tous les idiomes s'équivalent, encore faudrait-il accorder à la langue ses lettres de noblesse et les moyens académiques afférents. Ainsi que le soulignent à juste titre les auteurs du Manifeste déjà évoqué, notamment Ahmed Djebbar, Abderrezak Dourari, Mohammed Harbi, Wassiny Laredj, Khaoula Taleb-Ibrahimi, Houari Touati : « Dans aucun pays du Maghreb et du Mashriq, la langue arabe – langue de l'enseignement public – ne suscite et déchaîne autant de passions qu'en Algérie. Elle est constamment sujette à des tensions politiques et à des disputes idéologiques extrêmes ». Assurément, dans le cas de l'Algérie, dépouillée de ses scories religieuses islamiques, la langue arabe aurait pu produire une éducation algérienne moderne digne des pays développés, en dépit de son retard économique. Mais l'Algérie, rompant avec son appartenance à l'aire culturelle méditerranéenne et africaine, dès l'indépendance formelle, avait préféré arrimer la langue arabe, sublime langue poétique et littéraire, agrémentée de bases rudimentaires de scientificité demeurées embryonnaires faute d'application de ses potentialités induite par le sous-développement encouragé par le pouvoir, vers les pays du Golfe et de l'Orient où la langue arabe se confond (ou plutôt se fond) avec (dans) la religion islamique. Indissolublement unie au Coran, la langue arabe ne peut que freiner la réflexion, inhiber l'esprit critique, dissoudre la rationalité, obérer la floraison de la modernité, obstruer tout développement économique. C'est la voie empruntée par les successifs pouvoirs algériens en érigeant l'islam en religion d'Etat, religion enseignée obligatoirement à l'école, propagée quotidiennement par tous les relais médiatiques du pouvoir. En effet, pour complaire à ses maîtres enturbannés orientaux du moment, le pouvoir algérien de l'époque s'était empressé d'« islamiser » les institutions administratives majeures, en particulier le système éducatif, pour se forger une identité nationale orientalisée, autrement dit « salafisée » pour être en phase avec l'idéologie dominante en vogue à l'époque : l'arabo-islamisme. L'instauration d'une « république islamique » au sein de l'institution scolaire avait constitué la première étape de l'islamisation salafisée de la société algérienne. L'école algérienne est l'antichambre de l'islamisme, de la fabrication des futurs « cadres » salafistes, terroristes, de la conception de l'idéologie patriarcale phallocratique, du totalitarisme. Cette islamisation orientalisée de la société algérienne s'est matérialisée par la propagation de normes religieuses coercitives destinées à endiguer toute forme de liberté de conscience et de penser. Le système éducatif algérien a été missionné de former des élèves imprégnés de valeurs et morales islamiques transnationales, insérées dans le cadre du panarabisme triomphant et du salafisme rompant. A suivre….