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L'affairisme au pouvoir en Algérie
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 03 - 12 - 2015

Argent et pouvoir font partout bon ménage et sont perçus à juste titre comme pile et face d'une pièce de monnaie, et la forte fascination qu'ils exercent sur tout un chacun ne s'explique que par le fait qu'en possédant l'un on peut accéder à l'autre.
Comme par exemple à l'avènement du capitalisme en Europe (vers la fin du 18 è siècle) , où la bourgeoisie industrielle, en disposant d'un pouvoir économique et financier, a fini par conquérir le pouvoir politique qui lui permettra d'instaurer l'Etat libéral dit de droit.
S'agissant de l'Algérie, à l'indépendance il n'y avait pas une bourgeoisie nationale en mesure de se substituer à la bourgeoisie coloniale, et la course au pouvoir politique, engagée durant l'été 1962, n'a concerné que les seuls acteurs ayant participé de près (certaines Wilayas historiques) ou de loin (l'armée des frontières) à la guerre de libération nationale. D'autre part , au plan idéologique, l'option « socialiste » du régime issu de l'indépendance a entravé toute émancipation économique et politique de cette bourgeoisie nationale privée alors en gestation , au point de l'empêcher de se poser en un concurrent potentiel de la bourgeoisie d'Etat qui se mettait en place autour notamment des PDG et DG d'entreprises nationales et de banques publiques.
Paradoxalement , l'affairisme sera alimenté par le pouvoir lui-même en incitant des dirigeants d'entreprises publiques , des ministres et autres personnalités civiles ou militaires, aussitôt éjectés de leurs postes , à se convertir dans les affaires et de surcroît avec l'argent public. Comme observé notamment après le putsch avorté du colonel Zbiri en 1967 avec la décision du président Boumediene de se passer d'un grand nombre d'officiers ex. maquisards (devenus plus ou moins gênants) en les obligeant à quitter la sphère politique non sans compensation financière. Dorénavant, dans l'exercice du pouvoir , il prendra soin de s'entourer essentiellement d'officiers ex. déserteurs de l'armée française officiellement pour moderniser l'ANP.
Le régime « socialiste » du président Boumediene n'a pas, pour autant, échappé au phénomène de la corruption ainsi qu'aux multiples cas de malversations financières et de détournement de l'argent public, mais si une telle pratique a réellement existé, elle n'aurait pas dépassé une échelle plus ou moins réduite au regard de la forte personnalité du personnage que l'on redoutait à juste titre. Dans l'entretien qu'il a accordé à un journal de la presse dite indépendante , l'ex premier PDG de Sonatrach a révélé que le président Boumediene demanda un jour à l'un des membres du Conseil de la Révolution qui aurait détourné quelques milliards de dinars, de choisir entre le remboursement de la somme détournée ou la prison . Sans exclure l'éventualité que d'autres membres du sérail ont réussi à placer à l'étranger l'argent public détourné , comme rapporté une fois par le sociologue suisse ( Jean Ziegler ) en faisant état ,par voie de presse, de l'existence d' un ensemble de magasins de commerce appartenant à de hautes personnalités politiques algériennes alors en exercice et situés le long d'un grand boulevard d'une importante ville suisse ( …) , sans compter de possibles comptes bancaires ouverts en Suisse sous des prête-noms ou au nom des dignitaires du régime et de leurs familles …
Le lancement des deux plans quadriennaux des années 1970 qui devaient servir à développer l'Algérie , a représenté une aubaine pour les corrompus du régime qui n'ont pas hésité à recourir de manière quasi- systématique à des commissions fixées selon un pourcentage convenu lors de la conclusion des marchés publics ou avant l'acquisition d'usines clés en main. La liste des corrompus au sein du pouvoir algérien n'était pas inconnue des autorités officielles dont relevaient les fournisseurs étrangers notamment français, puisque ces derniers étaient tenus d'en faire état à l'administration fiscale de leur pays d'origine pour pouvoir soustraire des impôts le montant correspondant aux commissions versées.
Toutefois, il reste tout à fait probable que l'affairisme au pouvoir n'avait pas encore pris racine durant le règne du président Boumediene, tout comme celui-ci dut s'abstenir de disposer d'un compte bancaire à l'étranger au regard de la situation vécue par sa veuve qui, après avoir bénéficié d'une bourse d'étude sous le gouvernement du président Chadli Bendjedid, a préparé sa thèse de doctorat dans un simple studio à Paris. Et toujours à l'actif du président défunt, parmi ses proches collaborateurs et ses ministres, la plupart ont été plus ou moins intègres, compétents et cultivés, dont quelques uns se sont retrouvés membres du gouvernement du président Chadli Bendjedid durant son premier mandat. A l'exemple de cet ex. conseiller du président Boumediene nommé Secrétaire d'Etat à la Pêche avant de démissionner de son poste pour ne pas cautionner certaines pratiques affairistes du ministre auquel était rattaché son secteur.
L'AMORCE DE L'AFFAIRISME AU POUVOIR
Le régime du président Chadli Bendjedid voulait se poser comme l'antithèse du régime auquel il a succédé en mettant l'accent sur la consommation au détriment de l'investissement, en réduisant sensiblement la taille des entreprises publiques existantes officiellement pour mieux maîtriser leur gestion et en ouvrant la voie à la privatisation des domaines agricoles. Il voulait concrétiser son slogan « pour une vie meilleure » par le recours à un programme anti-pénurie ( PAP) qui s'est traduit par l'importation massive de biens de consommation au profit d'une population largement frustrée ,mais derrière le PAP se dissimulait une certaine collusion entre les milieux d'affaires et le pouvoir en place.
De même qu'il fut décidé de débattre du dossier portant sur le rôle et la place du secteur privé national et confié à une commission ad hoc du FLN , dont les conclusions furent nettement en faveur des tenants d'une large ouverture au profit du secteur en question (regroupés autour des représentants de l'institution militaire) et ce , malgré les mises en garde formulées par l'un des membres de la commission ad hoc quant aux conséquences désastreuses découlant d'une ouverture sans contrôle et sans encadrement…
Ses craintes se sont avérées justifiées par la suite au regard de l'anarchie actuelle qui règne au niveau du secteur privé national qui se retrouve sous l'emprise d'un secteur informel tentaculaire. Comme on le sait, cette politique d'ouverture prônée par le régime du président Chadli Bendjedid fut stoppée nette par suite de la crise de la rente pétrolière à partir de 1986 jusqu'à sa démission forcée en 1992 dans le prolongement des élections législatives remportées par le FIS (premier tour).
Pour l'histoire, comme la baisse drastique de la rente pétrolière avait engendré des répercussions négatives sur la légitimité du régime en place, le président Chadli avait sollicité en vain la contribution financière des milieux d'affaires, qu'il voulait mobiliser sous forme d'investissements privés pour la poursuite de l'exécution du plan quinquennal alors en cours. Ensuite, de sa démission forcée jusqu'à son décès dans son propre pays (…), il avait été profondément affecté par l'ingratitude manifeste de ses courtisans d'hier qui ont retourné leur veste au profit des nouveaux gouvernants du moment...
L'amorce de cette tendance à l'affairisme à l'ombre d'un pouvoir en crise de légitimité sous le régime du président Chadli , se poursuivra avec plus d'ampleur durant la décennie noire des années 1990 , avec l'application du programme d'ajustement structurel ( PAS) sous l'égide du FMI ( avril 1994/ avril 1998) et ce , malgré le climat d'insécurité lié aux actes terroristes .Tout au long de cette période tragique , le malheur des uns a fait le bonheur des autres , c'est-à-dire les « nouveaux riches » activant dans l'import-import , qui ont su saisir cette opportunité historique d'ouverture tous azimuts du commerce extérieur en l'absence d'un contrôle étatique rigoureux en la matière…
L'INSTITUTIONNALISATION DE L'AFFAIRISME AU POUVOIR
Le pouvoir actuel apparait comme une forme de synthèse entre l'autoritarisme du régime de Boumediene où l'affairisme servait d'exercice du pouvoir, et le libéralisme du régime de Chadli où l'affairisme se voulait être une affaire d'Etat. En tant qu'homme de pouvoir, le président actuel devait emprunter du règne de Boumediene cette politique qui consiste à dire : « faites des affaires et laissez-moi la politique » .Et c'est dans ce sens qu'il convient de comprendre pourquoi il décida de fermer le jeu politique et d'ouvrir le champ des affaires, y compris louches. Sa politique de réconciliation nationale qui a permis au pays de retrouver une certaine stabilité , repose sur l'affairisme , en ce sens qu'elle a permis au pouvoir en place d'injecter dans le créneau du commerce intérieur et extérieur de nombreux acteurs de la mouvance islamiste , désormais pris dans l'engrenage des affaires notamment dans le secteur informel . Ce secteur devenu de plus en plus tentaculaire, outre qu'il a pour fonction d'assurer la paix sociale notamment en « occupant » toute une masse de jeunes chômeurs, permet aussi au pouvoir de se servir de son caractère illégal ou illicite dans la perspective de pouvoir sévir au cas où les acteurs de la mouvance islamiste devenus affairistes seraient tentés de faire ou de refaire de la politique…
L'affairisme est aussi instrumentalisé pour neutraliser les clans du pouvoir en mesure de déstabiliser le clan présidentiel , et à ce niveau les affaires de corruption portées devant la justice apparaissent plus ou moins comme des mises en scène destinées à faire passer des messages , comme ceux consistant à dire : « ce qui est hallal pour toi n'est pas haram pour moi ! » . Car en matière de corruption en rapport avec l'affairisme, une course effrénée semble être engagée à tous les niveaux du pouvoir et de la société. Même le système éducatif dans son ensemble est gangréné par l'affairisme, alors qu'il est censé inculquer un savoir intellectuel de qualité, une culture générale ouverte sur le monde et une éducation morale et citoyenne, ce qui augure un certain pessimisme quant au devenir de la société et du pouvoir en Algérie.
Toujours en matière d'exercice du pouvoir , notre président actuel aurait emprunté du régime du président Boumediene , l'utilisation du parti FLN à des fins de propagande politique notamment en période électorale, en confiant le poste de SG à un porte-voix hors pair , au point de comparer son rôle à celui joué dans les années 1970 par un certain Kaid Ahmed quand il était à la tête de l'appareil du parti unique , avant de se retourner contre la politique de son mentor ( à partir de son exil au Maroc) , y compris sur l'affaire du Sahara Occidental.
Avec le régime du président Chadli Bendjedid, il en ressort certaines similitudes dans divers domaines au point d'entrevoir du « Chadlisme sans Chadli » dans l'exercice du pouvoir.
La première grande similitude à relever est d'avoir associé les proches-parents dans l'exercice du pouvoir et de surcroît avec rang de ministre (contrastant avec le frère de Chadli qui n'était qu'un simple wali).
La seconde grande similitude est de disposer d'un Premier ministre sur lequel repose l'essentiel des charges gouvernementales tout en servant de fusible le cas échéant.
A noter qu'il fut reproché au président Chadli d'avoir eu les pouvoirs de Franco tout en se comportant en monarque (en faisant allusion à la reine d'Angleterre).
La troisième grande similitude est de confondre affairisme et libéralisme en matière de gestion économique, au regard de la poursuite, à grande échelle, des politiques de privatisation menées au profit des milieux d'affaires jusqu'à les faire associer dans l'exercice du pouvoir politique. A l'exemple de l'actuel président du FCE qui déclare sans cesse qu'il ne fait pas de politique , sans savoir que la science politique enseigne que dire ne pas faire de politique , c'est admettre en faire de manière implicite...
La quatrième grande similitude se situe au niveau du choix des ministres pour la plupart de moindre envergure , quoique déjà reproché au président Chadli d'avoir choisi des ministres se comportant comme de simples « chefs de service ». A l'instar du président Chadli, notre président actuel est supposé suivre régulièrement et attentivement le journal télévisé du soir pour débusquer les ministres qui activent sur le terrain et ceux qui font de l'activisme en s'exhibant de façon théâtrale devant la caméra de la télévision.
Pour la « vox populi » , certains ministres sont des affairistes ou qu'ils servent de relais à des lobbies nationaux ou étrangers , ce qui incite à penser que l'affairisme en Algérie a tendance à prendre un caractère institutionnel , d'autant plus que l'altruisme en soi apparait comme une denrée de plus en plus rare tant dans la société qu'au niveau du pouvoir et ce , au fur et à mesure que l'affairisme se développe et s'érige en culture de masse .
La cinquième et dernière grande similitude est dans cette tentation de proposer , en pleine crise économique et financière, une révision constitutionnelle qui irait , selon le discours officiel, dans le sens d'une plus grande ouverture démocratique , comme jadis avec cette fameuse Constitution de février 1989 qui fut proposée et mise en place dans le prolongement de la baisse drastique de la rente pétrolière à partir de 1986. Gilles Kepel, le spécialiste du monde arabe, a déjà mis en évidence l'idée selon laquelle l'état de la rente pétrolière déterminerait, dans une large mesure, le degré d'ouverture ou de fermeture démocratique dans les pays arabes. En ce sens que dans ces pays dont fait partie l'Algérie, l'évolution vers une certaine ouverture démocratique n'interviendrait qu'en cas de crise de la rente pétrolière….et inversement.
En définitive, cette Algérie, si convoitée à l'extérieur, si jalousée par ses proches voisins, si mal menée et malmenée par ses gouvernants, si souillée par ses prédateurs et ses brebis galeuses et enfin si défigurée par l'incivisme ambiant, reste pour la postérité ce pays qui ne nous quitte pas même si nous le quittons avec ou sans une conscience tranquille et... apaisée.
* Dr - Universitaire


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