Plus personne ne s'intéresse à rien. En dehors de quelques uns ayant encore le sang nationaliste dans les veines et qui s'activent avec les moyens de bord pour garder la tête hors des eaux troubles de la politique, on ne fait plus aucun effort ; on se contente d'attendre. - D'attendre quoi ? Que ça change. Pour certains, ce changement doit s'opérer au sommet, c'est-à-dire là où vous savez. Au sommet, on pense exactement le contraire, préférant changer ceux d'en face. Tout en bas, on pense qu'il faut changer les deux camps pour apporter véritablement du sang neuf car le pays en a besoin. - Pourquoi faire, me diriez-vous? On n'est pas des vampires, tout de même. Non, c'est bien pire. On est des mollassons. Comment voulez-vous construire du solide avec des chiffes molles tout juste bonnes à gueuler. Quant à bouger, vous pouvez toujours attendre.Nous avons besoin d'une nouvelle mentalité. Bouger pour tout casser, là n'est pas vraiment notre propos. Mais agir, réagir pour changer le cours des choses, voilà la question. Tout se trouve dans ce mot des plus anodins : réagir. La réaction donc. Il fut un temps où les réac' étaient mal vus. Nous avons pris l'habitude de ne pas réagir, un peu comme si nous n'étions pas concernés par ce que nous voyons, par ce que nous vivons. Un abruti se comporte mal en circulation, on peste quelque peu et on circule ; après, se dit-on, on n'est pas de la police des mœurs. Tous les fonctionnaires (ils sont nombreux) savent que lorsqu'il faut faire avancer un dossier dans l'administration, il faut graisser la patte de l'abominable commis de l'Etat qui a le Pouvoir (avec un P majuscule) de le faire. Tout le monde condamne la pratique mais, dans les faits, tout le monde met la main à la poche pour «faciliter». Dans ces conditions, les sangsues auraient tort d'arrêter de sucer. Il n'y a pas meilleure victime qu'une victime consentante. Tous ceux qui sont en fin de carrière et qui doivent faire valoir leur droit à la retraite font connaissance avec le visage hideux de l'administration publique.Le pire, c'est que partout on s'arroge un droit de fonction. Le petit fonctionnaire de l'administration règne sur le quidam qui vient déposer des dossiers. L'infirmier est maître dans le dispensaire ou à l'hosto. Vous avez intérêt à fermer les yeux sur son petit trafic de médicaments extorqués aux malades sinon votre malade va mourir la gueule ouverte par manque de soin. C'est comme ça et pas autrement. Et tout le monde joue le jeu, en grinçant des dents, mais en silence. L'impunité que nous dénonçons tous les jours à plusieurs visages. Le plus simple serait peut-être que chacun balaye d'abord devant sa porte. (Redif)